La courbe de l’aide publique au développement aura connu le même sort que celle du chômage pendant le quinquennat de François Hollande. « J’agirai pour une aide accrue aux pays en développement », avait promis le candidat socialiste dans son 57e engagement.
L’inversion promise s’est produite, mais après quatre années de vaches maigres qui n’ont pas épargné l’Afrique, pourtant élevée au rang des priorités. Au cours de cette période, l’aide bilatérale aux pays subsahariens a chuté de 20 %, selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), juge de paix en la matière.
Un retournement de la dernière heure doit cependant permettre au chef de l’Etat de se présenter au sommet Afrique-France, qui se tient vendredi 13 et samedi 14 janvier à Bamako, avec le sentiment d’avoir accompli sa mission.
« Les plus graves risques géopolitiques »
En novembre 2016, dans une interview au quotidien La Croix, le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, avait anticipé : avec l’augmentation des crédits prévus dans le budget 2017 et l’augmentation de 0,3 % à 0,4 % du taux de la taxe sur les transactions financières (TFF), « notre aide au développement sera supérieure de 160 millions d’euros à son niveau de 2012. Je ne vous cache pas une certaine satisfaction ». Qu’importe si la vocation de cette taxe est à l’origine d’apporter de nouveaux financements et non de pallier à la disette budgétaire.
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Mais, à Bamako, la France fera surtout des promesses comme celle de faire bénéficier en priorité l’Afrique des moyens supplémentaires dont va disposer l’Agence française de développement (AFD) grâce au rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations. Paris, qui avait porté fin 2015 les revendications des Africains pendant la COP21 en soutenant son plan pour les énergies renouvelables, rappellera ainsi son engagement de mobiliser 2 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros) d’ici à 2020 pour participer à l’électrification du continent.
Il est peu probable cependant que cela suffise à masquer le grand écart qui a prévalu entre les discours volontaristes – « l’Afrique est notre avenir », avait déclaré le chef de l’Etat en février 2015 – et la réalité des chiffres. Si les hôtes africains ne se permettront pas de l’exprimer, les acteurs du développement font preuve de moins de réserve : « C’est incompréhensible. Face à la multiplication des crises humanitaires, à l’accumulation des besoins, le gouvernement aurait dû remobiliser les moyens en faveur des plus pauvres », déplore Philippe Jashshan, le président de Coordination Sud, la plate-forme qui regroupe les organisations non gouvernementales (ONG) françaises.
L’économiste Serge Michailof, auteur d’un ouvrage remarqué Africanistan, l’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? (Fayard, 2015), est plus direct encore : « Le gouvernement a abandonné les pays les plus pauvres alors que c’est là que se trouvent les plus graves risques géopolitiques. »
En cause : la structure atypique de l’aide française qui repose quasi exclusivement sur des prêts. « Sur les 9 milliards d’euros annuels d’aide publique au développement, environ 300 millions d’euros seulement sont des dons, poursuit M. Michailof. Or les pays les plus pauvres et ceux du Sahel en particulier n’ont pas les moyens de s’endetter. » L’appui aux secteurs sociaux, au renforcement de l’Etat et au développement rural dont ces Etats fragiles ont le plus besoin fait peu recette aux guichets commerciaux des banques de développement. En 2015, les seize pays prioritaires – tous africains – de l’aide publique au développement (APD) française n’ont reçu que 8 % des financements.
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Le cas du lac Tchad illustre ces contradictions. Alors que la région est l’un des points chauds de la crise qui déstabilise le Sahel, les ressources pour venir en aide aux populations vivant sous la menace de Boko Haram manquent cruellement à l’appel. « En 2016, la crise du bassin du lac Tchad est restée loin de l’attention des bailleurs, qui n’ont financé que 50 % des besoins, a rappelé l’ONG Oxfam à la veille du sommet de Bamako. La France n’a répondu qu’à hauteur de 14 millions d’euros à l’appel lancé par le système des Nations unies pour répondre aux diverses crises humanitaires dans les quatre pays (Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun). C’est huit fois moins que l’Allemagne. » Allié de Paris dans la lutte contre le terrorisme, l’inamovible président du Tchad, Idriss Déby Itno a cependant reçu, fin décembre 2016, 5 millions d’euros d’aide budgétaire pour faire face à la crise économique et sociale.
Face aux critiques, Paris a pris l’habitude de mettre en avant l’effort que représente son engagement militaire dans la région. Des discussions ont même été engagées avec l’OCDE, qui comptabilise l’aide de ses membres, pour que les dépenses militaires soient mieux comptabilisées dans l’APD. Jusqu’à présent sans succès. Fin 2016, l’effort de la France n’atteignait que 0,37 % du PIB contre 0,71 % par exemple pour le Royaume-Uni.
Cette année toutefois, grâce aux recettes de la taxe sur les transactions financières, l’AFD devrait ouvrir une « facilité spéciale pour les pays en crise » dotée de 100 millions d’euros.
Diplomatie économique
Le partenariat économique avec l’Afrique promu par François Hollande s’est en réalité davantage imposé comme la nouvelle boussole des financements octroyés par l’AFD. Diplomatie économique oblige, les yeux se sont tournés vers les marchés plus prometteurs : Afrique du Sud, Kenya, Angola, Nigeria… dont certains des chefs d’Etat sont d’ailleurs présents à Bamako.
Porter l’effort d’aide publique au développement à 0,7 % de la richesse nationale, conformément aux engagements des pays industrialisés, reste une priorité affichée. L’échéance a néanmoins été repoussée à 2030, date fixée par les Nations unies pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Mais François Hollande ne fait là que poursuivre sur la voie de ses prédécesseurs qui, les uns après les autres, depuis quarante ans, se transmettent ce mistigri de la solidarité internationale.
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