De « l’urgence de la pensée » à l’ivresse du pouvoir : le Cameroun doit-il être rayé de la carte parce que Kamto n’est pas Président ?
Il est plus qu’important, avant d’entrer dans le vif du sujet, de faire quatre remarques en guise d’avertissement :
Premièrement, que nous demandons, en tant que personnalité indépendante membre de la diaspora camerounaise patriotique, la libération immédiate de Maurice Kamto et de ses collaborateurs. Nous ne partageons pas personnellement la stratégie de conquête du pouvoir du MRC mais préférons débattre pour démontrer la dangerosité et les limites de celle-ci via une argumentation contradictoire et critique de ce que propose son président comme alternative au Renouveau National.
Deuxièmement, que nous condamnons avec la dernière énergie, si les dires et les images s’avèrent véridiques, les tirs à balles réelles sur des manifestants camerounais que la manifestation soit interdite ou non par les autorités camerounaises en place.
Troisièmement, qu’il n’y a pas d’équivalence démographique, socioculturelle, spirituelle et géographique entre les micro-nations camerounaises et les organisations politiques qui s’adossent de façon instrumentale sur elles pour conquérir le pouvoir et dominer le champ politique camerounais. Autant le RDPC, Paul Biya et leurs alliances ne sont équivalents à la micro-nation Beti, autant Maurice Kamto, le MRC et leurs alliances ne coïncident avec la micro-nation Bamiléké. Le terme Bamiléké utilisé dans ce texte doit donc se comprendre au sens politique du terme. C’est-à-dire comme un objet politique construit par enrobement d’un projet politique concret d’une identité micro-nationale de laquelle il prétend tirer son incarnation archétypale sur le plan démographique, spirituel, culturel et traditionnel.
Quatrièmement, que notre critique du régime en place est un secret de polichinelle. Elle est connue et documentée pour l’histoire dans un ouvrage qui a fait date et que liront nos enfants dans les bibliothèques car les écrits restent lorsque les paroles s’envolent. Etant cependant un esprit libre, notre caractéristique fondamentale est que notre regard critique n’a pas de camp et encore moins d’interdits. Nous ne pouvons être d’un quelconque apport au Cameroun et à tous les Camerounais sans distinction de sexe, de classe et d’ethnie, que si notre travail critique reste impartial, s’il ne se met point exclusivement au service d’un Cameroun contre un autre. Faire un travail intellectuel destiné au changement des mentalités et des mœurs sociopolitiques dans notre pays est un sacerdoce qui doit s’infliger un incessant effort d’impartialité. De ce fait, « l’urgence de la pensée », titre d’un célèbre ouvrage de Maurice Kamto, se doit aussi de s’appliquer de façon critique sur le MRC et ses stratégies de conquête du pouvoir.
Cela dit, Maurice Kamto, président du MRC, et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle camerounaise, est celui par qui jurent, non seulement les membres de son parti – ce qui est normal –, mais aussi certaines organisations de la diaspora camerounaise militante et combattante comme certaines branches du CODE, le CCD, la « Bridage Anti-Sardinards » et bien d’autres. En réponse au programme de renaissance du Cameroun axé sur un programme national de résistance postélectorale, des violences et de graves incidents ont été constatés au Cameroun et dans ses représentations diplomatiques à travers le monde. Dans la mesure où la philosophie du deux poids deux mesures, la malhonnêteté intellectuelle, l’amalgame, les conflits d’objectifs et le tribalisme sont des marqueurs prégnants et majeurs de ce que Maurice Kamto et ses partisans appellent le programme national de résistance, il est crucial et urgent que la diaspora camerounaise, du moins la majorité silencieuse qui ne se reconnait pas dans les actes posés et les stratégies choisies, se signale et le fasse savoir publiquement. Ce texte participe de cela. Il est l’analyse d’un membre de la diaspora camerounaise critique, militante et patriotique. Il n’engage personne d’autre que son auteur qui, en libre penseur, l’assume complètement et le structure autour des questions suivantes : Le Cameroun doit-il être rayé de la carte du monde parce que Maurice Kamto n’est pas Président de la République ? L’offre politique de la diaspora camerounaise se réduit-elle désormais à la stratégie Maurice Kamto Président ou le chaos au Cameroun ? Si oui, comme cela semble se dessiner ces derniers temps, quelles en sont les limites politiques ?
* Est-ce Kamto le premier Camerounais dont l’hypothétique victoire aurait été volée par Paul Biya ?
Dans un moment marqué par des comportements moutonneux et panurgiens qui peuvent obscurcir la raison et donner une anorexie analytique aux esprits les plus brillants, il est vital de continuer à penser par soi-même en prenant du recul par rapport aux évènements et en s’écartant quelques instants de la meute et de la foule éberluées, moins par goût de snobisme que par respect de la distance nécessaire à un minimum d’objectivité. Aussi, semble-t-il nécessaire de rappeler une vérité du biotope politique camerounais depuis 1982. Celle-ci peut se décliner en ces termes : De nombreux autres candidats malheureux à l’élection présidentielle camerounaise, notamment le célèbre opposant John Fru Ndi, ont déjà estimé et proclamé avoir été victimes des fraudes électorales supposées du régime camerounais en place. Nous utilisons les termes « fraudes électorales supposées » parce que, sans affirmer péremptoirement qu’elles n’existent point, aucun candidat malheureux, jusqu’à preuve du contraire, n’a, en dehors des plaidoyers pro domo et des convictions personnelles, donné des preuves statistiques et matérielles irréfutables de sa victoire dans les urnes. John Fru Ndi et bien d’autres opposants camerounais ont donc déjà dénoncé ce qu’il est convenu d’appeler le hold-up électoral. Dès lors, la question qu’il faut se poser est celle de savoir pourquoi les organisations de la diaspora camerounaise n’ont pas défendu à cor et à cri la prétendue victoire du SDF il y a quelques années ? Pourquoi Maurice Kamto, déjà politiquement actif, n’a pas organisé les marches pour défendre la victoire de John Fru Ndi et, partant, celle de l’opposition camerounaise en 1992 ? Pourquoi faut-il que le Cameroun soit rayé de la carte du monde parce que le candidat malheureux en 2018 a pour nom Maurice Kamto ? La démocratie est-elle seulement en danger quand Maurice Kamto est volé et pas lorsque John Fru Ndi est victime d’un hold-up électoral ? Kamto aime-t-il tant le Cameroun uniquement lorsque c’est lui qui doit être Président de ce pays et non lorsque c’est John Fru Ndi qui doit le devenir ?
Nous proposons trois conjectures pour répondre à ces questions. La première conjecture revient à avancer que si ce n’est pas la première fois qu’un candidat de l’opposition camerounaise à Biya se déclare être le vrai vainqueur de l’élection présidentielle alors la violence multiforme qu’entraîne ce que les adeptes de Maurice Kamto appellent le hold-up électoral, est la preuve que le régime en place a perpétré la fraude de trop. Cette dernière serait donc une sorte de point d’inflexion à partir duquel le seuil de tolérance du peuple camerounais est dépassé et fait sortir celui-ci de ses gonds. Ce raisonnement est cependant faux malgré son caractère séduisant. En fait, si franchissement d’un seuil de tolérance de la fraude il y a, cela concernerait uniquement une frange extrêmement minoritaire du peuple camerounais et non le peuple camerounais qui, dans son immense majorité, ne revendique ni la victoire de Kamto, ni le plébiscite de Biya.
Appelons donc à la rescousse une deuxième conjecture. Celle suivant laquelle les manifestations et les violences observées au Cameroun et en dehors sont, comme annoncé clairement par le président du MRC, une stratégie politique dite de résistance nationale, dont l’objectif, d’après notre lecture, est de continuer à surfer sur son hypothétique victoire volée à la présidentielle pour maintenir ses troupes en éveil politique, gagner les législatives et, ainsi, confirmer le déclassement du SDF comme premier parti politique de l’opposition camerounaise. Au stade actuel Maurice Kamto est moins à la conquête du palais d’Étoudi qu’à celle du fauteuil statutaire jadis occupé par John Fru Ndi comme leader de l’opposition et premier opposant au Renouveau National. Dès lors, créer du gazouillis, faire du grabuge, distiller le désordre, décréter des villes mortes et la désobéissance civile, stratégie déjà utilisée par John Fru Ndi et le SDF dans les années nonante, est la même que celle du MRC en 2019. En ce sens, cette étape semble un objectif intermédiaire à un objectif final, celui de prendre le pouvoir par une insurrection populaire que prépare la chosification des autres Camerounais que met en place la funeste propagande virtuelle du MRC.
Le caractère plausible de cette deuxième conjecture ne peut exclure une autre à savoir l’hypothèse tribale. Elle consiste à penser que « la victoire volée de John Fru Ndi » n’a entraîné aucune mobilisation de la diaspora camerounaise, non seulement parce que les organisations de la diaspora camerounaise en Europe sont dominées par les Bamilékés, mais aussi parce que Maurice Kamto et le MRC, contrairement au SDF en son temps, ont passé des accords politiques avec cette diaspora camerounaise structurée en associations. Ces accords politiques ont tantôt été négociés entre certains leaders de ladite diaspora et le MRC, tantôt initiés unilatéralement par des organisations diasporiques dominées par les ressortissants de l’Ouest du Cameroun. C’est la raison pour laquelle cette diaspora organisée ne s’est pas mobilisée pour les candidats malheureux du passé : ils n’étaient pas de leur ethnie et, de ce fait, ne pouvaient être profitables pour eux une fois au pouvoir. En tant que membre actif de la diaspora camerounaise patriotique, critique et militante, nous avons personnellement refusé de signer tous ces accords préélectoraux pour soutenir Maurice Kamto car nous ne sommes pas membre du MRC mais un intellectuel engagé pour l’avènement de la démocratie au Cameroun. La logique tribale du positionnement politique camerounais est donc ce qui explique que « la majorité bamilékée » au sein de la diaspora camerounaise structurée préfère que le Cameroun soit rayé de la carte du monde si ce n’est pas Maurice Kamto le Président de ce pays. Cette hypothèse tribale, robuste, quelque invraisemblable qu’elle vous paraisse, est au cœur d’une « Brigade Anti-Sardinards » où, non seulement les noms de ses dirigeants sont cachés au profit des sobriquets et prénoms pour éviter qu’on ne s’aperçoive de leur « consonance bamilékée », mais aussi où les leaders non ressortissants de cette région ont été évincés des affaires d’une « Brigade Anti-Sardinards » moins orientée vers le combat pour la libération du Cameroun que vers la lutte pour mettre Maurice Kamto au pouvoir à Yaoundé.
Ne nous voilons pas la face, cette hypothèse tribale est moins une étrangeté qu’une confirmation de la logique politique subsaharienne où chaque ethnie ou région veut devenir « le pays organisateur ». Il s’ensuit, chez Kamto et le MRC, le projet d’une gouvernance politique aménagée autour d’un suprématisme identitaire et ethno-territorial de même nature que ce qu’il y a déjà en place au Cameroun depuis 1982. Le combat du MRC et de Kamto est-il donc un combat uniquement pour prendre la place de ceux qui sont là ou un combat pour changer la logique de gouvernance du pays ? Kamto et le MRC proposent-ils aux Cameroun et au Camerounais un national-populisme qui, au mieux, est l’équivalent de ce que le pays connait déjà depuis 1982 ?
* Un leader politique qui ne condamne pas la mise à sac des Ambassades de son pays est-il digne de le diriger ?
Le Renouveau National et ses membres sont responsables d’un Cameroun aujourd’hui plongé dans une crise économique marquée par le retour de l’ajustement structurel, une crise civique sous les traits des détournements de deniers publics, une crise sécuritaire (Boko Haram, crise anglophone, frontière de l’Est…) et une crise patriotique incarnée par la fuite d’athlètes lors des compétitions internationales, les ambassades saccagées, l’hymne national évincé par d’autres chants de ralliement et les drapeaux déchirés. Un leader politique qui s’oppose à cette dérive multi-crise se doit donc, afin qu’il soit une alternative crédible au régime en place, de prôner l’exemplarité en terme de civisme, de patriotisme et des mœurs politiques. Maurice Kamto ne brille pas dans cette direction lorsqu’il ne condamne pas et ne désavoue pas explicitement et publiquement ceux qui mettent à sac les représentations diplomatiques camerounaises à travers le monde. Faut-il le souligner et le rappeler à ceux des nôtres victimes d’un envoûtement politique, l’ambassade du Cameroun n’est pas l’ambassade de Paul Biya et encore moins celle de Maurice Kamto. Répétons-le à l’envi. C’est un crime contre son pays et une ignominie politique inqualifiable que de la profaner tellement cela est de l’ordre de la névrose politique qui gagne une certaine diaspora pour laquelle Maurice Kamto se transforme carrément en gourou spirituel de nature sectaire. Pour un Etat, le saccage de son ambassade est une déclaration de guerre contre lui et ses populations. C’est un acte qui, si on prenait une image métaphorique, correspond à la profanation d’une mosquée pour un Musulman et à la souillure d’une Église pour un Chrétien pratiquant. Cet acte ignoble perpétré par certaines organisations diasporiques en guise de réponse aux blessures subies par des collaborateurs de Kamto, n’est pas une blessure sur Biya. C’est un auto-viol des intéressés, une auto-enculade du Cameroun et des Camerounais par eux-mêmes car c’est une blessure que l’on s’inflige à soi-même par manque de discernement dans un état d’ébriété politique. N’allons-nous respecter nos ambassades que lorsque Kamto sera Président du Cameroun ou devrions-nous le faire tout le temps quel que soit le Président en place ? Comment Maurice Kamto peut-il prétendre sortir de la crise civique qui gangrène le peuple camerounais sans condamner ces actes afin d’inculquer à ses militants que pour un pays, une ambassade est sacrée ? Comment peut-il être respecté s’il ne respecte pas le Cameroun en recommandant à ses soldats de tenir en haute estime les représentations diplomatiques camerounaises quel que soit le régime en place étant donné qu’elles représentent la continuité, la neutralité, la non divisibilité et la permanence extranationale de notre pays ? Comment sera-t-il en sécurité en dehors du Cameroun s’il ne prône auprès de ses disciples le fait qu’une ambassade est l’endroit où un Camerounais est à nouveau chez lui et donc en sécurité ? Kamto ne le fait pas parce que les auteurs de ces actes le soutiennent. Maurice Kamto tombe-t-il en extase de joie lorsque ses partisans de la diaspora décrochent l’effigie de Paul Biya, la triture pour accrocher la sienne en lieu et place au sein des ambassades ? Certainement que oui car il est le vainqueur fugace d’une stratégie de la terre brulée et de conquête des structures microphysiques du pouvoir diplomatique dont un des aspects est une guerre symbolique dont l’objectif consiste à détruire le pays et son incarnation diplomatique, institutionnelle et symbolique dans le concert des nations, afin que du chaos, il incarne l’ange de la lumière qui, du fatras, fait renaitre le Cameroun. C’est donc à ce niveau qu’apparait la logique politique mystique et spirituelle de la renaissance dont parle le MRC car une chose – ici le Cameroun – ne peut renaitre que si elle meurt d’abord. Il est impossible de renaître sans au préalable avoir été en vie et être passé de vie à trépas. Le Cameroun de Biya est alors « un grand malade » qui doit être euthanasié parce que son agonie devient interminable et empêche la renaissance portée par le MRC.
* Paul Biya & Maurice Kamto : le Cameroun entre deux ivresses du pouvoir
L’actuel Cameroun est pris en tenaille entre deux ivresses du pouvoir qui sont deux faces d’une même médaille à savoir un pouvoir dangereux et anti-démocratique. Très souvent, on évoque uniquement l’ivresse qui habite Paul Biya de rester au pouvoir ad vitam aeternam. Il existe cependant une autre ivresse de nos jours, celle de Maurice Kamto qui consiste à vouloir prendre le pouvoir par tous les moyens. Ces deux ivresses apparemment antinomiques en ce sens qu’une souhaite conquérir le pouvoir et l’autre le conserver, ont pourtant un dénominateur commun, le pouvoir à tout prix et le pouvoir comme seul sens possible de la vie de leurs auteurs. Ces deux ivresses du pouvoir sont destructrices d’un pays l’une autant que l’autre. D’abord parce que l’ivresse du pouvoir agit dans le cerveau de son auteur comme un alcool fort qui fait perdre le sens des réalités et l’installe dans un monde parallèle où il ne rêve, ne pense et ne voit que pouvoir. Ensuite parce qu’elle entraîne avec elle une foultitude de partisans qui sombrent soit dans la même paranoïa d’un paradis vécu sur terre (ceux qui sont déjà au pouvoir et souhaitent le conserver), soit dans un paradis rêvé sur terre (ceux qui veulent y accéder). En conséquence, ceux qui tirent à balles réelles sur des manifestants pacifiques et arrêtent les opposants politiques (Renouveau National), et ceux qui saccagent les ambassades, affrontent les forces de l’ordre et ne respectent pas les interdictions de manifester (MRC et ses militants) sont dans un état second, un état de zombification atteint par ivresse du pouvoir à garder ou à conquérir. Il en découle la tenaille politique vicieuse et dangereuse qui étouffe actuellement le triangle national. Or, le Cameroun de demain, pour se reconstruire, a besoin d’un pouvoir serein. Il n’a pas besoin d’une ivresse du pouvoir car il en souffre déjà. Le MRC et son leader ne se présentent pas aujourd’hui comme des forces capables de construire cette sérénité au pouvoir et du pouvoir. Ils font peur par leur méthode et rappellent qu’un pouvoir qu’on veut garder à vie est autant destructeur pour un pays que celui qu’on veut avoir par tous les moyens car ils sont tous enclins à des pratiques politiques antidémocratiques, inhumaines et impurs qui font du pouvoir une question de vie ou de mort alors que celui-ci doit servir la vie. Le Cameroun gagnerait-il au change avec un tel pouvoir ? Lorsqu’un leader politique sait lui-même qu’un régime n’est pas démocratique et qu’il autorise et encourage une manifestation interdite, cela s’appelle une stratégie de provocation pour que le désordre s’installe dans le but d’en profiter : la fin justifie les moyens ?
* La diaspora camerounaise n’est pas synonyme de MRCISTES
Autant les adhérents, électeurs et sympathisants du RDPC sont les RDPCISTES autant ceux du MRC méritent l’acronyme MRCISTES. Lutter pour que Kamto devienne Président du Cameroun est un droit démocratique inaliénable pour eux autant qu’il en constitue un pour les RDPCISTES et le soutien à leur champion. Jusqu’à preuve du contraire, les Camerounais de l’intérieur et de l’extérieur restent complètement libres d’adhérer au parti de leur choix. Nous n’avons aucune objection à cela. En tant qu’observateur vierge de toute adhésion à un quelconque parti politique camerounais depuis sa naissance, nous avouons même une certaine admiration pour le dynamisme militant des MRCISTES qui réussissent à construire un parti compétitif en si peu de temps. Nonobstant cela, deux précisions s’imposent.
Premièrement, le fait que certaines organisations de la diaspora soient pro-MRC et donc pro-Kamto, ne fait pas de toute la diaspora camerounaise en Occident des MRCISTES. Nous nous sentons l’obligation de mettre fin à la diffusion de cet amalgame qui peut pousser certains à penser que toute la diaspora camerounaise patriotique et militante est pour les méthodes et les stratégies du MRC et de ses adeptes. Loin s’en faut !
Deuxièmement, nous faisons partie d’une diaspora patriotique, critique et militante dont le but du travail est de promouvoir les idées, les pratiques, les mœurs et les institutions qui renforcent le processus démocratique au Cameroun en particulier et en Afrique en général. Et jusqu’à preuve du contraire, lutter pour l’accession au pouvoir de Maurice Kamto n’est pas équivalent à lutter pour l’avènement d’une démocratie réelle au Cameroun et en Afrique. Ce sont deux choses différentes car le premier combat est impersonnel, normatif et général, lorsque le second est personnalisé et particulier. Le second combat, celui des MRCISTES, s’inscrit dans une philosophie politique de l’homme providentiel lorsque le second, celui de la diaspora patriotique et militante, se situe au-delà d’une figure éponyme pour l’avènement d’un peuple africain souverain, véto et surveillant de la marche de son continent.
* Le deux poids deux mesures et l’indignation sélective
Maurice Kamto a, comme tout Camerounais, le droit d’avoir l’ambition de devenir Président du Cameroun. Nous préférons parler de droit inaliénable de tout Camerounais parce que devenir Président d’un pays est moins une affaire de compétences intrinsèques que d’opportunité politique et historique. Personne ne peut contester ce droit au président du MRC. Cependant, puisqu’il souhaite accéder à la magistrature suprême, son ambition donne aux citoyens que nous somme le droit de nous interroger sur lui car l’offre politique du MRC a pour fétiche son estampille. Mais Maurice Kamto est-il un bon ou un mauvais fétiche pour nous citoyens Camerounais étant donné qu’il y a de bons et de mauvais fétiches ? Notre situation de citoyen lambda oublié par le régime en place peut-elle s’améliorer avec lui ? N’est-il pas comme les autres qui parlent du peuple lorsqu’ils veulent le pouvoir et l’oublient une fois qu’ils l’ont ? Ces questions sont importantes car l’oubli de critiquer ce qui se présente comme le paradis futur du Cameroun peut, si seule le critique du RDPC et de son régime fait flores, nous réserver de surprises désagréables. Nous nous devons de poser des questions à cette ambition légitime de Maurice Kamto en mettant en lumière ses zones d’ombres et ses incohérences. C’est à lui de répondre à ces inquiétudes légitimes d’un citoyen camerounais. Pour alimenter notre thèse, confrontons donc Kamto comme modèle théorique d’un pouvoir vertueux ex ante, au Kamto réel, c’est-à-dire porteur et incarnation du pouvoir ministériel au sein du Renouveau National. L’avenir radieux dont nous rêvons et que nous promet le MRC dépend aussi de ce que le passé politique de son leader révèle comme leçons et traits de caractère avérés dans son passé au pouvoir. Cette technique du rétroviseur politique permet de constater que Maurice Kamto a validé et soutenu les réformes constitutionnelles qui ont fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats à la tête de l’Etat camerounais. A-t-il pensé au peuple camerounais en ce temps-là ? De même, Maurice Kamto était ministre, lorsque, en février-mars 2008, 150 jeunes camerounais étaient tués par les soldats camerounais à Yaoundé et à Douala lors des émeutes de la faim et/ou de la hausse du prix du carburant. Le président du MRC, devenu sourd muet à cette époque alors que le peuple était fauché comme des pigeons, dit désormais que le fait de démissionner de son poste de ministre n’aurait servi à rien ! Que non Monsieur Kamto. Démissionner aurait servi au moins à trois choses fondamentales pour le peuple camerounais : D’abord à lui montrer que vous n’êtes pas solidaire des actes posés. Ensuite, lui prouver que votre poste ministériel ne vaut pas plus que des vies humaines. Enfin, lui démontrer que votre intérêt personnel ne prime pas sur l’intérêt collectif. C’est exactement l’inverse de tout cela que vous avez envoyé comme message en restant en poste comme ministre de Biya et bouche bée malgré les larmes de la rue camerounaise. Ce morceau choisi ne disqualifie nullement Maurice Kamto de son ambition. Il démontre juste qu’il s’est comporté en 2008 exactement comme le régime en place en ignorant le peuple camerounais dont le sang coulait. Nous n’avons donc pas devant nous un Um Nyobè, mais quelqu’un qui, par le passé, a déjà refusé de sacrifier ses ambitions et son confort personnel à la cause du peuple camerounais. A-t-il changé ? Qu’allons-nous gagner puisque que ceux qui sont en place font déjà la même chose ? Wait and see. À Kamto de répondre à ces inquiétude d’un citoyen camerounais.
Thierry AMOUGOU, Pr. Université catholique de Louvain (UCL), Belgique.
Fondateur et Animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques,
patimayele@hotmail.com.