Le tout sous un silence assourdissant de la supposée communauté internationale.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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Le départ de Mugabe au Zimbabwe, nouvelle étape dans les transitions démocratiques en Afrique ?
Le dirigeant au pouvoir dans le pays depuis 1980 a démissionné de son poste, mardi. Quelle forme pourra prendre la transition ?
Trente-sept ans après avoir accédé au pouvoir pour la première fois et après vingt-neuf ans de présidence, Robert Mugabe, ancien chef du mouvement de libération nationale en Rhodésie du Sud, a annoncé sa démission, mardi 21 novembre. Un départ qui n’était pas, à l’origine, dans les plans du tenace président du Zimbabwe : renversé par l’armée, exclu de son propre parti, Robert Mugabe, 93 ans, refusait encore, dimanche, de présenter sa démission. L’amorce d’une procédure de destitution a, cependant, eu raison de sa volonté, jusqu’alors affichée, de rester au pouvoir jusqu’à ses 100 ans.
Le cas du Zimbawbe est à bien des égards singulier, mais sur le continent, sa situation est suivie avec intérêt par ceux qui tiennent les clés des palais présidentiels et par ceux qui voudraient les en déloger. D’autant que les événements qui se sont produits à Harare trouvent une résonance dans plusieurs Etats africains.
Petits et grands arrangements avec la Constitution
En 2010, au Niger, le président Mamadou Tandja, au pouvoir depuis onze ans, avait été renversé par un coup d’Etat militaire après avoir dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle et fait adopter par référendum une réforme de la Constitution lui permettant de se maintenir au pouvoir trois ans au-delà de la limite de son mandat.
Au Bénin, à la suite de manifestations, le président Thomas Boni Yayi a juré qu’il ne toucherait pas à la Constitution. Une promesse qu’il a tenue, puisqu’il n’a pas cherché à briguer de troisième mandat, laissant sa place en 2016 à Patrice Talon.
En revanche, nombreux sont les autres chefs d’Etat africains qui ont choisi, à l’instar de l’ancien dirigeant burkinabé Blaise Compaoré, de se maintenir au pouvoir grâce à des modifications d’ampleur ou à de simples petits arrangements avec les règles constitutionnelles :
- Joseph Kabila en République démocratique du Congo ;
- Paul Kagamé au Rwanda ;
- Pierre Nkurunziza au Burundi ;
- Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville.
Il faut dire que la manœuvre a fonctionné. Ainsi, 8 des 54 chefs d’Etat africains actuellement au pouvoir ont réussi à s’y maintenir à la faveur d’une modification de la Constitution.
Joseph Kabila a, lui, choisi pour l’heure une autre option pour rester au pouvoir sans avoir à se présenter une troisième fois : son mandat, qui devait se terminer en décembre 2016, est finalement prolongé jusqu’en avril 2018, des « difficultés financières » empêchant, selon la Cour constitutionnelle, la tenue de nouvelles élections.
C’est notamment le cas au Cameroun, au Tchad, en Ouganda ou en Algérie. En 2008, par un vote à main levée, le Parlement algérien a ainsi abrogé la loi limitant à deux le nombre de mandats, permettant au président algérien, Abdelaziz Bouteflika, élu en 1999 et réélu en 2004, d’être encore candidat en 2009 et, pour la quatrième fois, en avril 2014, lors d’un scrutin qualifié de « supercherie » par l’opposition. Depuis, M. Bouteflika a lancé une révision de la Constitution pour rétablir la limite à deux mandats, un engagement pris en 2011 pour calmer les premiers remous du « printemps arabe » en Algérie.
Un régime qui s’achève en coup d’Etat
Qu’un coup d’Etat précipite un changement de régime est également fréquent sur le continent : c’est de cette façon que les chefs d’Etat antérieurs ont quitté le pouvoir dans onze pays africains, alors que dix-neuf seulement sont allés normalement au bout de leur mandat. Neuf autres sont morts au pouvoir. Et deux ont été renversés par une révolte populaire, tous lors du « printemps arabe » en 2011 : le président Hosni Moubarak en Egypte et le colonel Mouammar Kadhafi en Libye.
Si certains de ces coups d’Etat remontent aux années 1980 et que leurs auteurs se sont depuis maintenus au pouvoir – souvent après des simulacres d’élections, comme Teodoro Obiang Nguema, qui règne sur la Guinée équatoriale depuis 1979 –, d’autres sont beaucoup plus récents : ce fut le cas en République centrafricaine en 2013, au Mali et en Guinée-Bissau en 2012, au Niger en 2010, en Mauritanie et en Guinée en 2008.
Des élections démocratiques après un coup d’Etat ?
A la fin d’octobre 2014, des manifestations historiques contre le projet du président Blaise Compaoré de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un 5e mandat dégénèrent. Le chef d’Etat-major des armées annonce la dissolution du Parlement et la mise en place d’un gouvernement de transition. Le lieutenant-colonel Isaac Zida s’autoproclame chef de la transition. Blaise Compaoré quitte le pays. Lui-même était arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, vingt-sept ans plus tôt, et n’avait été réélu que lors d’élections contestées. Entre 2014 et 2015, c’est Michel Kafando qui assure la transition, organisant l’élection de décembre 2015 qui a placé Roch Marc Christian Kaboré à la tête du pays.
Si la situation au Burkina Faso ne peut être assimilée stricto sensu à un coup d’Etat, l’histoire récente de plusieurs pays africains rappelle qu’un putsch est parfois suivi d’élections libres et transparentes.
Au Mali, par exemple. En 2012, l’armée renversait le président Amadou Toumani Touré, au pouvoir depuis dix ans. Mais la junte a, finalement, cédé à la pression internationale et rendu le pouvoir à un président par intérim jusqu’à la tenue de nouvelles élections en 2013. Les Maliens ont alors élu président Ibrahim Boubacar Keïta« dans le calme et la sécurité », selon les termes du ministre des affaires étrangères français, lors d’un scrutin dont « les Maliens doivent se féliciter », à en croire le représentant spécial de l’ONU au Mali.
De la même façon, en Guinée, les militaires qui avaient succédé à Lansana Conté, président depuis vingt-quatre ans, ont finalement laissé la place en 2010 à un opposant historique, Alpha Condé, à l’issue du premier scrutin considéré comme « libre et démocratique » de l’histoire du pays. En 2015, il est d’ailleurs réélu. De même, au Niger, le déroulement du scrutin de janvier 2011 qui a porté Mahamadou Issoufou au pouvoir, un an après le coup d’Etat mené par Salou Djibo contre Mamadou Tandja, a également été salué par la communauté internationale.
(Sont considérées comme « élections démocratiques » sur cette carte celles jugées « libres et équitables » par les observateurs internationaux. Sont considérées comme « contestées » celles dont le résultat a été mis en cause et par l’opposition et par les observateurs internationaux.)
Si les élections peuvent être un indice de la santé démocratique d’un pays, elles peuvent également être utilisées par les régimes les plus autoritaires pour légitimer leur pouvoir.
Dans un tiers des cas où un scrutin présidentiel est organisé, la validité de son résultat est mise en cause par les opposants comme par les observateurs internationaux. C’est souvent en raison de fraudes, parfois à cause de violences ou d’entraves faites à l’opposition.
En 2011, à Djibouti, l’opposition a boycotté le scrutin après avoir dénoncé la répression violente de manifestations demandant le départ du « dictateur » Ismaël Omar Guelleh. Ce dernier avait, juste avant le scrutin, obtenu, par une modification de la Constitution, la possibilité de se présenter pour un troisième mandat, à 67 ans.
Certains au pouvoir depuis parfois plus de trente ans
40 % des dirigeants africains dépassent les 70 ans. Si le plus vieux, Béji Caïd Essebsi, n’est arrivé au pouvoir qu’en 2014 en Tunisie, au terme d’élections démocratiques, ce n’est pas le cas de la plupart des « vieux » dirigeants. Robert Mugabe, l’ancien président du Zimbabwe, souhaitait toujours, jusqu’au 21 novembre, occuper le pouvoir du haut de ses 93 ans.
Élu à la présidence en 1987, Robert Mugabe n’atteindra sans doute pas la longévité au pouvoir de ses cadets Paul Biya au Cameroun, arrivé en 1982, et Teodoro Obiang en Guinée équatoriale, qui, à 75 ans, gouverne déjà depuis trente-huit ans.