Un sommet France – Afrique se tiendra à Montpellier du 08 au 10 juillet 2021. Cette fois, ce ne sont pas des Chefs d’État africains qui y sont conviés, mais un panel d’intellectuels africains, conduits par Achille Mbembe, qu’on ne présente plus. Il s’agit de personnalités connues pour leur engagement en faveur de l’Afrique, leurs prises de position franches et parfois critiques vis-à-vis de la politique africaine de la France. Cette rencontre est consécutive à un constat : le sentiment de rejet de plus en plus marqué des jeunes générations africaines vis-à-vis de la France. Cette dernière est progressivement supplantée dans son pré carré africain (sa chasse gardée jusqu’ici) par d’autres États, notamment la Russie, la Chine, l’Allemagne, la Turquie, le Brésil, le Japon, etc … L’enjeu de ce sommet est capital pour la France ; c’est l’avenir des relations entre la France et l’Afrique qui se joue ici. Macron souhaite instaurer une relation équitable et un véritable partenariat avec les africains ; mettre en avant les jeunes (plus de la moitié de la population de l’Afrique ) qui incarnent le renouvellement générationnel, sur les plans politique, économique et social ; ces jeunes qui seront amenés à bâtir l’Afrique de demain.
Bien que constituant la majorité de la population, les jeunes se considèrent comme des laissés-pour-comptes ; ils jouent un rôle de second plan, quand ils ne sont pas tout simplement oubliés, ignorés par les dirigeants de leur pays. Cette jeunesse sans espoir, sans perspectives d’avenir, va grossir les rangs des migrants qui frappent aux portes de l’Europe, en quête d’une vie meilleure. Ne vous y trompez pas, ces jeunes ne sont ni insensés, ni ignorants : leur fuite vers l’Europe est un geste de désespoir, par instinct de survie, une tentative ultime pour ne pas mourir à petit feu et sombrer définitivement dans leur pays d’origine. Nombreux sont ceux qui réussissent en fin de compte, à l’exemple du boxeur camerounais Nganou, qui a remporté récemment un trophée mondial. Ces jeunes migrants font fi de tous les dangers, parce qu’ils se considèrent comme étant déjà “morts”. Si ces jeunes trouvaient les conditions idoines pour mener une vie décente dans leur pays d’origine, nul doute que le nombre des candidats à l’émigration se réduirait comme peau de chagrin.
La jeunesse africaine subit de plein fouet le chômage, la paupérisation, la corruption, le manque de considération et le non respect des libertés fondamentales dans leur pays d’origine. Ils estiment que la France, complice de leurs dirigeants africains, est le principal responsable de leurs malheurs. Le dernier exemple en date qui illustre le rejet de la France par la jeunesse africaine, c’est lors des émeutes qui ont suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko au Sénégal le 03 mars 2021 ; lors de ces manifestations, les intérêts français ont particulièrement été visés par les saccages et les pillages, notamment 14 supermarchés Auchan, des boutiques de l’opérateur de téléphonie Orange, et les stations Total. Les populations africaines, et surtout les jeunes sont les principales victimes du conséquences du joug économique et politique que la France fait peser sur les pays africains.
PAR REFERENCE A L’AFFAIRE GEORGE FLOYD, LE “GENOU” DE LA FRANCE EST POSE SUR LE “COU” DE L’AFRIQUE.
Le constat est clair : les pays africains du pré carré français et de la Françafrique ne connaissent que des indépendance de façade, et n’ont jamais cessé d’être sous la domination de la France, malgré les discours “politiquement corrects”, et les dénégations véhémentes de la France. La réalité incontournable est que la jeunesse africaine se meurt, asphyxiée peu à peu par le poids des relations déséquilibrées entre la France et les pays africains, dans tous les domaines.
De manière métaphorique, en évoquant l’affaire George Floyd aux États-Unis, qui a embrasé le monde en mai 2020, nous sommes portés à penser que, tout comme le genou du policier Derek Chauvin, a causé la mort par strangulation de George Floyd, de même, le ‘genou” de la France est posé sur le ‘cou” des pays africains et les tue à petit feu.
Les soubresauts de la jeunesse africaine pour échapper à une mort certaine à terme, ont amené la France à prendre conscience de la gravité de la situation. L’organisation du sommet de juillet prochain résonne comme une tentative de lever le pied (le genou) afin d’éviter la mort par asphyxie de ses partenaires africains ; de ne pas tuer la poule aux œufs d’or, ou de voir celle-ci s’envoler vers des cieux plus cléments. Mais cette initiative est-elle appropriée ? Le remède proposé est-il à la hauteur de la gravité du mal ?
UN DIALOGUE SANS OBJET
Le dialogue proposé par Macron me semble inapproprié pour deux raisons :
1) – Le choix des intellectuels comme interlocuteurs pose un problèmes d’écoute et de représentativité de ceux-ci auprès des jeunes, pauvres, sans emploi et sans perspectives d’avenir. La plupart des intellectuels africains sont perçus comme des privilégiés, proches et complices des dirigeants africains, rejetés pour la plupart par ces jeunes générations. Ils sont coupés du bas peuple et ne connaissent pas les mêmes préoccupations que lui.
2) – Macron et les intellectuels africains SAVENT pertinemment quels sont les problèmes que subit la jeunesse africaine. Nul n’est besoin d’organiser un sommet dont on connaît les résultats d’avance : l’on prononcerai de beaux discours ; l’on fera des promesses et des recommandations qui resteront des vœux pieux rangés dans les tiroirs, et qui ne seront pas suivis d’actes concrets. Brefs on remuera du vent, au son des vuvuzelas des medias internationaux. L’organisation de ce sommet est comme une diversion, destinée à gagner du temps, et à retarder l’échéance fatidique d’une prise de décisions douloureuses mais salvatrice, tant pour la France, que pour les pays africains. Ce sommet est comme un pansement que l’on appose sur une plaie purulente, dont l’effet, à terme, sera d’aggraver le mal. Monsieur Macron doit prendre son courage à deux mains, enlever le pansement, curer la plaie, afin qu’elle ait une chance de guérir. Il devrait réinstaurer une relation de confiance réelle avec la jeunesse africaine, et pour cela il devrait oter le “genou” de la France qui pèse lourdement sur le “cou” des relations françafricaines, en prenant les décisions courageuses suivantes, sans hypocrisie, sans langue de bois, sans complaisance :
– Supprimer la taxe coloniale.
– Revoir les conditions injustes et abusives de la dette bilatérale, sous laquelle ploient les pays africains ; ce qui leur permettrait de disposer d’un complément de ressources pour financer leurs projets de développement.
– Décoloniser la monnaie, notamment le franc des colonies françaises d’Afrique (CFA),contrôlé par la France.
– Dépoussiérer des accords de coopération vieux de plus de 50 ans, établis essentiellement en faveur de la France, au détriment des pays africains.
– Remplacer le système d’exploitation de la Françafrique par une relation égalitaire, fondée sur le respect mutuel entre les partenaires.
– Lever la main-mise de la France sur le contrôle de la politique et des économies africaines.
Un changement radical de stratégie, l’implémentation d’un logiciel nouveau pour la gestion des relations entre la France et ses partenaires africains s’impose, sinon celle-ci perdra progressivement et irrémédiablement son influence en Afrique.
Par Caroline Meva, écrivaine