Talon à Bolloré : Le Port de Cotonou n’est pas a vendre
Par Alex Gustave Azebaze, Journaliste spécialisé dans la défense des droits humains
En dehors de sa malhabile déclaration à Paris sur l’absence de cadres au Bénin – et pour lequel il demandait au Président français de l’aider à le résoudre -, c’est jusqu’ici un quasi sans faute que mène le “jeune” Président élu du Bénin, Patrice Talon: reforme de l’administration pour limiter les gaspillages; interdiction d’implication des membres du gouvernement dans les activités ludiques; libéralisation de l’accès des Africains au Bénin comme souhaité par l’agenda continental 2063, réclamations aux anciens colonisateurs des produits et biens culturels volés au Bénin; etc.
Dans sa récente sortie largement relayée sur les réseaux sociaux, deux points transparaissent nettement comme ligne de son à la tête de cet État africain: patriotisme économique et pragmatisme politique. En déclarant “un port est le cœur d’une économie pour les pays comme le notre[Benin]. On ne peut en confier la gestion complète à des occidentaux (Étrangers]. Si besoin est nous privilégierons des opérateurs nationaux ou africains (…). S’il [Bollore] veut être éligible, il faudrait qu’il s’allie avec des nationaux qui pèseraient au moins 45%. C’est valable pour les autres [Chinois, Emiraties, Turcs, etc. ]”.
Bien parlé M. Le président.
Dans cet extrait peut être résumée la vision économique de ce leader politique et en responsabilité: rester ouvert aux partenariats internationaux mais à condition que les intérêts nationaux soient considérés. Cette adresse au groupe français Bolloré – qui règne en maître dans l’essentiel des ports africains – est valable aux investisseurs potentiels issus d’autres pays. Qu’ils prévoient de véritables joint-ventures avec les nationaux.
Patrice Talon a la légitimité pour en parler. Outre son expérience dans les affaires, il est doté d’un mandat populaire incontesté et incontestable. C’est la matrice de toute action politique pour tout leader en contexte de concurrence politique et de mondialisation.
Il est certain qu’ici Bolloré, comme d’autres investisseurs, essentiellement pragmatiques, se grouilleront pour remplir les conditions posées par le sommet de l’État béninois.
Mais pour rester solide, d’un point de vue moral, le chef de l’État béninois qui a ainsi clairement indiqué le cap, et dont chacun connaît le passé dans le secteur des affaires, doit essayer de diversifier le capitalisme national béninois notamment en favorisant l’émergence d’autres capitaines d’industries que lui personnellement.
S’assurer d’être au dessus des soupçons
Cela lui permettrait d’éviter le premier écueil qui guette nombre de dirigeants d’États jeunes: être en même temps décideur politique et administratif suprême et compétiteur économique au travers de leurs sociétés.
Un tel mélange de genres s’il venait à perdurer pourrait indubitablement donner des armes à ses adversaires pour saborder cette vision basée sur une action dont des critiques disaient déjà pendant la campagne qu’en dehors d’exalter le sentiment national – une manière de xénophobie – il n’avait pas programme”. Cette rengaine d’absence de programme, les pouvoirs en place opposent à ceux qui contestent leur leadership afin de se perpétuer et ne pas assumer leurs bilans. Certains ont même prétendu qu’étant un ancien très proche du Président sortant Yayi Boni, l’homme d’affaires Patrice Talon n’était qu’un revanchard et ne pouvait en aucun cas porter le changement tant il était du système.
Voilà qu’avec ses premiers actes, il montre depuis quelques mois qu’élu démocratiquement donc à la légitimité claire, le pragmatisme est la véritable boussole d’un dirigeant d’État. Bref un leadership nouveau avec des objectifs de résultats sa priorité n’étant pas de manouvrier simplement pour durer à la tête de l’État.
Ce Président a notre soutien et continuera de l’avoir s’il évolue sur une ligne très peu intéressée sur le plan personnel.
Alex Gustave Azebaze