Michel Biem Tong, Directeur du média en ligne Hurinews, est poursuivi pour « apologie de terrorisme, déclarations mensongères, outrage au chef de l’État » par le Tribunal militaire de Yaoundé. Jugé sur la base de la Loi n°2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme, il risque une condamnation à mort. Son vrai crime : être une voix indépendante et critique au sein des médias camerounais.
Michel Biem Tong a été arbitrairement arrêté, le 23 octobre 2018, au ministère de la Défense, à Yaoundé. Il était venu discuter avec le Colonel Joël Émile Bamkoui, Directeur de la Sécurité Militaire, d’allégations de soutien aux mouvements séparatistes anglophones portées contre lui. Le journaliste a été détenu au secret pendant près de trois semaines – au Service Central de Recherches Judiciaires (SCRJ) du Secrétariat d’État à la Défense (SED) à Yaoundé – avant de pouvoir enfin recevoir la visite d’avocats et de journalistes le 14 novembre. Michel Biem Tong n’aurait pas fait l’objet de violences en détention. Le 15 novembre, il a été placé sous mandat de détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé. Il doit être présenté devant un juge militaire le 5 décembre prochain.
Avant son arrestation, Michel Biem Tong communiquait régulièrement sur la crise anglophone et sur les violations des droits humains commises dans le contexte de cette crise, notamment par des articles en ligne et via des vidéos sur YouTube. Ces dernières semaines plusieurs autres journalistes et défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, intimidés ou enlevés au Cameroun pour avoir émis des critiques à l’endroit des autorités quant à la gestion de la crise anglophone.
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CONTEXTE
Durant le mois d’octobre 2016, dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest, des avocats, des enseignants et des étudiants ont protesté contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif. De la même façon qu’en février 2008, le régime de Paul Biya a interprété ces marches pacifiques comme une atteinte à la sécurité de l’État et les a réprimées. Mais à l’inverse de février 2008, la répression n’a pas découragé les marches et les journées « villes mortes » qui ont été de plus en plus suivies par les citoyens anglophones.
Pour éviter que ce mouvement ne contamine d’autres Camerounais ailleurs dans le pays – eux aussi victimes de l’abandon des besoins primaires des populations par l’État – le régime de Paul Biya a accentué sa répression (usage de la force létale et des mauvais traitements dans la gestion des manifestations), coupé Internet pendant trois mois, et emprisonné les leaders modérés, laissant davantage de place aux indépendantistes anglophones plus violents.
Une partie de la population anglophone s’est alors radicalisée au contact de ces leaders prônant la lutte armée. Les assassinats de membres des forces de l’ordre et les attaques des symboles de l’État (bâtiments administratifs, écoles, etc.) ont entraîné un cycle de violences de plus en plus redoutables et incontrôlables. Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans les régions anglophones s’est transformée en conflit interne de basse intensité et la peur règne.
Comme en février 2008, la communauté internationale a été témoin et complice, par son silence, de la répression des marches pacifiques dans les régions anglophones durant plus d’une année. Maintenant que cette partie du territoire est en proie à un conflit de basse intensité, la communauté internationale se réveille timidement. Le Haut-commissariat aux droits de l’homme a exprimé publiquement en juillet 2018 sa « profonde inquiétude » et déclaré qu’il était « regrettable que le gouvernement camerounais n’ait pas donné au bureau des Nations unies pour les droits de l’homme, l’accès aux régions du nord-ouest et du sud-ouest en dépit des demandes répétées ».
Les partenaires occidentaux du Cameroun tentent de résoudre ce conflit sans que le dossier soit discuté dans les instances internationales. Ainsi, les volets « droits de l’homme » et « lutte contre l’impunité » sont minimisés et laissés de côté, laissant penser au régime en place qu’il a les mains libres pour continuer ses exactions et dérives liberticides.
Depuis la réélection de Paul Biya (au pouvoir depuis 1982) à la Présidence de la République, le 7 octobre 2018, plusieurs journalistes et défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, intimidés ou enlevés pour avoir parlé de la crise anglophone dans les médias et sur les Réseaux sociaux ou pour avoir enquêté sur les violations des droits humains commises dans ce contexte.