Le coût psychique de la dictature et la légende de l’étoile Noire au Cameroun
Dans son intervention récente intitulée «Caïn sous les tropiques: Histoire et hystérie», Cameroun-info.net, 12/12/2017, Achille Mbembe, transformé en tueur de dragons, a découpé en tous petits morceaux non seulement le Pr. Patrick Nganang en particulier, mais aussi les Camerounais ordinaires, puis les institutions dominantes du pays. Le diagnostic était si sévère que les lecteurs habituels des travaux du Professeur Mbembe (que nous sommes) ont été choqués par son inhabituel manque de tact et de scrupule, au point qu’on l’a accusé (à tort vraisemblablement) d’être en réalité l’exemple-type du nègre qui se déteste, qui est brutalement éjecté de sa tour d’ivoire insulaire, raréfié et climatisé… pour rejoindre le Pr. Nganang et les tontons macoutes du régime Biya dans la merde; donnant ainsi le dernier coup de grâce à un homme déjà à terre (du moins c’est ainsi que l’ont interprété et exploité les partisans du régime de Yaoundé).
Force est de constater étrangement que pour un homme qualifié de “fou et professeur d’une petite université de l’État de New York”, les ennuis du Pr. Nganang au Cameroun auront pourtant littéralement fait le tour du monde, été couverts par tous les plus grands médias, et suivis de près par toutes les chancelleries (nous ne voulons pas en dire plus, par souci de confidentialité)…Le CL2P ne cessera néanmoins jamais d’être surpris par la propension du Camerounais (diasporique et local) à ne pas reconnaître un quelconque mérite à son semblable. Comme si le simple fait d’avoir à le concéder pourrait lui ravir sa propre intelligence, sa notoriété, et sa brillance mondialement reconnues, comme c’est le cas pour Achille Mbembe.
Qui saura donc nous débarrasser de ce démon de la haine des nôtres, dès lors qu’ils pourraient nous faire de l’ombre?
Cependant, il y a des problèmes bien plus importants et beaucoup d’arguments dans l’intervention de M. Mbembe qui ont été dupliqués par le CL2P depuis belle lurette. Notamment, l’idée que l’indépendance du Cameroun n’était pas un moment révolutionnaire mais un changement dans les modes de domination avec Ahmadou Ahidjo et Paul Biya, fidèles remplaçants du maître colonial.
Dans ce cycle répétitif et vicieux, les forces de déshumanisation ne viennent plus de l’extérieur mais sont produites intérieurement. Ces processus ont mis en mouvement de terribles formes de dégradation qui ont maintenant atteint une proportion apocalyptique. Nous commençons à voir des choses que nous pensions ne plus être possibles comme des Africains (notamment de nombreux ressortissants du Cameroun) vendus comme esclaves en Libye, une guerre civile qui ne dit pas son nom au Cameroun, où des citoyens ordinaires sont fusillés dans les rues comme des chiens parmi beaucoup d’autres forme d’insécurités et d’atrocités qui ont transformé la postcolonie en un paysage de la mort.
Le CL2P est pour que chacun prenne sa part de responsabilité.
Nous avons cette situation parce que nous avons choisi de l’avoir. Parce que nous avons placé notre foi dans un pouvoir politique brutale et cynique. À ce sujet, et nous avons collectivement choisi d’élever le pire et le plus laid d’entre nous. Nous sommes tous responsables dans un monde ouvert et intégré, avons failli à l’exercice de notre propre pouvoir souverain.
Ainsi, les problèmes s’aggravent parce que les responsables n’ont jamais vraiment développé une philosophie autochtone de gouvernement et de développement. À l’instar de Achille Mbembe, c’est parce que les gens au pouvoir sont eux-mêmes traumatisés. Comme le souligne Frantz Fanon, l’oppression dégrade à la fois l’oppresseur et l’opprimé. Pire encore, en tant que lecteur de la philosophe française, Catherine Malabou, le Pr. Mbembe est également conscient de cette forme de traumatisme irrécupérable.
Dans cet environnement traumatisant irrémédiable, le CL2P s’accorde à dire que les semblables de Paul Biya, les Tonton Macoutes, et les masochistes suicidaires qui soutiennent le régime de Yaoundé sont les avatars d’une légende, la légende de l’étoile noire morte. Une étoile dont tout le monde refuse de reconnaître la mort. Le problème, cependant, est que, en tant qu’étudiant du Maquis au Cameroun, Achille Mbembe sait que les légendes en politique ne disparaissent jamais: elles meurent certes d’une mort violente. Le CL2P espère qu’il reste encore des camerounais qui ne sont pas mentalement et psychiquement détruit et qui, par conséquent, peuvent encore apprendre leur leçon maintenant ou attendre de prendre ou ramasser leurs morceaux plus tard.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques
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English version
The Psychic Cost of Dictatorship and the Legend of the Dead Black Star in Cameroon
In his recent intervention titled “Cain Under the Tropic: History and Hysteria”, Cameroon-info.net, 12/12/2017, Achille Mbembe turned into a dragon slayer and cut down into small size not only Pr. Patrick Nganang, in particular, but ordinary Cameroonians and the country’s dominant institutions. The dressing down was so severe that people who read Mbembe’s work were shock by his lack of tact and compunction to the point that he was accused to be deep down a self-hating Negro. And how that attitude has dragged him down from his insular, rarefied, and air-conditioned Ivory tower and intellectual and ethical high horse down to the gutter to kick a man who was already down.
It must be recognized that a man described as “crazy and professor from a small university of the State of New York” the troubles of Pr. Nganang in Cameroon will have literally circumnavigated the world, covered by all the major media, and closely followed by all chancelleries (the CL2P cannot say more for the sake of confidentiality)…
The CL2P will never stop being surprised by the propensity of the Cameroonian not to recognize any merit to his fellow. As if the mere fact of having to concede it could rob him of his own globally recognized intelligence, notoriety, and brilliance, as is the case with Achille Mbembe.
Who will rid us of this demon of hatred of ours, since they could shade us?
However, there are larger issues and many arguments in Mbembe’s intervention that have been duplicated by the CL2P for a long time. Notably, the idea that the independence of Cameroon was not a revolutionary moment but a change in modes of domination with Ahmadou Ahidjo and Paul Biya replacing the colonial master. In that repetitive and vicious cycle, the forces of de-humanization no longer come from the outside but are produced internally. These processes have set in motion terrible forms of degradation that have now reached apocalyptic proportion. We begin to see stuff that we thought was no longer possible such as Africans being sold as slaves in Libya, a civil war being prosecuted in Cameroon where ordinary citizen are being shot in the streets like dogs among many other insecurities and atrocities that have turned the postcolony into a deathscape. But this is our doing. We have this situation because we choose to have it, because we put our faith in naked political power and therefore choose to elevate the worst and ugliest among us.
This is all on us.
More, the problems are getting worse because folks in charge have never really developed an indigenous philosophy of government and development. As with, Achille Mbembe, it is because people in power are themselves traumatized. As Frantz Fanon points out, oppression degrades both the oppressor and the oppressed. Much worse, as a reader of the French philosopher, Catherine Malabou, Mbembe is also aware of form of trauma that are irretrievable. In this irretrievable traumatic environment, the CL2P agrees that, the like of Paul Biya, the Tonton Macoutes and the suicidal masochists who support the regime of Yaoundé no matter what, are the avatars of a legend, the legend of the dead black star. A star whose death everybody refuses to acknowledge. The problem, however, is that, as a man who closely studied the Maquis in Cameroon, Achille Mbembe knows that legends in politics never fade away: They die violent deaths. The CL2P hopes there are still Cameroonians left who are not mentally and psychically numb and therefore can still learn their lesson now or they can take their lumps later.
The Commitee For The Release of Political Prisoners