Nigeria-Cameroun: Sur l’extradition controversée des dirigeants sécessionnistes
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
L’extradition du «gouvernement d’Ambazonien» qualifié de «terroristes» par le porte parole du régime de Yaoundé, sans aucun commencement de preuves pour étayer ces étiquettes, soulève des questions préoccupantes, notamment quant au fait de savoir si le gouvernement nigérian a suffisamment évalué, mesuré, et réfléchi sur le coût caché de cette transaction (aux allures politiques).
Premièrement, le gouvernement du Cameroun est incontestablement une autocratie. Donc pas de séparation réelle des pouvoirs (malgré le bel affichage constitutionnel), et l’idée que les dirigeants anglophones ne seront pas torturés ou bénéficieront d’un procès équitable de la part d’un gouvernement aussi répressif devient un pur fantasme. Les prisons du Cameroun sont pleines de gens qui n’ont pas bénéficié du moindre procès équitable. Dans ce pays, vous avez un gouvernement qui triche rituellement aux élections et une population pacifiée uniquement par la crainte de représailles. Aucun État ne peut résister à cette pression totalitaire permanente, même pas une grande démocratie comme les États-Unis d’Amérique, malgré que cette dernière soit elle aussi fragilisée ces derniers mois.
Deuxièmement, comme avec cette extradition, le gouvernement nigérian endosse de facto une solution militaire et une rhétorique belliqueuse sur un problème politique, apportant ainsi une légitimité à la stature de chef de guerre recherchée par Paul Biya. Cette envergure projetée à renfort de propagande quotidienne lui permet de mobiliser ses sympathisants ethno fascistes, endoctrinés et aveuglés aux atrocités commises en zone anglophone en leur nom, autour de la notion de la raison d’état (qui justifierait ici toutes les exactions au nom de l’État), de la sécurité nationale, et du nationalisme (accolé systématiquement au patriotisme). Pire encore, cela offre à son gouvernement le droit d’écraser toutes les formes de dissidences, avec pratiquement toute critique des responsables gouvernementaux ou de la politique autocratique du régime aussitôt prise comme une «menace à la sécurité nationale», de la «propagande terroriste», de l’«outrage», ou autre crime similaire. Par conséquent, les autorités autocratiques essayent en permanence de faire des exemples, et à partir d’arrestations à l’étranger puis des extraditions rocambolesques au Cameroun comme celles de ces sécessionnistes anglophones, effrayer, décourager, et affaiblir toute autre personne encline à poursuivre l’activisme en faveur des droits humains.
Troisièmement, le danger est que cette situation instable échappe précisément à tout contrôle désormais, à cause d’un régime qui ne fait jamais face à ses propres contradictions. En effet, ces arrestations ne constituent ni une «victoire» ni la fin des turbulences politiques au Cameroun. Au contraire, c’est la reconnaissance que le régime de Yaoundé refuse obstinément d’ouvrir le dialogue nécessaire sur la crise anglophone, celui-là même que toutes les organisations des droits humains, notamment le CL2P, ont recommandé.
Le régime de Yaoundé a délibérément choisi la manière «forte», comme un aveu d’illégitimité, pour sa survie. Cette décision unilatérale prouve à suffisance que le régime ne veut pas essayer de convaincre qui que ce soit. Et c’est parce ce pouvoir sait pertinemment qu’aucune personne dotée de raison ne peut accepter ce qu’il projette c’est-à-dire l’impasse guerrière sous couvert d’une escalade répressive, qu’il ne veut simplement rien offrir, ou pire, n’a simplement rien d’autre à offrir.
Alors, il en est réduit à ramener de force des personnes qui ont quitté leur pays natal de plein gré. Car le Cameroun que nous connaissons tous n’était plus un et indivisible, mais une dictature implacable.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
[spacer style="1"]
English version
Nigeria-Cameroon: On the extradition of the Secessionist leaders
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
The extradition of the “Ambazonian’s government” or “terrorists,” with no shreds of evidences to substantiate these labels, raises frightening questions as to whether or not the Nigerian’s government has thought hard enough on the major hidden cost of that transaction.
First, the government of Cameroon is an autocracy, therefore, no division of power and the idea that the Anglophone leadership won’t be tortured or will receive a fair trial at the hands of a draconian government is pure fantasy. The prisons of Cameroon are full of people who did not receive a fair trial. In Cameroon, you have a government who cheats in elections and a population vowed by fear of reprisal. No state can withstand that pressure- even the stalwart United States leader if democracy is buckling.
Second, as with this extradition, the Nigerian’s government de facto endorses a military solution and bellicose rhetoric to a political problem, therefore, bringing legitimacy to the stature of Paul Biya as a warlord. That stature allows him to mobilize his ethnofascist sympathizers around the issue of raison d’état and national security and high on nationalism, brainwashed and blind to the atrocities being committed in their name. More, the right to crush all forms of dissent under that label where almost any criticism of government officials or policy is quickly recharacterised as a “threat to national security”, “terrorist propaganda”, an “outrage” or similar. Therefore, the autocratic authorities are trying to make examples out of these secessionists to frighten, dishearten and disempower anyone else inclined to pursue human rights activism.
Third, the danger that this volatile situation spirals out of control because of a regime that never confronts its own contradictions. Indeed, these arrests do constitute neither “victory” nor the end of political turbulence in Cameroon. To the contrary, a recognition that the regime of Yaoundé refuses to open up a necessary dialogue all human rights organization including the CL2P have recommended.
The Yaoundé’s regime chose « force » it knows that it so illegitimate to convince the opposite camp on a table.
If we unilaterally decide that we do not want to try to convince anyone, it is because we know deep down in our souls that we would not have accepted the offer we make to them, or worse still, we have nothing to offer them.
Now we are going to bring back against their will people who have left the country on their own free will in a country that we all know is no longer one and indivisible.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P