Le régime de Biya peut-il apprendre quelque chose?
L’appel du Président Biya à l’instauration d’un grand dialogue national suscite le scepticisme dans le pays. Ce scepticisme est d’ailleurs ironique puisque le président avait lui-même affirmé à Bafoussam, le 12 septembre 1991, que « Vouloir dialoguer et définir soi-même les modalités du dialogue, c’est refuser le dialogue, c’est vouloir imposer sa volonté».
L’ explication est que dans un pays normal, cet appel au dialogue national aurait pu représenter, au milieu des horreurs actuelles, un moment porteur d’espoir – un moment de changement potentiel – pour lequel des organisations de défense des droits de l’Homme, telles que le CL2P, disposent de certaines expériences et connaissances à même de faciliter l’écoute mutuelle, puis de contribuer à la paix définitive; si et seulement si cela s’avérait effectivement utile.
En effet, le régime de Biya n’a jamais montré le moindre intérêt à faire face à ses violations des droits humains en mettant en place une véritable Commission Vérité et Réconciliation appelée de nos voeux. Parce que fondamentalement ce régime est incapable d’introspection et n’a pour unique habitude que d’invoquer sa gloire à partir de réalisations imaginaires et d’une paix des cimetières, présentées comme merveilleuses et pourtant sans lien avec la triste réalité du quotidien. Comme s’il n’a apporté que développement et prospérité à tous les Camerounais. Hélas non.
Au fond c’est précisément parce qu’au bout de 37 années de pouvoir ininterrompu il n’y a plus de vérité en dehors des institutions figées en place, et que la sociologie même desdites institutions camerounaises est complètement parasitée par des «créatures» sans constance ni consistance de Paul Biya, incapables de penser de manière indépendante et cohérente, que le Cameroun se retrouve aujourd’hui littéralement pris au piège d’un vieux renard qui ruse en permanence, trouvant toujours le moyen d’éviter, voire d’ignorer la volonté du peuple camerounais.
C’est pourquoi des organisations de défense des droits de l’homme, telles que la CL2P, s’emploient à renforcer l’idée qu’il est absolument temps de réfléchir sur des pans entiers de notre passé. Nous ne pouvons simplement plus continuer à les dissimuler.
Et il est possible de sortir grandi de cette expérience. Il n’est plus concevable de voir un pays s’auto-flageller à ce point en ne parlant que des échecs à répétition et des crimes abominables. Ce dont malhonnêtement, le régime en place s’emploie à accuser systématiquement les membres de l’opposition légitime et réelle, faisant d’eux des êtres masochistes et de mauvaise foi. Mais si nous ne faisons pas la nécessaire franche introspection, nous aurons des explosions, notamment de type ethnofasciste telles que nous avons vu à l’œuvre dans tant d’autres pays ces derniers temps.
Nous devons être en mesure de mettre de l’ordre dans nos relations avec l’histoire et de dire: Je peux être fier de ces parties de mon histoire nationale et je peux même endosser cette histoire. Cependant il y a aussi d’autre parties de cette histoire pour lesquelles je suis profondément désolé et j’aimerais faire de mon mieux pour pouvoir les compenser dans le cadre d’une dynamique consensuelle. Le CL2P pense qu’une fois ce processus achevé, nous pourrons alors envisager de voir fleurir une sorte de nationalisme ou de patriotisme saine et républicaine dans un vivre-ensemble rasséréné.
En somme, ce n’est pas que mon pays est meilleur que tous les autres. Mais c’est le mien.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
https://www.facebook.com/equinoxe.television/videos/704070203446967/
English version
Can the Biya’s Regime Learn something?
President Biya’s call for a national dialogue is being met with skepticism in the country.
This skepticism is also ironic since the president himself had said in Bafoussam, September 1991, that: » To want to dialogue and define oneself the modalities of the dialogue, it is to refuse the dialogue, it is to want to impose its will «
Thus, in a normal country, this call for national dialogue could have represented, amid the horrors of the present, a hopeful moment – a moment of potential change – and that human right organizations, such as the CL2P, have some knowledge and experience that we could share and that might be helpful.
This is because the Biya’s regime has never shown any interest in confronting its human right abuses by setting up a real truth and reconciliation committee. The Biya’s regime, however, is incapable of introspection and only used to invoking the glories of the Biya’s regime as really as a wonderful thing, as if it brought nothing but development and prosperity to all Cameroonians.
This is because there is no truth outside of institutions and the sociology of Cameroonian institutions is full of Biya’s “creatures” who are incapable of independent thinking and led by a trickster who, for the past 37 years, has found ways of evading, or even ignoring, the will of the Cameroonian people.
Thus, human right organizations, such as the CL2P, work to strengthen the voices, and say it is absolutely time that we come to terms with parts of our past, we can’t sweep them under the rug.
And it’s possible to come out the other side. It’s not the case that all a country needs to do is beat its breast and talk about its failures and its crimes, which is, of course, what the regime always accuses people on the legitimate opposition of doing. But if we don’t do that, we get explosions of things, like the kind of ethnofascism that we’ve seen in so many countries lately.
We must be able to sort out our relationship to history and say: These parts of my national history I can be proud of and I can stand by, and these parts I’m sorry for and I’d like to do my best to somehow make up for. And the CL2P thinks that, once you go through a process like that, you can begin to have a kind of healthy nationalism or patriotism. Which isn’t that my country is better than all countries. But it’s mine.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P