Après le Congo Brazzaville de Dénis Sassou Nguesso, le Tchad d’Idriss Deby vient lui aussi de mettre le nouveau protocole des coups de force électoraux en application:
1) Tripatouillage de la constitution
2) Anticipation de l’élection présidentielle avec élimination par la cour constitutionnelle des prétendants les plus sérieux ou leur mise aux arrêts
3) Contrôle des communications avec interruption de toute connexion internet pendant et après le scrutin controversé
4) Proclamation des résultats nuitamment sous des disparitions forcées des opposants récalcitrants, les bombardements des pôles de résistance, et les menaces de mort à l’encontre des observateurs les plus critiques.
5) Matraquage du “Un coup K.O” programmé, dès les premières tranches d’informations matinales sur les ondes de Radio France Internationale (RFI), puis tout au long de la journée, avec une déclaration du “vainqueur” auto-proclamé ou de son porte-parole sans aucune voix dissidente, sous un mutisme garanti du Quai d’Orsay, c’est-à-dire de la France .
Un véritable péril autocratique généralisé pèse ainsi sur toute l’Afrique équatoriale française.
Peut-elle encore l’éviter?
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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Le Tchad sous tension après l’annonce de la réélection d’Idriss Déby
Par Youenn Gourlay – LE MONDE
Comme il l’avait annoncé, le président du Tchad Idriss Déby, au pouvoir depuis vingt-six ans, a été facilement réélu dès le 1er tour pour un cinquième mandat. La Commission électorale a annoncé jeudi 22 avril qu’il avait réuni 61,56 % des suffrages lors du scrutin du 10 avril.
Avant cette annonce, ses huit adversaires, dont le chef de l’opposition, avaient accusé le pouvoir de fraude, estimant qu’aucun candidat « ne peut l’emporter au premier tour » au vu des résultats dans certaines régions dont ils disaient disposer. Les signataires dénonçaient « la disparition de centaines d’urnes et de milliers de procès-verbaux », ajoutée notamment au « trafic de cartes d’électeurs » de la part du Mouvement patriotique du salut, le parti d’Idriss Déby.
« Etat de choc voire de deuil »
Toute la journée de vendredi, comme d’ailleurs le jour du vote, la capitale a été quadrillée par des policiers, des gendarmes et des bérets rouges de la garde présidentielle, présents à tous les carrefours. Au lendemain du scrutin, de nombreuses femmes ont signalé l’absence inexpliquée de leur mari, membres de l’armée tchadienne. Le 9 avril, jour de vote des forces de sécurité, les militaires avaient pour ordre de cocher la case Idriss Déby. Or, lors d’un vote qui s’est déroulé sans isoloir et sous le strict contrôle des membres du régime, entre soixante et trois cents d’entre eux ont coché une autre case et auraient été jetés en prison ou dans le fleuve Tchad.
En début de semaine, le chef de file de l’opposition, Saleh Kebzabo – deuxième de cette présidentielle avec 12,80 % des suffrages – racontait que les corps de certains avaient été retrouvés charriés par le fleuve. « Les familles sont en état de choc voire en deuil », commente Tarinan, un Tchadien de 23 ans.
Cette affaire vient rappeler l’assassinat d’Issa Abdel nabi Saleh, officier de l’armée tchadienne, arrêté, torturé puis mort de faim dans les locaux de l’Agence nationale de sécurité (ANS), en septembre 2015, pour avoir désobéi aux ordres. Ce soldat faisait partie d’un groupe de militaires tchadiens qui avaient fait défection de leur base du Nord-Mali en raison du non-versement de leur solde.
« Ce régime est capable de tout »
Pour calmer un pays en ébullition, le ministre de la sécurité a annoncé que les militaires étaient partis en mission spéciale au nord du pays pour combattre l’organisation terroriste Boko Haram. « Si les militaires n’ont pas eu l’audace ou la gentillesse d’informer leur famille, c’est leur problème. Qui peut dire aujourd’hui qui a voté pour qui, en sachant que c’est un vote secret », avait-il argumenté.
« L’Etat tente de maquiller leur enlèvement par cette prétendue mission et fera croire que les soldats ont été tués par Boko Haram. Ce régime est capable de tout », s’indigne Abdelkerim Yacoub Koundougoumi, représentant de la société civile tchadienne en France.
Trois semaines avant l’élection, quatre leaders de la société civile – « Ca suffit » et « Trop c’est trop » – avaient été arrêtés par la police pour avoir été à l’initiative de grandes manifestations à travers le pays pour dénoncer la cinquième candidature d’Idriss Déby. En signe de protestation, une grève générale a débuté dans tout le pays : les hôpitaux et les écoles sont toujours fermés. Mais en l’absence de leader, les mouvements se sont affaiblis.
A l’issue d’un procès mouvementé puis reporté, les leaders ont finalement été condamnés à quatre mois de prison avec sursis. « Deux d’entre eux ont déjà quitté le pays pour le Cameroun voisin par peur des représailles du régime », indique Tarinan. Et ils ne sont pas les seuls. « Les gares et les agences de voyage sont pleines à craquer à N’Djamena. Les gens quittent la capitale pour leurs villages respectifs ou à l’étranger. Ils ont peur que des affrontements violents éclatent en ville. Certains parlent même de chars d’assaut », craint-il.
« Le tissu social est fragilisé, il y a un vrai risque d’insurrection populaire », estime, pour sa part, M. Tchouanaba, juriste basé à N’Djamena, la capitale.