Un câble diplomatique dévoile ce que pense ce pays de la gestion de l’argent de la visite du pape Benoit XVI.
Le Cameroun peut-il être sauvé de « sa dépendance » vis-à-vis de « la corruption » ? Selon un câble diplomatique américain créé le 29 avril 2009 et sortie le 30 août 2011, en dépit de la « collaboration » que Washington apporte à Yaoundé dans ce domaine, à travers notamment l’Agence nationale d’investigation financière (Anif), le « succès » de cette opération de sauvetage « sera limité jusqu’à ce que le gouvernement camerounais fasse davantage preuve de responsabilité ». Le document classé par le conseiller politique Tad Brown, indique que « le gouvernement de la République du Cameroun a récemment bénéficié d’un allègement de sa dette multilatérale, mais continue de gérer le budget national à la petite semaine ».
La preuve ? Les Américains affirment avoir « reçu des témoignages de première main de l’entourage de Biya, faisant état de ce que le président camerounais a ravitaillé son avion avec des valises remplies de centaines de milliers de dollars en espèces ». Cette inclination présidentielle à conserver par devers soi, autant de valeurs en numéraire n’est pas sans conséquences. « Lorsque Biya s’est déplacé pour l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2008, un membre de son entourage a été capturé alors qu’il tentait de s’échapper avec un sac rempli de 6,8 millions d’euros en numéraire (environ 3,4 milliards Fcfa) », renseigne ce document qui fait surtout la part belle à la visite du pape Benoît XVI du 17 au 23 mars 2009 à Yaoundé.
Un évènement qui a coûté cher aux contribuables (5,8 milliards de Fcfa), et dont la gestion de l’enveloppe dédiée à la couverture médiatique (700 millions de Fcfa) avait mis sur la sellette le ministre de la Communication d’alors, Jean-Pierre Biyiti bi Essam. L’on se souvient que le 03 décembre 2014, l’actuel patron des Postes et Télécommunications avait été entendu au Tribunal criminel spécial (Tcs) sur des faits présumés de tentative détournement de deniers publics. Les enquêteurs du Tcs cherchaient à comprendre pourquoi le Mincom (de l’époque) avait placé le 26 février et le 10 mars 2009 sur son compte personnel logé à la Société générale de banques au Cameroun (Sgbc), respectivement les sommes de 60 et 70 millions de Fcfa. Pour les Etats-Unis, « les malversations attribuées à Biyiti bi Essam ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan de la mauvaise gestion financière et de la kleptocratie au Cameroun ».
Le mal est tel que sur cette affaire par exemple, « le ministre de la Justice, Amadou Ali, a ordonné un audit approfondi des 5,8 milliards de Fcfa que le gouvernement de la République du Cameroun a prélevé- en grande partie dans sa trésorerie – pour la visite du pape », révèlent les Américains. L’on apprend que les explications de Jean-Pierre Biyiti Bi Essam selon lesquelles, son intention était de « sécuriser » les fonds en question, n’ont pas convaincu le directeur général de l’Anif, Hubert Nde Sambone.
Ce dernier « a soufflé à Poloff le 23 avril (2009, Ndlr) que même si Biyiti bi Essam avait vraiment dépensé cet argent de manière appropriée, le simple fait de placer des fonds publics dans un compte personnel est une violation flagrante de la loi camerounaise ». Quoi qu’il en soit, le regard que les Etats-Unis jettent sur le Cameroun, semble être celui d’un pays englué dans la gabegie. Pour Washington, « quelle que soit l’issue de l’instruction judiciaire ouverte contre Biyiti bi Essam, le problème le plus important reste la mauvaise gestion généralisée du budget et des ressources du Cameroun », conclut ce rapport confidentiel du département d’Etat américain.
Par Yanick Yemga, Mutations