Le CL2P et la Mythologie des Sardinards et des Tontinards
Par Olivier J. Tchouaffe, Porte-parole du CL2P
La Mythologie des Tontinards et des Sardinards anime conversations et polémiques dans la sphère publique anémique camerounaise. Ces terminologies éclairent sur des subjectivités importantes qui structurent les positions politiques qui ont SOUVENT attiré l’attention de notre organisation, notamment au sujet de la manière dont ces terminologies révèlent également des conceptions sous-jacentes diamétralement opposées des droits humains.
En effet les Tontinards et les Sardinards croient certes aux élections publiques et au rôle assigné aux votes, mais c’est aussi là où s’arrête leur sens de la communalité.
Car les tontinards pensent que voter signifie démocratie. Sa souveraineté politique est limitée par l’acte de vote. Pour les Sardinards, par contre la démocratie se limite à l’acte de voter. Peu importe que l’élection ait été transparente ou frauduleuse. Cela a évidemment des ramifications importantes parce que pour les Sardinards, un état autoritaire technocratique néolibéral est acceptable, surtout quand ils ont reçu ou aspirent recevoir des miettes des richesses inégalement réparties de cet état.
Ces processus entrent en résonance avec une idéologie et une esthétique particulières qui rendent socialement acceptables certaines formes radicales de subjectivités et de comportements basés sur un jeu à somme nulle, où les formes de rapacité, de prédation, de pillage systémique; et où l’argent personnifie le statut social, l’enrichissement, la reconnaissance, le patriarcat et la quête de pouvoir qui sont ici primordiaux. Dans la pratique, il s’agit d’un système qui ne produit pas d’agents moraux, mais génère une prolifération de personnages psychopathes et sociopathiques ; tout les autres luttant désespérément pour trouver leur place dans un monde où un ordre civil démocratique fonctionnel et productif est rendu superflu.
Le principal aboutissement est une politique de précarité et de disposabilité, où l’État est privatisé au profit de réseaux patrimoniaux ethnofascistes, clientélistes, népotiques et tribalistes intégrés eux-même dans des réseaux traditionnels patriarcaux où les lois servent uniquement les intérêts des ploutocrates qui ont conquis l’État et tiennent le pays littéralement en otage. Il n’y a pour ainsi dire pas de bien public, de justice sociale et de pratiques de redistribution dans ces réseaux fermés, qui fortifient et créent des lignes d’exclusion rigide.
Tout cela survit essentiellement emballé dans une grande hypothèse ou idéologie reçue (de l’extérieur) basée sur le néolibéralisme et la loi. Précisément, le pouvoir de la loi et sa fonction civilisatrice puis le pouvoir supposé d’autorégulation du marché à s’autoréguler par lui-même. Ces hypothèses reçues sur l’ordre libéral moderne, la loi et les pratiques d’autorégulation sont enchâssées dans l’hypothèse que le sujet moderne est un citoyen responsable limité par sa reconnaissance de l’ordre civil approprié et du pouvoir du marché de s’autoréguler. Ces principes vont au cœur des notions d’équité et d’égalité des chances puis devant la loi qui sont pourtant très dégradées, principalement du fait d’une litanie mensongère martelée par des régimes autoritaires technocratiques, particulièrement en Afrique francophone, qui ont réduit l’économie à la recherche permanente de rente, aux côtés des réseaux paternalistes et mafieux ancrés dans des traditions primordiale et des valeurs patriarcales.
Les Tontinards, quant à eux, problématisent les notions de «tontines», «Djeu’kom» ou «N’jangui», comme un ensemble de valeurs organisationnelles, traditionnelles, et organiques basées sur la confiance sociale, collective et l’émancipation, la transparence puis la mutualisation des ressources qui sont antithétiques à un capitalisme néo-libéral sans entraves, à l’accumulation primitive des richesses, à l’individualisme forcené, aux victoires à court terme, à la recherche de positions de rente et rentabilité immédiate; sous le mantra selon lequel le salut économique et social doit être à la portée de tous grâce au sens de l’effort, au lieu d’être des privilèges réservés à quelques élus. Dans la pratique, la récupération des formes de socialité et de relations qui ont précédé l’expérience coloniale et ces formes de pratiques décoloniales mettent en évidence les épistémologies et pratiques locales africaines, pour démontrer les agences locales en dehors des organisations et des institutions normatives du pouvoir.
Plus précisément, une temporalité qui résiste à donner la primauté à l’individualisme et au libre marché et démontre comment la recherche de statut et de respectabilité sont des pratiques qui contredisent souvent celles d’égalité et de justice sociale qui ont longuement apporté la stabilité dans les communautés africaines. Aussi le pays se retrouve confronté au danger de la collusion entre l’État et les entreprises autocrates avec un effacement de l’histoire commune et des symboles identitaires africains. Il s’agit dans l’ensemble de comprendre aujourd’hui comment l’action humaine et la contingence jouent désormais un rôle grandissant, au point de contredire les notions de déterminisme historique.
C’est pourquoi les concepts de sardinards et de tontinards vont au-delà de la politique (politicienne) pour en réalité englober des pratiques anthropologiques et sociologiques qui ont des implications profondes sur la vie africaine.
Nous sommes à un moment unique avec l’émergence de ces terminologies, notamment parce elles mettent en lumière le fonctionnement du néolibéralisme autoritaire illibéral, la crise multiple et les lignes d’exclusion qu’il génère, tout en donnant paradoxalement plus de pouvoir et de voix aux Camerounais ordinaires qui exigent la responsabilité de la part de leurs dirigeants.
Pr. Olivier J. Tchouaffe, Porte-parole du CL2P
English version
The CL2P and the Mythology of the Sardinards and the Tontinards
The Mythology of the Tontinards and the Sardinards are animating conversations and controversies in the Cameroonian anemic public sphere. These terminologies do carry out important subjectivities that structure political positions that drew and compelled out organization to the topic for the ways in which it reveals also underlying conception about human rights.
Both the Tontinards and the Sardinards believe in public elections and the votes but that where the commonality stops.
The Sardinards believe that voting means democracy. His political sovereignty is bounded by the act of voting. For the Sardinards, consequently, democracy is restricted to the act of voting. It does not matter whether the election was transparent. This has important ramifications because for the Sardinards, an authoritarian neoliberal technocratic state is acceptable, especially, when they received crumbs of benefits from that state.
These processes resonate with a particular ideology and aesthetics that make socially acceptable some radical forms of subjectivities and behaviors based on a zero sum game where forms of rapacity, predation, plunder and where money personifies social status, enrichment, recognition and quest of power which are paramount. In practice, a system that does not produce moral agents but a proliferation of a litany of psychopathic and sociopathic characters and the rest struggling to find their place in a world where a functioning and productive democratic civil order is made expendable, in the process, enshrining a politic of precarity and disposability where the state is privatized alongside clientelist ethnofascist patrimonial networks embedded in patriarchal traditional networks where the laws serve plutocrats who have captured the state and there are no such things as public good, social justice and redistributive practices in these privatized and closed networks, which creates and fortifies lines of exclusion.
This comes packaged with a big received assumption about neoliberalism and the law. Precisely, the power of the law and its civilized function and the self-regulatory power of the market to regulate itself. These received assumptions about the modern liberal order, law and self-regulatory practices are embedded in the assumption that the modern subject is a responsible citizen bounded by his recognition of the appropriate civil order and the power of the market to regulate itself. These principles go at the heart of notions of equity and equal opportunities under the law which is very degraded, primarily, because of a litany of technocratic authoritarian regimes, in Francophone Africa, installing a rent seeking economy alongside patrimonial and clientelist networks embedded in traditional primordial patriarchal values..
The Tontinards, on the other hand, problematizes notions of “tontines,” “Djeu’kom” or “N’jangui,” as a set of organic traditional organizational values based on social trust, enfranchisement, transparency and mutualization of resources that are antithetical to unfettered capitalism, primitive accumulation, rugged individualism, short-term wins, rent-seeking and rentability with the knowledge that economic and social salvation are the same rather than the privileges of the elected few. In practice, reclaiming forms of sociality and relationships that preceded the colonial experience and these forms of decolonial practices highlight African local homegrown epistemologies and practices to demonstrate local agencies outside of organizations and normative institutions of power.
More specifically, a temporality that resists giving primacy to individualism and the free market and demonstrate how the search of status and respectability are practices that often contradict practices of equality and social justice that bring stability to African communities. Thus, the danger of the collusion between the state and corporate autocrats and the erasure of African history and symbols. In aggregate, how human agency and contingency play a role to contradict notions of historical determinism.
Therefore, the concept of sardinards and tontinards go beyond politics to encompass anthropological and sociological practices that have profound implications on African lives.
This is a unique time for the emergence of these terminologies at a time where they shine a bright light on how authoritarian illeberal neoliberalism operates, the multiple crisis and lines of exclusion it generates while giving more agency and voice to ordinary Cameroonians demanding responsibility and accountability from their leaders.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P