En effet ce ne sont pas comme je l’ai si souvent entendu ces dernières décennies au Cameroun “des choses qui n’arrivent qu’aux autres”…
Car une dictature aussi crasse que celle de Paul Biya n’applique pas de traitement préférentiel à l’egard des personnes qu’elle a désignées comme des “ennemis à abattre”, en son sein comme dans son opposition réelle…
Les récentes condamnations brutales des porte-parole et trésorier du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) du Pr. Maurice Kamto, sont une fois de plus l’illustration qu’il ne s’agit pas de déconvenues qui arrivent uniquement à ceux qui les auraient (bien) méritées, comme l’ont si souvent laissé entendre certains Camerounais (dont les désabusés de ce jour), au motif que les étiquetés “éperviables et autres voleurs de la République” (comme ils ont coutume de dire) étaient des “membres du système Biya”…
Le système répressif d’une tyrannie est aveugle et ne s’encombre point des étiquettes collées ici ou là à ses victimes pour les broyer avec la même brutalité.
Raison s’il en est de ne jamais adopter une approche sélective, partisane, voire clanique dans la lutte contre toutes les injustices, dont les violations systémiques des droits humains, et plus particulièrement les emprisonnements politiques.
JDE
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“On ne bloque pas le vent.” — G.I. Noumbou
EXACTIONS ETATIQUES EN AUGMENTATION
• A tous les concernés,
même ceux qui ne se sentent pas concernés.
• Aux “partenaires” économiques du “Cameroun” ( = “l’élite” au pouvoir).
•A tous ceux en dehors du Cameroun, qui pensent que les actualités du Cameroun ne les concernent pas, sachez que les activités de multinationales – dont le siège est chez vous – irresponsables, prédatrices donc complices (de près ou de loin) de violations de droits humains au Cameroun, sont de votre responsabilité, aussi infime soit-elle.
La liste de ces entreprises est longue.
A ce sujet, lire “Le Cameroun, un eldorado pour les multinationales peu scrupuleuses”, Fanny Pigeaud, 06.08.2021, Médiapart.
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Pensées parties de l’embastillement d’Alain Fogué Tedom, professeur d’université enseignant en science politique, proche de Maurice Kamto (président du MRC, principal mouvement d’opposition aujourd’hui au Cameroun), et condamné il y a 2 jours à une lourde peine de prison ferme. Il était arrêté le 22 septembre 2020, dans le contexte de marches pacifiques, où de nombreux manifestants avaient été arbitrairement placés en détention.
Il y a trois semaines déjà, environ quarante militants du MRC étaient condamnés par le tribunal militaire de Douala, jusqu’à 5 ans de détention ferme. Ils séjournent actuellement à la prison de New-Bell (Douala).
Puis le 27 décembre dernier, 35 autres militants et cadres du MRC ont été condamnés à de lourdes peines de prison ferme par le tribunal militaire de Yaoundé. Alain Fogué et Olivier Bibou Nissack notamment, respectivement trésorier et porte-parole de Maurice Kamto, ont écopé de 7 ans ferme. Ils sont à Kondengui (Yaoundé).
En désaccord notamment avec la procédure judiciaire d’un tribunal militaire, incompétent dans le jugement de personnes civiles, ils avaient refusé de se présenter au tribunal pour la lecture de leurs sentences.
A relever au passage que tant New-Bell que Kondengui sont surpeuplées à 500%, soit respectivement 4000 détenus/800 places en 2015 et 5000 détenus/1000 places en 2019.
Le bras de fer actuel entre le régime et le MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, fondé en 2012), est motivé par les suites de l’élection présidentielle de 2018, impliquant l’épineuse question de la succession de Paul Biya, 85 ans à ce moment-là.
Incarnée par une Constitution remodelée à dessein, dans le cadre de ce dernier scrutin présidentiel, Biya “demandait” son 7ème mandat. Dans une atmosphère d’insécurité et de répression exponentielles, Maurice Kamto, démonstrations multiformes de fraudes devant le Conseil constitutionnel à l’appui, revendique la victoire, convainquante selon une tendance marquée de l’opinion publique camerounaise.
En parallèle, la menace d’une transmission du pouvoir “de gré à gré” domine aujourd’hui le tableau.
Le choix d’un dauphin semble se porter sur Franck Biya, fils aîné de Paul Biya, dans un climat sociopolitique plus délétère que jamais. En effet, sur fond de discours de haine progressivement depuis 2017, l’opinion publique interpelle de plus en plus l’existence-même d’un Paul Biya déjà malade depuis plusieurs années.
Entre un certain nombre d’éléments concomitants en faveur d’une potentielle atteinte par le Covid dès les premiers grands ravages au Cameroun au printemps 2020 et la peur légendaire d’évoquer la santé du seul président connu de plus de 70% de la population, la vacance du pouvoir qui peine de plus en plus à se dissimuler, pourrait justifier un “gré à gré” imminent.
Mis à part ces circonstances brûlantes, le contexte mortifère du Cameroun d’aujourd’hui inclut:
En toile de fond, inamovible le pouvoir de Paul Biya depuis 1982, à la tête du parti-Etat RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) dont il est le président national et dont l’idéologie sur le papier est au-dessus de tout soupçon*.
Une répression sans concession de toute contestation à visée déstabilisante pour le régime en place, avec des dénonciations de violations massives des droits humains par bon nombre d’organismes nationaux et internationaux.
Une guerre totale entre forces armées camerounaises et séparatistes anglophones depuis 5 ans, théâtre de nombreux crimes de guerre et contre l’humanité, générant plus d’un million de déplacés. Étant donné que tant les journalistes que les ONG de défense des droits de l’homme sont interdit d’accès sur le terrain, on ne peut qu’évaluer approximativement les pertes humaines entre 5 000 et 30 000 civils.
Aujourd’hui, les observateurs relèvent une augmentation objectivable depuis quelques semaines de disparitions forcées arbitraires de civils par l’armée camerounaise et d’exécutions sommaires. Entre des exactions commises par une armée au commandement ethnocentrique et des victimes issues d’une minorité ethnique, il ne s’agit plus ni d’une “crise anglophone” ni d’une “guerre civile”. La situation des civils du NoSo devient de plus en plus intolérable.
Un front de guerre à l’Extrême-nord contre Boko-Haram, dans un contexte opaque de crimes de guerre, avec exécutions sommaires documentées de civils par l’armée camerounaise.
Des crimes économiques de dimensions incommensurables par le régime et son clan en collusion avec de nombreux “partenaires”, tant étatiques que privés, contre le peuple camerounais.
La Coupe d’Afrique des Nations.
L’accueil dans cet environnement, de la 33ème édition de la CAN du 9 janvier au 6 février 2022. Les moult scandales financiers en lien avec notamment la construction de nouveaux stades, émaillent des préparatifs très mouvementés depuis plus de 12 ans. Entre disparitions de fonds et stades officieusement pas tout à fait prêts à recevoir les spectateurs, les questionnements fusent de toutes parts. En outre, certains matchs sont prévus au stade de Limbé au Sud-ouest, avec une capacité d’accueil de 20 000 spectateurs.
C’est donc dans cette ambiance générale, que de nombreux militants du seul parti d’opposition réprimé par le régime, ont été lourdement condamnés ces dernières semaines, relativement “à la va-vite” en comparaison avec les lenteurs habituelles de la Justice camerounaise.
Dans un Cameroun où depuis l’indépendance la diversion combat la “subversion” par tous les moyens, les lourdes peines prononcées ces derniers jours contre des manifestations de ras-le-bol sensiblement plus organisées que dans le passé, tentent plus que jamais de servir d’exemple. En effet, le déroulement des évènements à venir demande une concentration accrue de la part du régime et ses coéquipiers sur une anticipation complexifiée par le fil de l’histoire.
La nécessité de réduire l’opposition au silence pour favoriser un déroulement “apaisé” de la CAN, tout en maintenant la “sale guerre” du NOSO dans un statut de déni relatif, ainsi que la préparation dans les coulisses de la transmission du pouvoir en violation de ce qui reste du respect de la Constitution ne dit pas grand chose de microscopiquement réjouissant pour 2022 au Cameroun. La perspective macroscopique nous en dira plus avec le recul.
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*Idéologie du RDPC (Wikipédia):
Le RDPC œuvre pour la recherche et la consolidation de l’unité, de l’intégration et de l’indépendance nationales, ainsi que le développement économique du Cameroun et la sauvegarde des libertés fondamentales du citoyen.