Mais pourquoi diable , Paul Biya s’est -il fourré dans cette galère ! Les dictateurs , c’est connu depuis la nuit des temps , commettent certes parfois en politique, des erreurs de néophytes, mais leurs courtisans par excès de zèle précipitent souvent leurs pertes , en voulant devancer ou anticiper ce qu’ils estiment être les desiderata du Prince .
Tenez , Maurice Kamto : Clément Atangana bandit , lui attribue 14% de suffrages et le classe deuxième à l’issue de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 . Le 26 mars 2019, au terme d’une marche pacifique, certes non -autorisée , et au cours de laquelle les forces de l’ordre ont tiré sans sommation à balles réelles et à bout portant , sur des manifestants à mains nues , le pouvoir le fait arrêter avec ses soutiens , ainsi qu’une centaine de ses militants. Mais quelle urgence militait donc en faveur d’une telle interpellation? Et en quoi est -ce que Maurice Kamto menaçait -il franchement la paix civile ? En quoi est -ce que Maurice Kamto, avec sa bonhomie menaçait le pouvoir de Massah Paul , un peu plus de trois mois après la proclamation de sa “ victoire “ pour laquelle il avait dans la foulée reçu les félicitations du président français?
Maurice Kamto , qui était passablement connu en hexagone , et même un peu partout dans la sous -région , pour ses fonctions passées de juriste et d’enseignant, vient brutalement de prendre la lumière et de gagner en notoriété auprès des personnes, qui en France , au Royaume Uni , au Canada, en Allemagne et aux États -Unis , n’avaient jusqu’ici jamais entendu son nom . Voilà véritablement ce qui s’appelle se tirer une balle au pieds ! On dit merci qui ? Papa Paul Biya évidemment!
Si le Pr Maurice Kamto , a un temps été ministre de Paul Biya , ce dernier qui rencontre épisodiquement ses collaborateurs, ne sait pas grand -chose du natif de Bafoussam. C’est que Paul Biya , à l’instar d’autres dictateurs, estime que tous ceux auxquels il a attribué la moindre portion résiduelle du pouvoir , en les faisant qui ministre , ou directeur d’une entreprise publique , lui sont infiniment redevables, et dès lors considère leurs velléités d’émancipation de la légitimité qu’ils tiennent de lui , comme une déclaration de guerre . Ainsi par exemple du maréchal Mobutu , qui lors des travaux de la conférence nationale souveraine au Zaïre ( RDC) , s’écriait ému : “ Mais tous ces messieurs, à un moment ou un autre , ont été mes collègues! Ils me doivent tous ce qu’ils sont tous devenus ! . “
Jacques Fame Ndongo, conseiller putatif en sorcellerie de Paul Biya , récemment promu au rang de ministre d’État , sans doute pour l’ensemble de ses “ œuvres “ , n’était pas loin de faire le même constat que le maréchal, lorsqu’il affirmait alors qu’on ne lui demandait pas tant : “ Nous sommes les créatures de Paul Biya . “
Le drame avec les dictateurs , c’est leur propension à croire religieusement aux balivernes et inepties , que leur servent leurs courtisans …
Depuis l’embastillement du Pr Kamto , et de ses soutiens , l’hôte du palais de l’Unité, qui est en réalité plus présent dans son fief de Mvog Méka’a, qu’en ces lieux , ne trouve plus le sommeil . Cette affaire Kamto , commence à lui faire chier , et à lui coller à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock, dans l’affaire Tournesol .
Le dictateur camerounais, qui au lendemain du fameux discours de la Baule, prélude aux conférences nationales , toutes souveraines les unes que les autres , s’était auto-proclamé “ le meilleur élève de François Mitterrand “ en matière du respect des préceptes de la démocratie et de la bonne gouvernance, n’aime pas quand on braque de trop près les projecteurs sur son royaume qu’est le Cameroun; une chasse gardée reçue en héritage de la part de son prédécesseur, Ahidjo en échange de leur pacte scellé par un acte d’homosexualité ( voir le limogeage d’Ahmadou Ahidjo par Dieudonné Meyo Messe ) .
Pendant très longtemps , le dictateur camerounais a usé de l’esbroufe , consistant à présenter son pays comme un havre de paix , et facteur de stabilité de toute la sous -région . En effet , situé à mi-chemin entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale , le Cameroun a un accès facile à la fois vers l’Afrique de l’Est , et vers le Magreb, à travers le Tchad, pays frontalier qui donne un accès direct sur le Soudan et sur la Libye . Sa déstabilisation , provoquerait un effet domino ou de vases communicants , à l’échelle de toute la sous -région , et même au-delà . Voilà en gros l’argument , dont a longtemps disposé Paul Biya comme instrument de chantage , sur les grandes puissances. C’est exactement la tactique dont jouait Mobutu , en se servant du péril communiste comme d’un repoussoir contre ses opposants, mais aussi comme monnaie de chantage face au camp de l’Ouest .
Depuis l’arrestation du Pr Kamto , ce dernier a activé plusieurs leviers pour faire contre -poids . D’abord , son ami Jean -Pierre Mignard , avocat avec Jean -Paul Benoit , de l’État de Côte d’Ivoire auprès de la CPI dans le dossier Gbagbo. Mais c’est en qualité d’ancien partenaire du Pr Kamto , dans le dossier du contentieux qui opposait le Cameroun au Nigéria au sujet de la presqu’île de Bakassi, que Jean -Pierre Mignard a écrit au ministre camerounais de la justice , Laurent Esso pour s’émouvoir de l’interpellation de l’opposant .
N’ayant reçu aucune suite , il s’en est ouvert à Emmanuel Macron , qui a téléphoné le même jour, au chef de l’État camerounais pour s’enquérir de la situation du Pr Kamto , en des termes diplomatiques , frisant en filigrane des ultimatums. Le chef de l’État français, s’est ému auprès de son homologue camerounais, de la tournure ethno-fasciste et belliqueuse de la sémantique entretenue , par les partisans du pouvoir .
C’est que Jean -Pierre Mignard , n’est pas n’importe qui ! Sur le strict plan du droit , Jean – Pierre Mignard est un spécialiste des arbitrages internationaux, et est déjà intervenu à plusieurs reprises auprès de la Cour internationale de justice de la Haye, dans des litiges africains , dont le Cameroun entre autres .
Il est le parrain de deux des enfants , du couple François Hollande/Ségolène Royal, mais surtout avec Jean -Yves Ledrian , François Hollande et Jean -Pierre Jouyet , actuel ambassadeur de France à Londres , et ancien secrétaire général de l’Élysée , l’homme qui a présenté Macron à Hollande , qu’il a ensuite fait nommer à Bercy , un des fondateurs du club Témoin , ce cercle de réflexions qui devait contribuer à porter Jacques Delors , le père de Martine Aubry , à l’Élysée .
Même si Emmanuel Macron, a évoqué la crise anglophone, en des termes généraux pour meubler le temps comme on dit en journalisme, le président camerounais qui sait parfaitement décrypter entre les lignes , pour en avoir vu d’autres , a bien perçu que cette affaire Kamto risque à bien d’égards de lui pourrir l’existence . Ordre avait été donné au tribunal militaire , qui avait inculpé ( mis en examen) le Pr , de trouver des voies et moyens pour l’accommoder . Ce qui en français simple , accessible à tout le monde, signifie trouver une parade pour le remettre en liberté. Mais Maurice Kamto , très pointilleux et procédurier en vieux renard rusé et habitué des croc-en-jambe des prétoires, a tout de suite senti l’entourloupe, et a mis en avant comme préalable, ce que les juristes français qualifient de “ QPC” pour question prioritaire de constitutionnalité, c’est-à-dire dans le cas d’espèce , de la compétence du juge militaire .
Depuis , les juristes de l’Élysée et du Quai d’Orsay planchent tout azimut, pour trouver une formule susceptible de remettre le Pr Kamto en liberté , avec les siens , sans pour autant faire perdre la face au régime de Yaoundé. Difficile exercice d’équilibriste , quand on sait la détermination des supporters du vainqueur putatif de l’élection du mois d’octobre dernier .