Mamadou Mota, renseignements instructifs sur le sujet gouvernable à Yaoundé
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le dernier témoignage du prisonnier politique Mamadou Mota devant la Cour, le mardi 13 août 2019, est très instructif sur le régime de Yaoundé et sa mentalité cruelle.
En effet le vice président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Mamadou Mota, s’est plaint d’avoir été torturé physiquement et psychiquement, d’avoir eu le bras cassé, la tête brisée et sa mère copieusement insultée comme une putaine avec « un gros cul » par ses tortionnaires dans l’enceinte du Secrétariat d’État à la Défense (SED) de Yaoundé.
On peut en déduire que le régime de Yaoundé croit en la mauvaise interprétation de Machiavel selon laquelle les êtres humains sont fourbes par nature. C’est ce genre de mentalité qui considère les défenseurs de la démocratie et des droits de l’Homme au Cameroun comme des optimistes naïfs et philanthropiques. L’opinion du régime Biya sur la nature humaine est étonnamment basse. Pour cette dictature et ce dictateur les gens sont fondamentalement intéressés et peu fiables. Pour Machiavel, plongé dans une realpolitik brutale et trompeuse de son âge, il était évident de savoir quel côté de la nature humaine dominait et, partant, comment un dirigeant devait gouverner. En fin de compte, si votre vision de la nature humaine est effrayante et impossible à faire aimer, vous êtes alors tenu par l’honnêteté de considérer qu’« il est beaucoup plus prudent d’être craint que d’être aimé ».
Vu sous cet angle, pour le régime de Yaoundé, ce qui importe c’est de faire en sorte que les Camerounais ordinaires deviennent des “bêtes sauvages » pour se préserver des sévices corporels voire de la mort, parce que le test de la mort ou de la survie est un moyen de gouverner le peuple. Comme l’a écrit Achille Mbembe dans «Necropolitics», à Yaoundé personne n’est en sécurité et il est considéré comme acceptable de poursuivre une mentalité de (sur)vie dans un univers impitoyable.
C’est pourquoi les tortionnaires de Mamadou Mota, les tontons Macoutes du régime de Yaoundé, sont encouragés à faire preuve d’aucune pitié. C’est une attitude destructrice, trop répandue de nos jours dans ce pays.
L’absence totale de miroir de soi
Dans ce type de société, comme en témoigne Mamadou Mota, il n’y a aucune possibilité de s’engager dans un processus «de regard positif sur soi». Le soi-disant miroir sur soi décrit davantage le processus par lequel les individus basent leur sens de soi sur la façon dont ils croient que les autres les voient. En utilisant les interactions sociales comme un type de «miroir», les gens utilisent en réalité les jugements qu’ils reçoivent ou perçoivent des autres pour mesurer et juger leur propre conscience, leurs agissements et comportements.
Par contre, l’auto-signal, c’est quand les gens sont capables de développer une connaissance privée de soi, qui est constamment brisée au Cameroun. C’est ainsi que Mamadou Mota est également torturé parce que ingénieur agronome de son état, originaire de surcroît du Nord (donc vu par ses tortionnaires comme un briseur d’une forme de hierarchie ethno-sociale), en plus critique féroce du régime de Biya. Il a ainsi une conscience morale et un sentiment personnel d’accomplissement social, que le régime n’accepte absolument pas. En effet, à Yaoundé les gens ordinaires ne peuvent être gouvernés que lorsqu’ils sont rendus dociles par le régime; il n’y a donc aucune possibilité de communication habermassiennes sincères.
Le régime ne croit pas aux incitations positives et considère que les sanctions concourent à donner des leçons pour répandre une certaine idée de bien social et puis rétablir sa conception de l’ordre moral.
Une citoyenneté productive
Les personnes qui interprètent mal le prince doivent lire le trvail de Machiavel sur le discours et comment il croit que l’idéal républicain et la morale en politique sont le seul moyen productif de gouverner.
Un citoyen productif doit faire preuve de courage moral et être prêt à tout pour préserver la notion de vertu dans la société. Dans les Discours on Livy, par exemple, Machiavel affirme non seulement que les «gouvernements du peuple» sont supérieurs à ceux des princes, mais écrit également que ‘ « aucun prince ne profite jamais de se faire haïr ». En effet, Machiavel écrivait à une époque où les outils nécessaires pour acquérir le pouvoir n’étaient pas les mêmes que ceux nécessaires pour gouverner. Machiavel reconnaît que les principes moraux et les bonnes émotions sont des éléments nécessaires à une politique productive.
En dépit de toutes les souffrances, le témoignage de Mamadou Mota est également un témoignage de courage moral face à l’adversité, de passion pour faire avancer les choses et de refus forcené de s’arrêter puis de se faire domestiquer par la peur ou la menace de la violence voire de la mort. À la base, une philosophie d’action qui renverse la politique par la pure persévérance, et qui surtout renvoie le miroir aux agresseurs en leur révélant toute la vérité sur leurs abus.
De plus, avec une économie de plus en plus basée sur l’information instantanée, ce type de pouvoir basé sur la propriété privée et l’appropriation des corps est de plus en plus inefficace. Cela montre, ici, à quel point l’histoire est du côté de Mamadou Mota et comment les gens comme lui qui pourraient être considérés comme les perdant à un moment donné sont en réalité les grands gagnants à long terme.
Parce que l’arc de l’histoire peut être long, mais il se penche toujours vers la Justice, ce qui est une leçon de réalisme valable tout le temps, parce qu’elle est un idéal de pouvoir d’intelligibilité politique.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Mamadou Mota, Incentives and the Governable Subject in Yaoundé
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P
Mamadou Mota’s latest testimony in front of the Court on Tuesday August 13, 2019 is very informative of the regime of Yaoundé’s cruel mentality.
Mota complained about being physically and psychically tortured, having his hand broken, his head shattered and his mother insulted as a whore. Indeed, the regime of Yaoundé believed in the misreading of Machiavelli that human beings by nature are wicked. This is the kind of mentality that considers the supporters of democracy and human rights in Cameroon as naive, philanthropic optimist. The Biya’s regime’s opinion of human nature is eye-poppingly low. People are fundamentally self-interested and unreliable. For Machiavelli, immersed in brutal, deceitful realpolitik of his age, it was clear which side of human nature dominated and thus equally clear how a ruler needed to rule. Ultimately, if your view of human nature is fearsome and unlovable, you are bound by honesty to advise that « it’s much safer to be feared than loved ».
Hence, when it comes to the regime of Yaoundé, one can understand how ordinary Cameroonians are made to revert into the ‘beast within’ as a matter of self-preservation because the test of death or survival is a way to govern people. As Achille Mbembe wrote in “Necropolitics,” in Yaoundé nobody is safe and secure and it is seen as acceptable to pursue a dog eat dog mentality.
As the torturers of Mota, the regime’s tonton Macoutes are encouraged to show no mercy. It is a destructive attitude, all too prevalent these days in the country.
No Looking Glass self
In this kind of society, as Mota testifies, there are no possibility to engage in positive Looking–Glass Self. The looking–glass self describes the process wherein individuals base their sense of self on how they believe others view them. Using social interaction as a type of “mirror,” people use the judgments they receive from others to measure their own worth, values, and behavior. In this, self-signaling, when people are able to develop a private knowledge of the self in constantly broken. Thus, Mota is also being tortured for being an agricultural engineer and a critic of the Biya’s regime. He has an awareness and a personal sense of personal achievement that the regime does not accept. In Yaoundé, ordinary people can only be governable when they are made docile by the regime, therefore, no possibility of sincere habermasian possibilities of communication.
The regime does not believe in incentives and that punishments must only offer lessons for the social good.
Productive citizenship
People who misread the Prince must read Machiavelli’s work on Discourse and how he believes that in republican ideal and morals in politics as the only productive way of government. A productive citizenry must have to moral courage and be willing everything to preserve the notion of virtue in society. In the Discourses on Livy, for example, Machiavelli not only contends that “governments of the people” are superior to those of princes, but also asserts that “no prince ever benefits from making himself hated”. This is because, Machiavelli was writing at a time where the tools necessary to acquire power were not the same that are needed to rule. Machiavelli recognizes that moral principles and good emotions are necessary components for productive politics. Despite of all the suffering, Mota’s testimony is also one of moral courage confronting adversity and the passion to push through and the refusal to stop and being domesticated by fear or the threat of violence. At the core, a philosophy of action that subvert politics through sheer perseverance and turning the mirror towards the abusers to expose the truth of their abuses.
More, with an economy that is increasingly becoming information based, this kind of form of power based on private property and sense of ownership of people bodies is becoming more and more ineffective. It shows, here, how history is on the side of Mota and how people who might considered the loser at one point, can win in the long run because the arc of history might be long but it bents towards justice, which is a valuable lesson of political realism which idealize the power to act as a valuable tool of political intelligibility.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P