Le journaliste marocain Soulaimane Raissouni a été condamné, vendredi soir, à 5 ans de prison ferme par le tribunal de Casablanca. Il était poursuivi dans une affaire d’attentat à la pudeur avec violence et séquestration, des accusations qu’il a toujours réfutées. Son comité de soutien dénonce un procès politique visant les propos du journaliste, critique vis-à-vis du régime. En signe de protestation, il a entamé une grève de la faim qui dure maintenant depuis 95 jours.
Avant le verdict vendredi soir, cela faisait déjà plus d’un an que le rédacteur en chef du quotidien Akhbar Al Youm était en prison. Arrêté le 22 mai 2020 suite à une plainte pour attentat à la pudeur et séquestration par un militant LGBT, Soulaimane Raissouni et ses soutiens n’ont eu de cesse de réclamer sa libération provisoire, sans succès.
Le journaliste est en grève de la faim depuis plus de trois mois pour protester contre ses conditions de détention. Ses avocats tirent régulièrement la sonnette d’alarme quant à son état de santé.
Consternation
Kdadija Riadhi, ex-présidente de l’Association marocaine des droits humains dénonce la condamnation du journaliste. La défenseure des droits humains se dit « consternée » par « un procès catastrophique », une parodie de justice, selon elle.
« Nous sommes consternés. Nous dénonçons ce jugement. C’est un jugement qui fait suite à un procès où tous les droits de Soulaimane ont été violés, dès le départ : la présomption d’innocence, le fait qu’il a été incarcéré illégalement, le fait qu’il n’a même pas été autorisé à assister à son procès, le fait que sa défense n’a pas été convoquée pour assister à l’audience où il a été jugé, le fait qu’il a été victime d’une campagne de dénigrement et d’insultes de la part du responsable des prisons au Maroc, le fait qu’il a fait une grève de la faim dans des conditions très difficiles où sa santé est en péril, où sa vie-même, maintenant, est menacée. »
« Donc, c’est un journaliste qui a été visé, ciblé par une répression méthodique, systémique, de la part des autorités marocaines parce que c’est un journaliste libre qui a toujours été – comme éditorialiste arabophone – le plus lu, le plus critique au Maroc. »
En sortant du tribunal, la femme de Soulaimane Raissouni, Hajar – elle aussi journaliste – a promis de continuer le combat judiciaire pour que « Soulaimane reste en vie ».
De nombreuses ONG, notamment Reporters sans Frontières, soutiennent Soulaimane Raissouni, arguant que les accusations portées contre lui n’étaient qu’un prétexte pour entraver sa plume, souvent critique à l’endroit du régime royaliste marocain. Sa condamnation est de mauvais augure pour les autres journalistes poursuivit actuellement au Maroc, notamment Omar Radi, lui aussi en grève de la faim.
(AFP)
La justice marocaine a condamné vendredi le journaliste Soulaimane Raissouni à cinq de prison pour “agression sexuelle”, en son absence car il est en grève de la faim depuis 93 jours.
Depuis mai 2020, M. Raissouni, 49 ans, est en détention préventive suite à une plainte d’un militant LGBT pour “agression sexuelle”, des faits qu’il conteste. Ses soutiens dénoncent un “procès politique”, tandis que le plaignant se défend d’être “instrumentalisé politiquement”.
Au Maroc comme à l’étranger, le cas du journaliste mobilise : des défenseurs des droits humains, des intellectuels, des responsables politiques avaient réclamé sa libération provisoire, en vain.
Face aux critiques, les autorités marocaines, elles, ont toujours mis en avant l’indépendance de la justice et la conformité des procédures.
Vendredi après midi, le juge a ordonné de faire venir le journaliste, absent de son procès depuis mi-juin, afin qu’il entende sa sentence, mais l’accusé a “refusé”, d’après un procès-verbal lu au cours de l’audience à la Cour d’appel de Casablanca.
A peine le verdict prononcé, quelques voix de protestation, parmi les soutiens du journaliste, ont rompu le silence pesant dans la salle et avant même la levée de l’audience, ses proches et avocats, dépités, l’ont quittée.
“C’est une boucherie judiciaire, comment peut-on condamner un accusé en son absence ? C’est du jamais vu ! Le verdict est à l’image de ce procès”, a déclaré à l’AFP Me Miloud Kandil, un des avocats de M. Raissouni, à la sortie de la salle d’audience.
La défense ne plaidait plus depuis mardi pour protester contre le refus du juge d’hospitaliser puis de faire venir l’accusé, qui n’a pas été auditionné par la cour.
Le journaliste s’est dit prêt à assister à son procès, à condition “d’être transporté en ambulance et d’avoir un fauteuil roulant”. Son absence a été considérée comme un “refus” par la cour qui a décidé de poursuivre sans lui.
– Santé “critique” –
Durant l’ultime audience, le parquet a requis la peine maximale pour l’accusé estimant que ses déclarations étaient “contradictoires” tandis que celles du plaignant étaient “concordantes et cohérentes”.
Le plaignant, lui, a réaffirmé durant son audition jeudi devant le juge “sa version des faits telle que racontée à la police et au juge d’instruction”, niant que cette affaire soit “instrumentalisée politiquement”, a indiqué à l’AFP son avocat Me Omar Alouane.
La santé “critique” de l’éditorialiste inquiète ses soutiens et ses proches, surtout depuis que M. Raissouni n’a pas renoncé à sa grève de la faim, entamée depuis le 8 avril contre une “grande injustice ressentie”.
L’administration pénitentiaire (DGAPR) avait affirmé mardi que le journaliste usait de sa “prétendue grève de la faim” pour “pousser le tribunal compétent à le remettre en liberté”.
La dernière fois qu’il est apparu à la cour, le 10 juin, il marchait en titubant, son corps amaigri et la peau sur les os.
La peine de M. Raissouni a été assortie d’un dédommagement au plaignant de 100.000 dirhams (environ 9.500 euros).
Ce procès s’est ouvert en février, alors que le journaliste avait été placé en détention préventive en mai 2020. Il a été arrêté suite à la publication par le plaignant d’un post sur Facebook accusant le journaliste de l’avoir “agressé sexuellement”.
– “Apaisement” –
Après son arrestation, une pétition de soutien signée par une centaine de défenseurs des droits humains, des politiques et intellectuels avait dénoncé le “ciblage des journalistes et des défenseurs des droits humains critiques à l’égard des autorités, avec les mêmes méthodes basées sur des accusations sexuelles”.
Plus récemment, des partis politiques avaient appelé à la libération de journalistes et à “créer un climat général positif basé sur un apaisement politique et la protection des droits humains”.
Le rédacteur en chef du journal Akhbar Al Yaoum – en banqueroute depuis mars pour des raisons financières- signait régulièrement des éditoriaux critiques.
Sa nièce Hajar Raissouni, reporter au même journal, avait écopé d’un an de prison pour “avortement illégal” et “relations sexuelles hors mariage” en 2019 avant d’être gracié par le roi Mohammed VI.
Le fondateur du quotidien arabophone Taoufik Bouachrine avait lui été condamné à 12 ans de prison en 2018, une peine alourdie à 15 ans en appel, pour des violences sexuelles qu’il a toujours niées.
© 2021 AFP