L’ex-Minader multiplierait des déclarations incendiaires, depuis sa fugue déguisée en évacuation sanitaire, puis son exil aux Etats-Unis.
Il fallait du génie pour faire aboutir la stratégie d’exfiltration… officielle. C’est en ces termes que, à des proches, l’ancien ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) se vanterait d’avoir réussi le “coup du siècle” lui ayant permis de quitter subrepticement son pays en passant par la grande porte, avec l’onction de deux évêques influents de l’église catholique au Cameroun. Et qui l’éloigne des serres de l'”Opération épervier” destinée à donner la chasse aux détourneurs de deniers publics.
Aujourd’hui installé avec sa famille au 6305 Shiplett Boulevard Burke, Va 22015, à Washington DC aux Etats-Unis, Essimi Menye se la coule douce en attendant une éventuelle ré-embauche au Fonds monétaire international (Fmi). A quelques proches qui lui rendent visite, l’ex-Minader ne tarirait point d’anecdotes quant au montage de la “stratégie” de son exfiltration. Après s’être fait passer pour un grand malade – victime d’un prétendu accident vasculaire cérébral – “en danger de mort”, l’homme raconterait avec gourmandise comment il a ensuite mis sur pied un lobby destiné à mettre la pression sur le gouvernement, après son admission au centre médico-social de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), le 18 octobre 2015. Le coup de pouce, analyse le non moins exministre des Finances, alors sous le coup d’une enquête judiciaire, est intervenu dans la correspondance au chef de l’Etat du ministre de la Santé, André Mama Fouda, qui dans son avis, est resté plutôt évasif, proposant soit une évacuation sanitaire, ou alors un transfert à l’hôpital de référence de Sangmélima, soit à l’hôpital général de Douala. C’est ladite ambiguïté, du moins en est-il convaincu, qui aura finalement décidé un proche du président de la République à Etoudi, à quitter le Cameroun pour l’hôpital américain de Neuilly, en France et qui ne sera qu’une étape de son odyssée vers les États-Unis.
Le “gros naïf”
Info ou intox ? Toujours est-il que la rumeur lui prête des complicités très – trop – haut placées dans l’appareil de l’État. Des personnalités qui se comptent parmi les proches collaborateurs du président Paul Biya. “Une enquête discrète, mais sérieuse est en cours dans le sérail et pourrait réserver bien de surprises”, souffle une source qui évoque la colère noire du chef de l’État sur ce dossier. Mais le moment où les confidences d’Emmanuel Essimi Menye deviennent encore plus savoureuses, rapportent ceux qui le rencontrent, c’est lorsqu’il en vient à commenter les déboires de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur (1997-2002, ministre d’État et secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr, 2002-2006) et ministre des Relations extérieures (septembre 2006-septembre 2007).
“Je ne veux et ne peux pas tomber dans le genre de piège tendu à Atangana Mebara“, confesse-t-il. L’ex- Minader, selon les mêmes, fonde ainsi sa détermination à ne pas se faire prendre sur les conseils à lui prodigués, ces dernières semaines, par des dignitaires du régime : “Ils me demandent de rentrer au Cameroun, où le président Biya aurait donné des instructions quant à mon immunité.” Emmanuel Essimi Menye, peu avare en anecdotes depuis qu’il est éloigné du chaudron, serait donc souvent revenu sur la situation de Jean Marie Atangana Mebara qui, voulant rendre visite à une de ses proches hospitalisée en Belgique, est stoppé à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen par des éléments de la police des frontières qui l’informent à l’instant qu’il est frappé d’une interdiction de sortir du pays.
Paul Biya informé quelques jours plus tard, s’en offusque et instruit le Délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn) de l’époque pour qu’on laisse partir son ancien collaborateur, lequel souhaite se rendre au chevet de sa belle-soeur en Europe, victime d’un accident de circulation. L’instruction du chef de l’État est exécutée à la lettre. Jean Marie Atangana Mebara voyage enfin en toute quiétude en revient des semaines plus tard. Et alors que des rumeurs d’enquête judiciaire sur son compte s’éparpillent dans les salons huppés de la capitale, l’homme de la Mefou et Akono est convoqué chez le juge d’instruction, puis gardé à la police judiciaire avant de se voir transféré à la prison de Kondengui.
Emmanuel Essimi Menye est miraculeusement parti du Cameroun, il n’entend y revenir avant un certain temps. Mais les ennuis d’Atangana Mebara -que l’ancien ministre des Finances traiterait désormais de “gros naïf”- commencent lorsque, en avril 2008, il est auditionné pendant près de 6 heures d’horloge par la Police judiciaire à Yaoundé dans le cadre de l’acquisition foireuse d’un aéronef pour les déplacements du chef de l’Etat. L’ex-Sg/Pr, regagne certes sa résidence en toute quiétude. Mais c’est pour mieux l’endormir : il sera, quelques heures plus loin, assigné à résidence au quartier Bastos et interdit de sortie de la ville de Yaoundé “sans autorisation” du Dgsn, Edgard Alain Mebe Ngo`o.
Puis son passeport est confisqué avant son incarcération, le 6 août 2008 à la prison centrale de Yaoundé- Kondengui ainsi que sa double condamnation à 15 ans de prison ferme en octobre 2012, puis à 20 ans de réclusion pour “détournements de deniers publics”. Il est dommage que le prisonnier-écrivain Jean Marie Atangana Mebara, dans son dernier livre “Le secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités”, ait passé sous silence l’épisode palpitant de sa vie à travers les prémices de son interpellation. Sans doute Essimi Menye aurait-il trouvé des arguments supplémentaires pour décider de ne pas revenir – en tout cas pas de sitôt – au Cameroun…
© La Météo : Cédric Mbida