Le fils du président de Guinée équatoriale est accusé de s’être frauduleusement bâti un patrimoine. Il demande le report de l’audience.
Source: Le Monde.fr avec AFP
Un procès qui annonce vraisemblablement d’autres dans le même registre des fortunes et biens mal acquis par les despotes d’Afrique centrale et/ou leurs proches.
À Paris ou partout ailleurs dans le monde. La chasse contre ces monstres promet certes d’être compliquée mais particulièrement fructueuse, parce que les concernés agissaient jusqu’ici en parfaite impunité avec des complicités multiples et éparses.
Gare à celles parmi ces dernières qui ne comprennent pas que le monde a changé.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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France: ouverture du procès Teodorin Obiang sur les «biens mal acquis»
Le premier procès, en France, dans l’affaire dite des biens mal acquis s’ouvre, ce lundi 2 janvier, devant le Tribunal correctionnel de Paris. Teodorin Obiang, 47 ans, fils du président de Guinée équatoriale, est poursuivi, entre autres, pour détournement de fonds publics et corruption. Teodorin Obiang Nguema, vice-président de son pays, est accusé de s’être bâti, en France, un patrimoine considérable en détournant l’argent public de son pays. L’affaire dite des « biens mal acquis » touche bien d’autres pays africains depuis une décennie.
L’affaire des biens mal acquis démarre en 2007. L’organisation CCFD-Terre Solidaire sort un rapport explosif dans lequel elle liste les avoirs présumés, détournés par plus de 30 dirigeants de pays en développement ou par leurs proches.
En mars, les associations Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la diaspora déposent plainte devant le procureur contre les familles dirigeantes de l’Angola, du Burkina, du Congo-Brazzaville, de Guinée équatoriale et du Gabon, mais le parquet – qui dépend du ministère de la Justice – classe l’affaire. Pour les associations, il s’agit d’une manœuvre politique. La France ne veut pas mettre en difficulté ses partenaires africains.
En 2008, Sherpa et Transparency International changent de tactique et se constituent parties civiles. Sous-entendu : elles estiment avoir subi un préjudice. Les ONG veulent que l’affaire soit désormais gérée par un juge d’instruction, censé être indépendant. L’enjeu est de savoir si elles sont compétentes pour déposer une plainte en matière de corruption. L’affaire va jusqu’en Cour de cassation.
En novembre 2010, pour la première fois, les juges estiment qu’une association luttant contre la corruption peut faire une action en justice au nom de cette lutte. Dès lors, des enquêtes démarrent. Des biens appartenant aux clans Obiang Nguema, Bongo ou encore Sassou-Nguesso sont saisis au fil des ans.
Le procès du vice-président équato-guinéen est une conséquence directe de cet arrêt de 2010 qualifié d’historique par les associations.
→ (RE)LIRE: «Biens mal acquis»: Teodorin Obiang renvoyé en procès en France
Hôtel particulier et voitures de luxe
Depuis, Teodorin Obiang a multiplié les actions pour échapper à la justice française, invoquant son statut de vice-président du pays et l’immunité qui en découle. Il s’est même tourné vers la Cour pénale internationale, arguant que ses biens en France relevaient du « patrimoine diplomatique » de son pays. La décision ne sera rendue que dans plusieurs mois. Sauf que c’est à titre personnel qu’il est accusé de s’être constitué son patrimoine.
Et quel patrimoine. Un hôtel particulier de 4 000 mètres carrés dans le XVIe arrondissement de Paris avec robinets couverts de feuilles d’or et une collection de quelque 17 voitures de luxe. « On est très loin des locaux d’une ambassade, souligne Me William Bourdon. On est plutôt dans un lieu, certains disent de “débauche”. »
Selon les réquisitions du parquet français, 110 millions d’euros sont venus créditer le compte de Teodorin Obiang, en provenance du Trésor public équatorien entre 2004 et 2011.
Alors Teodorin Obiang devra répondre d’abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption. Un procès pour l’exemple car il y a très peu de chance pour que Teodorin Obiang se présente physiquement à l’audience.
Quant à sa défense, son avocat, Me Emmanuel Marsigny, argue que sa fortune a été acquise tout à fait légalement. Et il soutient que la justice française n’a pas qualité à agir et dénonce une « ingérence ».
« La souveraineté d’un Etat, ce n’est pas l’irresponsabilité juridique de ses dirigeants, de ses ministres et des membres du clan qui se vautrent dans la mangeoire ouverte du fait de ces détournements », rétorque de son côté Me William Bourdon.
■ Bientôt un procès du clan Sassou-Nguesso ?
C’est le premier procès français dans l’affaire des biens mal acquis. Aujourd’hui trois chefs d’Etat sont donc visés par des enquêtes en cours.
En septembre 2015, deux propriétés du clan du président congolais Sassou-Nguesso avaient été saisies. Maître William Bourdon, avocat de Transparency International et président de Sherpa croit qu’un procès est possible dans cette affaire. « Les choses devraient connaître techniquement une évolution dans les prochains mois, espère-t-il. Il y a eu une première phase d’identification des biens en France, ensuite la détermination du fait que pour partie, ces biens ont été financés par des flux douteux voire illicites. Les mesures de saisies sont en train de s’achever. Donc la séquence qui doit suivre ce doit être évidemment de demander des explications aux personnes qui auraient bénéficiaires de ces financements et ça peut conduire à des auditions dans les prochains mois. Evidemment, il y aura des batailles menées par les avocats pour essayer de retarder, de paralyser, d’étirer la procédure jusqu’à la nausée. Donc un procès du clan Sassou-Nguesso me paraît envisageable dans la perspective de deux ou trois ans. »
Pour Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, l’avocat de l’Etat congolais, on est encore loin du procès. « L’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel précise que les chefs d’Etat sont exclus de toute poursuite », explique-t-il. Deuxièmement, affirme-t-il, les perquisitions qui ont eu lieu font état d’« un appartement classique à Paris ou d’une maison en grande banlieue parisienne. Ça n’a aucun rapport avec la liste des achats qu’ont pu faire Obiang ! On est dans un autre monde. »