Le sommet des chefs d’État de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est ouvert vendredi 28 août sous de mauvais auspices pour la junte au Mali. Les questions de « la libération [de l’ex-président renversé] Ibrahim Boubacar Keïta et celle de sa restauration dans sa fonction ont été résolues », puisque ce dernier ne souhaite pas retourner au pouvoir, mais « il n’en est pas de même pour celle du retour à l’ordre constitutionnel, qui suppose le retour des militaires dans leur caserne », a déploré en préambule le président nigérien, Mahamadou Issoufou, actuellement à la tête de l’organisation ouest-africaine.
La conférence par écrans interposés, organisée à l’issue d’une mission de médiation de la Cedeao de trois jours à Bamako, est venue confirmer les rumeurs qui circulaient ces derniers jours sur l’intransigeance de l’organisation face aux putschistes. Inflexibles, les chefs d’Etat ont recommandé aux militaires de la junte malienne de nommer une « personnalité civile » pour mener à bien la transition ainsi qu’un « premier ministre civil », « car aucune structure militaire ne devrait être au-dessus du président de la transition ». Quant à la durée de cette période, elle ne devra pas excéder douze mois.
Samedi 22 août, une mission de médiation de la Cedeao avait été dépêchée dans la capitale malienne pour obtenir un « retour rapide de l’ordre constitutionnel ». Alors que l’organisation sous-régionale avait déclaré « dénier catégoriquement toute forme de légitimité aux militaires putschistes », ses émissaires n’ont pas pu échapper au dialogue avec les membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), à la suite de la démission du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta.
Si la libération du président déchu a été actée à l’issue des trois jours de rencontres, de nombreux points de discussions sont restés en suspens, et notamment ceux portant sur les modalités de la transition. Dans le rapport de mission que Le Monde s’est procuré, le médiateur de la Cedeao, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, a confirmé la proposition formulée par la junte d’organiser une transition de trois ans avec à sa tête le président du CNSP, le colonel Assimi Goïta.
Les émissaires, précise le texte, se sont opposés en bloc à une telle suggestion, car « l’organisation régionale n’acceptera pas qu’un militaire en service dirige le gouvernement de transition ». La junte, sous la pression de l’embargo financier imposé au Mali par le Cedeao après le coup d’Etat, n’a eu d’autre choix que de se raviser.
Les militaires n’ont d’ailleurs toujours pas obtenu la levée de l’embargo, l’une de leurs revendications principales lors des négociations. « Les sanctions énoncées (…) seront levées progressivement en fonction de la mise en œuvre des décisions », précise la déclaration de clôture du sommet de vendredi entre les chefs d’Etat ouest-africains. Une fermeté qui ne laisse pas de grandes marges de manœuvre aux militaires s’ils souhaitent encore composer avec la Cedeao. « Aucune décision n’a été prise au regard de ce qui a été dit lors du sommet des chefs d’Etat », s’est contenté de déclarer le lieutenant chargé de la communication du CNSP.
En attendant de trouver un accord politique pour la mise en place d’une transition, les militaires se sont efforcés d’asseoir leur pouvoir. Dans l’« Acte fondamental » publié jeudi au Journal officiel malien, le CNSP annonce qu’il « désigne en son sein un président qui assure les fonctions de chef de l’Etat ». A savoir le colonel Assimi Goïta, propulsé à ce poste au lendemain du coup d’Etat.
Les nouveaux dirigeants du Mali restent toutefois sous la surveillance étroite de la Cedeao, qui a décidé de la mise en place d’un comité de suivi « comprenant le médiateur, le président du conseil des ministres et le président de la Commission de la Cedeao, et incluant les représentants de l’Union africaine et des Nations unies à Bamako » avant que de nouvelles décisions ne soient prises au prochain sommet de l’organisation, qui aura lieu le 7 septembre.