En réponse à la tragique catastrophe ferroviaire d’Eseka du 21 octobre 2016, où selon les autorités camerounaises, 79 personnes ont péri et des milliers ont été blessés, Marafa Hamidou Yaya a interpellé le réticent président camerounais à s’impliquer personnellement. Juste mettre une valeur financière sur les morts et payer les factures d’hôpital des blessés, avant de redécoller vers la Suisse pour des vacances répétitives et prolongées, n’est pas une option cette fois.
De même, cette intervention énergique de Marafa n’est pas la première. En 2011, il avait déjà averti le Président, qui était alors limité à deux mandats de (07) sept ans par la constitution, de ne pas se représenter comme président à vie. Cet avis a été considéré comme un crime de lèse-majesté par le chef de l’État et Marafa est maintenant confiné dans une cellule carcérale.
Le Président a choisi de faire valoir ses privilèges monarchiques contre les avis courageux de Marafa, qui était pourtant présenté comme un cacique du régime.
Ce devoir de préserver les droits constitutionnels des Camerounais ordinaires a été remercié par la privation de ses droits civils et politiques. Le régime de Yaoundé a pris la triste habitude d’incarcérer tous les Camerounais qu’il estime être des menaces en son sein. En effet, toute critique du statu quo dictatorial en place est considéré déloyale et dangereuse par le régime de Yaoundé. Dès lors les personnalités considérées comme concurrents politiques sont aussitôt emprisonnées après des jugements expéditifs prononcés par une justice aux ordres pour donner l’apparence de rester dans les limites de la légalité. Nous avons appelé cette supercherie «despotisme légal ». Il s’agit bel et bien de despotisme légal parce que les accusés n’ont aucune chance d’avoir raison devant la Cour, y compris des membres de haut rang du régime tel que Marafa. La conséquence visible de ce despotisme légal est de terrifier n’importe quel autre camerounais ordinaire afin d’évacuer ce qui est perçu comme du radicalisme politique de la sphère publique et privée.
Mettant en sourdine la paralysie de son propre sort carcéral, Marafa comprend que les Camerounais ordinaires méritent beaucoup plus que des mascarades de justice.
Ils méritent beaucoup plus que le sacrifice perpétuel. En effet, la présidence monarchique au Cameroun tire sa puissance de ce que le philosophe italien Giorgio Agamben définit comme vitae necisque potestas, le droit absolu du père sur la vie et la mort de son fils. Le président comme Pater– le père –les Domus-– le dominateur a le pouvoir de tuer ce qu’il a mis monde. Comme les Camerounais sont des «créature de Paul Biya» selon son ministre Jacques Famé Ndongo, ce pouvoir de vie et de mort donne naissance au concept d’Homo Sacer. Homo Sacer ne veut pas dire vie sacrée – mais c’est tout simplement la prérogative singulière du chef de l’État de donner la mort et à ce titre, le sacrifice devient la langue de la loi. Le président avait reconnu ce pouvoir de vie et de mort lors d’une de ses rares et célèbres interviews accordé en 1984 à l’ancien présentateur du journal télévisé de la télévision nationale M. Éric Chinje .
Ce despotisme légal est rappelé maintes et maintes fois aux Camerounais ordinaires, comme à l’occasion de cette catastrophe d’Eséka où il leur est à nouveau inculqué qu’ils ne seront jamais traités comme des citoyens dans un régime juridique qui exige le sacrifice. Après avoir fait partie de ce régime, Marafa Hamidou Yaya a surtout le mérite et l’intelligence de comprendre que, dans l’ensemble, les vices de certains dirigeants peuvent être excusés pour leurs brillantes vertus et performances. Par contre maintenir des hommes de petites vertus indéfiniment au pouvoir est une catastrophe pire qu’Eseka.
Par Olivier Tchouaffe PhD et Joël Didier Engo, Président du C2LP
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English version: Marafa Hamidou Yaya, Legal Despotism and catastrophes in Cameroon.
Responding to the tragic catastrophe of october 21, 2016, where according to the Cameroonian officials, 79 ordinary people lost their lives and thousands more were wounded at Eseka, Marafa Hamidou Yaya interpelled the reticent Cameroonian president and urged him to get involved personally. Just putting a financial value on the dead and paying the hospital bills of the wounded, before his clear pattern for taking off to Switzerland for extended vacation time, is not an option this time.
Similarly, Marafa’s energetic intervention is not the first one. Back in 2011, he warned the president, who was then limited to two seven years’ terms, not to change the constitution to make himself, basically, president for life. That advice was considered a crime of lese majesty by the head of state and Marafa is now confined to a prison cell.
The president chose to assert his monarchial privileges. Marafa’s courageous attempts to stand for ordinary Cameroonian’s rights was repaid with the privation of his own constitutional rights following the prince’s routine of incarcerating any ordinary Cameroonians he finds to be threats from within. In effects, any criticism of the status quo is taken as disloyal and dangerous by the regime of Yaoundé. Indeed, the Cameroonian government developed the unpleasant habit of continuously jailing ordinary Cameroonians it considered to be political competitors with trump-up charges to give the appearance of staying within the bounds of the legality, a process we called “Legal Despotism.” It is legal despotism because the accused do not stand a chance to win out in court, including high ranking member of the regime such as Marafa. The intended consequence of this legal despotism is to terrify any other ordinary Cameroonians into policing themselves and evacuate radical politics from the public and the private sphere.
Putting aside the impossibility of his own condition, Marafa understands that ordinary Cameroonians deserve much more that masquerades of justice. They deserve much more than perpetual sacrifice.
Indeed, the monarchial presidency in Cameroon derives its power from what Italian philosopher Giorgio Agamben defines as the absolute right of the father over the life and death of his sons. This is the power that makes the pater–the father–domus–head of the household, dominator. Here, life–vita, zoē–is only a correlate of the power to kill–nex. It is what the law presupposed in granting the father his right–there must be something for him to kill, namely, the life of his sons. And because the Romans thought there to be an “essential affinity” between this right and the power of imperium, exercised by the sovereign, man–as citizen, as bios politikos–was subject to sovereign decision regarding life and death, just as were the father’s sons. Here, man becomes homo sacer, sacred life–but this is simply life that can be killed and as such, sacrifice becomes the language of the law. Something the president himself recognized during a rare and famous interview with Eric Chinje in 1984.
As with this legal despotism, consequently, time and time again, ordinary Cameroonians, as with the Eseka’s catastrophe are reminded that they will never be treated equally in a legal regime that demands sacrifice. Marafa understands that, on balance, some leaders’vices can be excused for their brilliant virtues and political performances but maintaining power hungry men of little virtues in power is a catastrophe worse than Eseka.
By Olivier Tchouaffe PhD and Joel Didier Engo, President of the C2LP