Mahamat Nour Ahmat Ibedou est né en décembre 1956 à Mongo dans la province du Guera dans le centre du pays. Après son baccalauréat en 1978 à Abéché dans l’est du Tchad, il enseigne l’éducation civique à l’école d’Abéché et de Mongo jusqu’en 1982.
Recherché par les agents de la DDS, la police politique de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré à cause d’une tribune qu’il avait publié dans le magazine Jeune Afrique, Mahamat Nour Ahmat Ibedou a dû fuir pour se réfugier au Bénin, où il a continué ses études jusqu’à l’obtention d’une maîtrise en droit des affaires en 1989.
Du mouvement politico-militaire à la défense des droits humains
Préoccupé par la dictature d’Hissène Habré, Ibedou intègre alors le mouvement politico-militaire Mosanat, le Mouvement pour le salut national du Tchad créé par Saleh Ngaba opposé au régime de Habré.
Huit mois plus tard, Mosanat signe un accord avec un groupe rebelle dirigé par le colonel Idriss Déby venu du Soudan pour former le Mouvement patriotique du salut (MPS) qui va chasser Hissène Habré le 1er décembre 1990.
Mahamat Nour Ahmat Ibedou sera le tout premier chef de mission du président Déby après sa prise du pouvoir. Mais à peine deux ans plus tard, en 1992, Ibedou, qui ne voit aucun changement par rapport à l’ancien régime dictatorial, claque la porte du MPS.
“J’ai adhéré à un idéal. Je pensais que nous allions arriver avec un pouvoir qui allait trancher avec les pratiques de la DDS, les pratiques dictatoriales de Hissène Habré et que ça serait une véritable démocratie. C’est d’ailleurs ce que Idriss Deby nous a fait croire depuis la rébellion. Malheureusement, une fois au pouvoir, il est devenu pire que les autres…C’est pourquoi j’ai adressé une lettre de démission qui n’a jamais été acceptée d’ailleurs mais depuis lors je me suis éloigné définitivement du MPS.”
En 2011, Mahamat Nour Ahmat Ibedou décide d’abandonner la politique pour militer dans la société civile en créant avec quelques autres personnes la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH), une organisation qui est l’avant-garde de la défense des droits humains au Tchad depuis plus de dix ans.
Arrêté déjà neuf fois
Le militantisme en faveur des droits humains a valu à Ibedou des intimidations et menaces. Il a même été arrêté neuf fois. Et sa dernière arrestation remonte au 20 mars dernier.
Arrêté lors d’une marche pacifique contre la candidature du président Deby pour un sixième mandat, Ibedou a été incarcéré par la police durant trois jours avant d’être libéré par la justice.
“D’abord, le pouvoir a essayé de me récupérer comme certains d’entre nous qu’il a pu récupérer. D’abord avec des intimidations, mais ça n’a pas marché. Puis la tentation : des gens viennent chez moi de la part de monsieur le président avec des valises d’argent et me proposent d’être membre du gouvernement, au moins quatre fois, mais ça n’a toujours pas marché. Alors comme ils ont vu que ça ne peut pas marcher, ils ont commencé avec des harcèlements. Il fallait casser mon moral, c’est ce qui explique mes multiples arrestations.”
Malgré ces intimidations, Mahamat Nour Ahmat Ibedou reste imperturbable. Il fait partie aujourd’hui des leaders de la société civile réunis au sein de la coalition “Forces vives” qui milite pour empêcher la candidature du président Idriss Déby pour un sixième mandat le 11 avril prochain.
“Il n’y a pas d’élection, le dispositif de fraude de monsieur Déby est déjà là depuis longtemps. Donc même s’il affronte n’importe quel candidat, il va gagner. Il a tout préparé pour ça. Et nous ne sommes pas près de nous arrêter parce que nous nous sommes fixés comme objectif d’empêcher Monsieur d’être candidat à un sixième mandat. Il faut que Déby arrête. S’il persiste, nous sommes prêts à perturber les élections.”
Depuis septembre 2020, Mahamat Nour Ahmat Ibedou a été suspendu de son poste de secrétaire général de la CTDDH par la justice. Une décision qualifiée par beaucoup d’observateurs comme une manœuvre du pouvoir pour faire taire ce défenseur des droits humains et récupérer son association.