En réponse à l’article de Benjamin Zebaze «ÉPERVIER: QUAND BIYA ORGANISE LA CHASSE AUX BETI», Biya avec son «Opération Epervier» est devenu le tireur des ficelles en chef au Cameroun. Les Camerounais ordinaires sont tellement obnubilés par tous ceux qui sont ou vont être jetés aux loups, et ils semblent même ne jamais en avoir assez de ce cirque macabre que constitue l’Opération Épervier. C’est exactement comme ça que Paul Biya, que vous l’aimez ou le détestez, continue à vivre au centre de la conscience du pays grâce à l’Épervier.
Tout le monde oublie précisément que l’Epervier n’a rien à voir avec la démocratie ou la justice sociale, mais avec la capacité de Biya à manipuler nos institutions pour rester à vie au pouvoir.
Ainsi, ceux qui nagent dans le marigot du tribalisme avec le « G-BULU » et toutes les autres conneries naviguent en eaux troubles sans en mesurer toute la dangerosité. Pour être clair: il est temps que les Camerounais ordinaires comprennent que le pouvoir de Biya n’a rien à voir avec le tribalisme mais avec sa capacité à manipuler nos institutions et nos droits civiques. Ainsi, l’idée que l’Épervier soit totalement juste, non partisane et professionnelle est une blague et le CL2P a suffisamment rassembler de preuves pour le prouver. Le CL2P se range pour ainsi dire du côté des lions, pas de celui du chasseur, sachant que, comme le dit notamment le dicton swahili, « jusqu’à ce que les lions parviennent à écrire leur propre histoire, l’histoire glorifiera toujours le chasseur ».
Dans une démocratie réelle, les questions ne doivent pas porter sur des personnalités, mais sur des problèmes réels tels que les impôts, la justice sociale, l’éducation, la santé, les politiques à mener pour améliorer, en bref, le bien-être et l’intérêt général.
Mais Paul Biya, au cours des 35 dernières années, a réussi à tuer cela. Maintenant, la politique au Cameroun se résume à un concours de popularité, sur qui aimez-vous et qui vous n’aimez pas. À ce sujet, les gens se contentent uniquement de dire: « Je n’aime pas tel et tel parce qu’il est Béti, Bamiléké, G-Bulu, Anglos, Peul, Haoussa». Ce n’est pas de la politique ça! Ce que Biya a de la sorte accompli c’est briser le facteur d’union qui avait été le moteur de la classe moyenne camerounaise. Dans le passé en effet, si vous étiez prêt à donner le meilleur de vous-même, vous pouviez vous attendre à aller de l’avant et gravir l’ascenseur social jusqu’au sommet, sans nécessairement bénéficier d’un quelconque passe droit; « The sky the limit » comme disent les anglophones. Peu importait votre origine sociale ou tribale, ou qui étaient vos parents, vous pouviez réussir dans cette république si vous aviez assez d’ambition et de savoir-faire; et c’est d’ailleurs ainsi que Paul Biya est devenu président. Le programme d’ajustement structurel du FMI, qui a introduit l’économie néolibérale au Cameroun, a été un plan d’élimination de la classe moyenne et de cet ascenseur social. Et quand vous détruisez la seule chose qui rassemble des gens d’origine diverse, vous les conduisez ou renvoyez tous dans leurs propres petites enclaves tribales.
Cela a éminemment un effet plus que négatif sur la démocratie. Car l’opinion publique est censée être souveraine dans une république, mais elle ne peut être souveraine et bienveillante qu’après que le peuple ait réfléchi, conversé, et discuté les uns avec les autres sur les questions qu’il juge d’importance pour atteindre le bien-être général. Si les gens ne peuvent plus délibérer sur rien d’autre que Biya et l’Épervier, ils ne pensent pas à ces problèmes sérieux qui minent notre république. L’opinion publique sur les questions de fond reste donc vague ou mal formée, minant la souveraineté que la Constitution accorde pourtant au peuple.
Dans le cadre des missions du CL2P, nous considérons d’emblée qu’il y a beaucoup plus de problèmes que Biya et l’Épervier.
En effet avec Biya qui s’est indéfiniment installé, sans payer, dans nos têtes, nous ne disposons d’aucune place supplémentaire pour penser à autre chose; et surtout pour des organisations de droits humains comme le CL2P, d’influencer efficacement sur le cours de la politique publique d’une manière bénéfique pour tous. Le CL2P comprend à ce égard que pour avoir une démocratie effective nous devrons faire appel à notre capacité collective d’avoir à nouveau des conversations partagées, basées sur des préoccupations communes et de première importance, voire de toute urgence pour le Cameroun. L’Opération Épervier -qui aurait pu l’être– ne rentre précisément plus dans cette catégorie.
Nous devons définitivement prendre conscience du messianisme narcissique qu’elle véhicule et imprime durablement dans nos têtes. Nous avons donc tous besoin d’abord de porter un regard objectif et sans concession sur nous-mêmes (c’est-à-dire ce que nous sommes devenus sous ce régime), mais aussi de mettre ensuite l’accent sur la nécessaire solidarité collective. Les politiciens, tels que Paul Biya, font tout leur possible pour attiser le narcissisme tribal uniquement pour leur bénéfice propre. Les résultats peuvent être extrêmement désastreux, comme l’a à plusieurs reprises montré l’histoire, et que nous commençons malheureusement à expérimenter au Cameroun.
En effet des sociétés entières peuvent devenir sociopathes et se lancer dans la guerre intérieure, le génocide, l’esclavage et l’oppression; un voyage dans l’abîme et néant que nous devons tous éviter absolument, au moins pour les générations futures de camerounais qui ne méritent pas ça!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
English version
The CL2P: On How Biya’s lives in our heads
In response to Benjamin Zebaze’s article “ÉPERVIER: QUAND BIYA ORGANISE LA CHASSE AUX BETI,” Biya with his “Operation Epervier” has become the circus ringmaster in chief. Ordinary Cameroonians are so enthralled by who is going to be thrown to the wolves next and they do not seem to get enough out of the Epervier and that is exactly how Paul Biya, love him or hate him, continues to live at the center of the country’s consciousness.
Everybody forgets how the Epervier has nothing to do with democracy and social justice but Biya’s ability to manipulate our institutions to stay in power.
Thus, those who are swimming in the water of tribalism with the “G-BULU,” and any other bullshit are in fact swimming in dangerous water. The fact is, it is about time that ordinary Cameroonians understand that Biya’s power has nothing to do with tribalism but his ability to manipulate our institutions and civic discourses. Thus, the idea that the Epervier is totally fair, non-partisan and professional is a joke and the CL2P has plenty of evidences to prove it. The CL2P sides with the lions not the hunter knowing that, as the Swahili saying goes, « until the lions have their own historian’s history will always glorify the hunter ».
In a real democracy, consequently, issues must not be about personalities but real problems such as taxes, social justice, education, health, in brief policies not personalities and the general welfare.
Paul Biya, in the past 35 years, has managed to kill that. Now, politics is about popularity contest, who do you like and who you do not. I do not like so and so because he is a Beti, Bamileke, G-Bulu, Anglo, Peul, Hausa that is not politics! What Biya achieved to kill miss the uniting factor that had been the middle class. If you were willing to go out there and give it your best you could expect to move forward. It didn’t matter who you were, or who your parents were, you could make it if you tried and that is how Biya became president.
The structural adjustment program of the IMF that introduced Neoliberal economics to Cameroon was the blueprint for eliminating a middle class. It has worked, and when you destroy the one thing that draws diverse people together, you drive them all into their own little enclaves.
This has a more subtly negative effect on democracy. Public opinion is supposed to be sovereign in a republic, but it can be a benevolent sovereign only after the people think, converse, and argue with one another on the issues that are important to the general welfare. If the people cannot deliberate on anything except Biya and the Epervier, they are not thinking about those issues. So public opinion on matters of substance remains inchoate or poorly formed, undermining the sovereignty that the Constitution grants the people.
In the CL2P’s mission, there are much bigger problems than Biya and the Epervier, or whatever. With Biya living rent-free in everybody’s head, there is no room for us to think about anything else and for the people to influence the course of public policy in a beneficial way. The CL2P understands that to have a democracy means the ability to have shared conversations based on shared facts.
We must be aware of the narcissistic messianism. We all need to look out for ourselves but also for each other. Politicians, such as Paul Biya, go out of their way to stoke tribal narcissism for their own gain, but the results can be disastrous as history repeatedly shows. Whole societies can and do become sociopathic, and war, genocide, slavery, and oppression are historical results.
The Commitee For The Release of Polical Prisoners (CR2P)