Pour Michel Biem Tong, promoteur de www.hurinews.com, un site internet spécialisé sur l’état de santé des droits de l’Homme au Cameroun et à l’extérieur, le rapport 2014 sur la situation des droits de l’Homme au Cameroun, publié par le département d’Etat américain (équivalent du ministère des Relations extérieures au Cameroun), très peu de points positifs sont mis au compte du pays que dirige Paul Biya depuis 1982. Lisez plutôt
Quelle lecture faites-vous du dernier rapport sur les Droits de l’Homme au Cameroun publié récemment par les États unis d’Amérique?
C’est un rapport qui est assez objectif sur la situation des droits de l’homme au Cameroun, c’est un rapport qui aborde les réalités quotidiennes, celles dont tous les Camerounais sont témoins chaque jour. Lorsque le département d’Etat américain verse tous ces faits dans son rapport, c’est sur la base de ce que nous, journalistes et citoyens camerounais, nous écrivons et décrions au quotidien, c’est sur la base de ce que des Ong camerounaises de défense des droits de l’homme consignent dans leur rapport à elles, n’oublions pas que les USA ont une ambassade ici à Yaoundé ou des revues de presse quotidienne sont faites. Donc, ce qui ressort de ce rapport est ce que nous vivons et apprenons chaque jour, à la seule différence que celà vienne des Etats-Unis.
Ce rapport est-il un fidèle miroir de la réalité des droits de l’Homme au Cameroun ?
Le Département d’Etat américain a un peu raison pour ce qui est de la tribalisation de l’administration, notamment les postes clés, nous savons tous que le Chef d’État Major des Armées, le patron de la police, celui des renseignements généraux et de la Drge sont tous ressortissant d’une même aire culturelle, ce qui n’est pas normal.Pareil pour les ambassadeurs camerounais dans des pays comme la Belgique, les USA, l’Italie, le Japon qui sont issus d’une même tribu.Pour le reste,notamment le gouvernement, les services centraux et déconcentrés, la direction des Impôts, etc. c’est l’affaire des autres tribus, le rapport aurait dû également en tenir compte pour éviter d’exagérer.
Pour les autres violations des droits de l’homme, notamment la détention arbitraire, c’est une lapalissade quand on sait que la prison centrale de Kondengui par exemple contient plus de prévenus qui attendent pendant des années d’être jugés, que de condamnés. Pour ce qui est de la liberté de presse,il est vrai que des confrères sont passés récemment en jugement au tribunal militaire de Yaoundé pour “non-dénonciation”. Le rapport a, cette année encore,fait de Marafa Hamidou Yaya un prisonnier politique, là aussi c’est connu de tous même si officiellement, on refuse de l’admettre au Cameroun. Pourtant, aucun élément de preuves contre Marafa n’a été présenté par la justice camerounaise. Mais il continue de croupir à la gendarmerie nationale,dans un lieu qui n’a rien d’une prison digne de ce nom, surveillé non pas par des gardiens de prison mais par une unité spéciale de la gendarmerie chargée de lutter contre le terrorisme.Le pouvoir camerounais,en affectant une telle ceinture de sécurité autour de Marafa, donne lui-même la preuve qu’il n’est pas un prisonnier de droit commun. Toutes les brimades que les avocats de l’ancien ministre Marafa ont subi récemment alors qu’il était hospitalisé à Yaoundé conforte davantage les observations du département d’État américain selon lesquelles Marafa est un prisonnier politique.
Je souhaiterais que ce rapport, dans les années à venir, s’appesantisse sur les cas de Célestin Yandal, des anciens ministres Abah Abah, Olanguena Awono, Atangana Mebara, qui sont aussi des prisonniers politiques reconnus par le Comité de libération des prisonniers politiques, une Ong française, où alors des cas comme l’ancien ministre des Travaux publics , Dieudonné Ambassa Zang qui est réfugié politique en France. Ces derniers,comme Marafa, sont victimes de croc-en-jambes judiciaires sur fond de règlements de compte politique. Le rapport parle de corruption qui reste un réalité dans les administrations (fisc, police,gendarmerie, universités,grandes écoles) malgré toutes les initiatives prises par le gouvernement,malgré l’opération dite Épervier qui en fait n’écrase que des boucs émissaires et les mal aimés du système Biya parfois sur la base de rien du tout. Le rapport fait observer que l’environnement est hostile aux minorités sexuelles. Même si je suis contre l’homosexualité (je n’en suis pas et n’en serai jamais un), ceux qui ont choisi de verser dans cette pratique l’ont choisi parce qu’ils s’y sentent à l’aise et c’est un choix que je respecte même si en tant que chrétien et africain,je ne le partage pas du tout. Cependant, il est anormal que des personnes soit menacées ou violentées pour leur orientation sexuelle ou pour avoir défendu la cause des homosexuelles, le sexe c’est quelque chose de privé, chacun est libre d’en disposer comme il veut.C’est vrai que la loi camerounaise interdit cette pratique, mais “homosexuel”n’est pas barré sur un visage. Les pays occidentaux ne doivent pas non plus donner l’impression de vouloir imposer cette pratique aux africains, c’est une question de choix et de droit.
D’après vous la publication de ces rapports peut-elle avoir un impact sur l’état des Droits de l’Homme au Cameroun ?
Je ne penses pas que ça puisse changer quoi que ce soit sur l’état des droits de l’homme. Le pouvoir camerounais a la réputation d’être sourd à tout ce qui touche à la condition humaine, à tout ce qui n’a rien à voir avec le pouvoir à vie. Lorsque vous lisez le rapport de 2014, vous avez le sentiment, à peu de choses près, que les USA reviennent sur les mêmes choses depuis des années mais rien ne changent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle hurinews.com, le journal en ligne dont je suis promoteur, n’a pas jugé utile de revenir la-dessus. Ce qui est étonnant est que les thuriféraires du régime camerounais parleront bientôt sous cape ou au cours d’une conférence de presse de velléités de déstabilisation du Cameroun,au lieu de se battre pour que la situation s’améliore. Pourtant, c’est une situation que le régime de Paul Biya ne peut pas ignorer, tout comme il ne peut pas ignorer que lorsque vous posez un acte, ça vous rattrape tôt ou tard. Ce n’est pas pour autant que les USA ne doivent plus produire ce type de rapport parce que comme on dit souvent, la répétition est la mère des sciences et il est bon d’alerter ainsi et à chaque fois les autorités camerounaises,qui sait? peut-être qu’elles finiront par se bouger.
Selon vous, quel est l’objectif de la production et de la publication par le pays de l’oncle Sam de ce rapport sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun ?
Il ne faudrait pas que l’on pense qu’il y a un acharnement sur le Cameroun puisque le département d’Etat américain produit un rapport similaire concernant les autres pays. Je penses que vous êtes au courant de ce qui s’est passé en Chine. Epinglée dans un rapport par les USA, la Chine a répliquée en produisant un rapport sur les USA. Cette démarche des USA a même créé un incident diplomatique dans un autre pays, je crois en Afrique du Nord. Donc ce rapport est important pour les États-Unis parce que qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il s’agit d’une puissance, pour ne pas dire, une super-puissance mondiale sur le plan politique, économique, technologique,scientifique, militaire, etc. Un rapport comme celui-là sert de boussole à leurs hommes d’affaire afin que ces derniers, lorsqu’ils sortent des États-Unis pour aller investir ailleurs sachent exactement où il mettent les pieds. C’est vrai qu’au Cameroun, certains esprits mal pensant pourraient croire que les USA voudrait passer par ce rapport pour rassembler des arguments qui leur serviront contre le régime de
Biya demain, mais je penses que l’objectif de ce rapport est de rappeler aux autorités camerounaises ce qui est essentiel et élémentaires pour elles , à savoir assurer l’épanouissement politique, social,économique et culturel du peuple camerounais. C’est la coopération entre le Cameroun et les USA qui en sort grandie, dans l’intérêt bien compris des deux pays et des deux peuples