Avant que le coronavirus ne vienne au-devant de l’actualité comme un problème majeur qui devrait mobiliser toutes les énergies, on a peine à croire au Cameroun que c’est de notre pays dont il s’agit. On nous parle de la nécessité d’une «union sacrée» pour vaincre la pandémie de la covid-19. Normal. Mais l’union sacrée ne doit pas, comme le dit si bien un écrivant dans une des éditions de Jeune Afrique, être « une camisole de force destinée à entraver les contre-pouvoirs dans des pays où la corruption est endémique ».
Qui ne se souvient des milliards de francs CFA engloutis pour une CAN (Coupe d’Afrique des Nations) pour laquelle le Président de la République s’était engagé en personne ! Qui ne se souvient des milliards de francs CFA détournés pour une autoroute Yaoundé-Douala dont les travaux qui sont bien loin de parvenir à termes durent depuis plus de dix ans ! Qui ne se souvient de ces milliers de morts enterrés dans le NOSO suite à une guerre civile qui aurait pu être évitée, des maisons, des hôpitaux brulés, des villages désertés, des citoyens cachés dans les forêts quand ils ne se sont pas exilés en territoires voisins, la scolarité des élèves et étudiants interrompue depuis au moins trois ans! Qui ne se souvient de cet ordre de virement d’une somme d’un milliard cinq cent millions de francs à l’Ambassade du Cameroun à Paris en paiement des boissons de la Présidence de la République pour les festivités du 20 mai !
Le Cameroun est en situation d’urgence grave, jamais vécue dans son histoire. Cette situation appelle des solutions d’urgence, car Il y va de la vie ou de la mort des Citoyens. Mais face à l’événement, avant de fustiger le comportement des uns ou des autres, il faut encore savoir qui se trouve à la tête des opérations de survie. Une question qui ne se serait pas posée en temps normal car c’est naturellement le Président de la République, Chef de l’État, Chef des forces armées. Mais de nos jours, c’est là le hic. En effet, on observe une absence inqualifiable de ce Chef, Commandant du navire, qui lui-même a qualifié la situation de «situation d’état de guerre sanitaire». En plus simple, on dirait : « il répond aux abonnés absents».
Dans le cadre des armées, si ce n’est pas «un cas de désertion», de quoi s’agirait-il alors ! De la sorcellerie ?… Je m’interroge. Au lieu de faire face à la situation avec les solutions idoines qui s’imposent, on nous invite à un débat qui verse dans le juridisme, dans la légitimité. Nous sommes en politique, utilisons des armes politiques, arguments contre arguments ! Autrement, c’est tout simplement de l’irresponsabilité. De l’irresponsabilité parce que le gouvernement, mal dans sa peau, n’arrive pas lui-même à se faire à l’idée qu’il avait la confiance de la majorité écrasante que le Conseil Constitutionnel lui a reconnue par son verdict à la sortie des urnes. On dirait qu’il veut se convaincre que l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 est terminée et qu’il faut aller de l’avant. Le bateau 237 Cameroun vogue en perdition. A vue, sans son Commandant à bord, il tangue dans les turbulences de l’Océan Atlantique. Et ce Commandant n’est autre que le Président de la République, Chef de l’État, en l’occurrence, Monsieur Paul BIYA.
Monsieur BIYA préfère que l’on se prosterne à ses pieds. Ça lui donne un semblant de réconfort. De vue et même de nom, il ne connaît pas beaucoup des Ministres qu’il nomme et qu’il n’a jamais rencontré pour la plupart du temps. Il aime voir l’autre souffrir. Ça lui permet de relativiser son propre sort. Tel est l’homme du 06 novembre que son illustre Prédécesseur nous a légué. Il est attendu partout. Il n’y va pas souvent. Je ne suis pas sûr qu’en 38 ans de règne, il ait visité les 10 provinces que compte le pays. Le jour où il décide d’honorer de sa présence, sa nonchalance et son air de supériorité crèvent l’écran, tel le messie venu sauver son peuple. Me voici alors à Douala. Ou sont-ils ces apprentis sorciers ? De petits partis… Toutes ces expressions sont de lui.
Cet homme d’État semble ignorer qu’en démocratie, la voix du plus modeste citoyen vaut la sienne. Il se prend pour Dieu. Il est Dieu. Oui, le dieu des Camerounais. Il n’empêche que son peuple a besoin de lui, de le voir, de l’écouter. Mais où est donc passé Monsieur Paul BIYA ? se demandent aussi bien ses compatriotes qui l’ont porté au pouvoir dans une majorité écrasante aux dires du Conseil Constitutionnel que ses partenaires et amis des pays étrangers, ainsi que des organisations internationales. Outre qu’il soit Chef de l’État, l’article 5 de la Constitution de 1996 investit le Président de la République d’un certain nombre de prérogatives, notamment celle de définir la politique de la Nation et l’article 9 lui reconnaît des pouvoirs spéciaux lorsque les circonstances l’exigent en cas de péril grave menaçant entre autres la vie, ce qui aujourd’hui est le cas de la crise sanitaire à laquelle le coronavirus expose le pays. C’est lui et lui tout seul qui peut prendre toutes mesures jugées nécessaires et il a le devoir d’en informer la Nation par voie de message C’est à ce niveau le plus élevé de l’État qu’aux USA, le Président TRUMP a dégagé deux mille milliards de dollars pour combattre la pandémie covid-19, que 800 milliards d’euros ont été dégagés par la Chancelière en Allemagne. Et pour apporter son appui dans cette guerre contre la pandémie covid-19, l’Union Européenne a de son côté dégagé un budget de 500 milliards d’euros.
Nul ne saurait ignorer que Le Cameroun est en situation d’urgence sanitaire grave. On parle déjà de plus de 1000 personnes jugées positives, c’est dire que la situation appelle des solutions d’urgence, car il y va de la vie ou de la mort des Citoyens. Pour nous, la raison se trouve ailleurs. A la suite de l’élection présidentielle qu’il sait tronquée, Monsieur Paul BIYA n’a pas de solutions à proposer au peuple avec lequel il aurait signé pour son épanouissement un nouveau bail de 7 ans, et pour cause ! Tout au long de la campagne électorale, son programme n’a reposé que sur un poster géant placardé sur tous les coins et recoins du pays, après qu’il ne se soit adressé au corps électoral (ensemble du pays donc) qu’en 7 minutes en lieu d’une campagne électorale qui, aux termes de la loi, devait durer 15 jours, et cela, du haut d’une tribune richement dressée à MAROUA, naturellement aux frais du contribuable, dans une langue qu’on peut qualifier d’ésotérique pour le commun des mortels. C’est pourquoi, il nous ramène toujours comme une rengaine à la crise post-électorale que son principal challenger, Maurice KAMTO, lui a servie sur un plateau comme une bouée de sauvetage, obsédé qu’il est par l’idée de la reconnaissance de sa légitimité.
Cette rengaine ne saurait constituer un programme de gouvernance du pays. Elle l’amène à jouer le mort, le disparu, l’absent. Une stratégie qu’il a déjà utilisée afin d’apprécier, revenant à la vie, son baromètre de popularité. Mais cette arme est aujourd’hui passée de mode. Personne ne souhaite mourir, et face à la mort, sauve qui peut. C’est de cela qu’il s’agit. Pour ses affidés intellos qui se livrent à la sémiologie pour expliquer que l’inexplicable disparition ou l’invisibilité du Chef des armées, à leurs yeux, est juridiquement fondée, ils font à dessein un amalgame qui rend encore plus inintelligibles les problèmes auxquels le Pays se trouve confronté. Aucun texte de loi de la République n’interdit aux citoyens de s’organiser pour faire face à une mort certaine qui les guette. Ils ont le droit d’œuvrer pour leur survie. Aucune loi ne saurait les en empêcher. Ne voyant rien de sérieux venir du sommet de l’État alors que partout dans le monde les nouvelles ne sont pas bonnes quant aux dégâts causés par la nouvelle pandémie, devant le silence de celui qui a en fait la charge du pays, le patriarche Paul BIYA, que certains positionnent dans le monde des morts tandis que d’autres le jugent gravement malade, et face aux moyens à ses yeux faibles annoncés par le gouvernement, dans un élan citoyen et patriotique, le Professeur Maurice KAMTO s’est jeté à l’eau pour apporter sa contribution dans la gestion de cette pandémie Covid-19. Et quel être humain conscient et responsable, face à la faiblesse des moyens annoncés par le gouvernement pour lutter contre la mort, n’aurait d’instinct pas fait appel à la générosité publique et à toutes les bonnes volontés pour venir en aide aux compatriotes en détresse pendant cette période de pandémie, l’OMS (l’organisation mondiale de santé) ayant reconnu la covid-19 comme une menace, un péril pour l’Afrique? La pandémie place le pays dans une situation de risque avéré de mort, devant laquelle ne saurait résister aucune loi humaine. Il s’agit en droit d’un « état de nécessité». Le bon sens populaire et l’instinct de survie diront : nécessité fait loi. De la sorte, jeter l’interdit à toute action en sauvegarde de la vie pour inobservation de la loi avec son lot de formalisme s’apparenterait au délit de non-assistance à personne en danger.
C’est pourquoi nous disons qu’en situation d’état de nécessité, toutes les mesures, même en violation de la loi, que viendrait à prendre un citoyen pour échapper à la mort, seraient jugées autorisées de facto et de jure par le droit. Ce qui explique pourquoi nous sommes en parfait accord avec le Professeur Maurice KAMTO, et que nous disons que dans ce contexte, lancer un appel à la générosité publique pour lutter contre ce danger de mort, n’entre pas dans le cadre juridique de la réglementation classique sur les autorisations des appels à la générosité publique. Le brin d’humanité qui reste chez certains membres influents du régime amène ceux-ci à refuser de suivre le Ministre de l’administration territoriale dans son« one man show » avec un acharnement irresponsable contre le Professeur Maurice KAMTO, à croire qu’il a des problèmes particuliers avec celui-ci. Si je me garde de citer les noms de ces membres du gouvernent, ils ne se reconnaîtront pas moins eux-mêmes, en leur âme et conscience.
« On n’arrive pas dans une banque comme ça, on ferme un compte et le client prend ses millions et part avec », dira l’un d’eux et d’ajouter : « il n’avait aucune compétence sur les banques» Il reste aussi vrai comme le fait remarquer si bien un autre « Nous avons mieux à faire que suivre les traces des millions collectés … sous forme de dons pour aider les Camerounais au Cameroun » « Il serait irresponsable de perdre le temps dans une querelle qui en bout de ligne ne donnera aucun gains ni plus-value au combat mené présentement contre le Covid-19 au Cameroun: «Tout ce qui peut arriver, c’est que le montant soit retourné aux contribuables… » « Il serait plutôt urgent de trouver comment mettre les énergies ensemble pour la protection des vies et non perdre, dépenser de l’énergie pour mettre fin à des dons, qui pour le moment, ne créent aucun problème au niveau de nos finances même si cela semble déranger le ministre du MINATD». « Fermer ce compte créerait un précédent qui pourrait à la longue décourager, empêcher ou être critiqué lors des collectes à venir d’autre fonds sous forme de dons ». La démarche de l’illustre Professeur de droit, Président du MRC, n’a été dictée que par ce qui peut être qualifié à juste titre de « démission de facto scandaleuse du Président de la République et de l’État qu’il est censé diriger », ne pouvant accepter de voir ses compatriotes mourir sans assistance ni secours,
« Je nous ai invités à nous prendre en main, à nous mobiliser Pour engager la bataille contre le coronavirus »
Tel l’appel du 18 juin du Général de Gaulle, face à la reddition de Pétain, demandant de déposer les armes. Il s’agissait de la part du Général d’une rébellion que le peuple souverain en fin de compte a légitimée. Après tout, y’aurait-il dans la République une loi au-dessus de la volonté du peuple souverain ? A quoi le Président Maurice KAMTO répond fort opportunément que « Le peuple souverain étant la source de la loi ne peut être arrêté par la loi », Encore qu’il s’agisse de sa survie Le 31 mars 2020, un homme d’affaires sénégalais TAHIROU SARR a remis à son gouvernement un chèque d’un milliard de francs CFA en guise de contribution à la lutte contre le coronavirus. Coïncidence outrancière, c’est exactement le même montant que le même jour le président Paul BIYA a débloqué contre le coronavirus, soit plus d’un mois après le premier cas d’infection déclaré au Cameroun.
A croire que le président Biya souhaite qu’ayant fait sa part, que les camerounais cotisent eux-mêmes pour le surplus s’ils veulent survivre, sinon qu’ils crèvent et tant pis pour eux. Aujourd’hui le Cameroun est le 5ème pays touché par la pandémie sur le continent, le deuxième dans la sous région, et cela ne semble pas outre mesure inquiéter ceux des fils de ce pays, en nombre limité certes, attachés à la personne du Président Biya pour des raisons qui leur sont propres. Après tout, ils en ont le droit. Mais sont-ils des êtres de chair et de sang doués de raison ou tout simplement des mercenaires de cette armée dite la covid-19 ? Ailleurs, dans tous les pays sérieux, l’État a pris ses responsabilités, a débloqué des milliards de francs et est venu en aide matérielle et financière à la population.
Beaucoup de Chefs d’État se sont investis en personne, s’adressant à leur peuple pour lui apporter le réconfort moral dont il a besoin en pareille circonstance. Quant au Président Paul Biya, fidèle à ses habitudes, il est toujours resté muré dans le silence, loin des tribulations du peuple sevré de son président, trouvant dans ses laquais des porte-paroles pour justifier sans pudeur son mode de gouverner en silence. Il y en a même qui vous disent non sans arrogance qu’après tout le Président n’est-il pas le seul maître de l’horloge ? Si ce mode de gouvernement est accepté par discipline du parti par les membres du RDPC, parti majoritaire au pouvoir, il ne reste pas moins aujourd’hui que face au danger de mort, des voix s’élèvent, même du côté de ce parti, rejoignant la majorité silencieuse pour exiger l’intervention du Chef de l’Etat, Monsieur Paul BIYA, parce qu’il ne fait aucun doute qu’entre la parole d’un chef d’Etat et celle d’un Premier Ministre, fût-il Chef de Gouvernement, celle du Chef d’Etat porte sans commune mesure, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’opposer la parole d’un Ministre ou tout autre quidam délégué à celle du Chef de l’Etat.
Témoins : Mr. Saint Eloi BIdoung, Membre influent du RDPC « Voici le covid-19, au moment où tous les pays font des efforts de rapprochement entre gouvernants et gouvernés, au moment où tous les chefs d’Etat s’expriment sur la question, le nôtre est en confinement… Au moment où les Etats moins riches que le nôtre ou à niveau de développement égal mettent des centaines voire des milliers de milliards, notre président met 1 milliard. Quand les chefs d’Etat décident de manière souveraine des mesures d’accompagnement : eau, électricité, impôts distribution de nourriture et autres…Enéo traque au quartier, les communes tondent les rares contribuables qui sont encore ouverts, Camwater arrachent les compteurs, les prix des produits de première nécessité grimpent dans l’indifférence du ministre du commerce… » Monsieur Bedzigui : Président du PAL Parti proche du pouvoir Ceux qui sont dans l’entourage du chef de l’État devraient lui faire savoir qu’il est temps qu’il prenne la parole » Monsieur TEDROS ADHANON Directeur de l’OMS « Excellence, votre engagement personnel est nécessaire pour mobiliser les communautés et renforcer l’élan d’un mouvement sociétal contre la covid-19. Votre voix et votre présence par l’intermédiaire des principaux moyens de communication et d’orientation fondée sur des bases factuelles et une vision claire des mesures à apporter que vous pouvez donner en vous adressant régulièrement à la nation auront une valeur inestimable » Enfin, Excellence, votre rôle dans le renforcement de la solidarité entre les nations est indispensable au succès des interventions nationales et internationales.
Le virus lui ignore les frontières ou les différences politiques et les décisions prises dans un pays peuvent avoir des répercussions sur les efforts de riposte aux quatre coins du monde. La politisation de l’épidémie ou l’excès d’optimisme dans la riposte d’un pays peut constituer un obstacle insurmontable dans la lutte contre le virus tant au plan national qu’au plan mondial » Par un courrier du 23 mars, il demande au président Biya de sortir du confinement et de rompre le silence Pour ne citer que ceux-là Devant ce vide, sous d’autres cieux où parmi les obligations liées à la charge du Président de la République, il y a celle de rendre compte au peuple souverain, et de lui garantir une bonne santé, le peuple souverain aurait déjà réagi d’une manière ou d’une autre, et la nature ayant horreur du vide, comment reprocher au Président Maurice KAMTO de combler le vide et d’en appeler à la solidarité de tous ?
Le Président BIYA a offert aux yeux du monde qu’outre qu’il soit d’un âge avancé, ce qui a priori n’a rien de méprisant, s’agissant d’un passage obligé de tout homme qui ne saurait en soit constituer une tare, il donne des signes de maladie perçus par tout observateur de bonne foi constatés lors des festivités du 20 Mai qui m’avaient amené, dans un de mes articles, à suggérer au niveau parlementaire, et cela en raison d’un vide juridique, l’initiation d’une jurisprudence qui permettrait de soumettre à un examen médical un Président de la République, Chef de l’Etat en exercice propre à établir qu’il dispose toujours ou non de toutes ses facultés physiques, intellectuelles et mentales lui permettant d’assurer les lourdes tâches liées à ses hautes fonctions. Qui n’a pas vu, très affaibli, mais fermement accroché à son pupitre au prix d’un effort surhumain, Mr BIYA délivrer en 30 minutes chrono un message préenregistré, en direction du peuple camerounais mais surtout, de la communauté internationale qui l’y a fortement poussé. Qui n’a pas vu au soir du 20 mai dernier Monsieur Biya livrer aux yeux du monde, l’image d’un président, d’un vieil homme égaré, hagard, perdu, parlant seul ou plutôt se parlant à lui-même, guidé et aidé par son épouse pour comprendre ce qui se passait autour de lui et pour simplement lever les bras en signe de salut. Une épreuve difficilement surmontable pour un homme dans cet état de santé physique et mentale et de son âge. Un examen médical, à notre avis, s’impose.
Et un parlement responsable, au service de la Nation, devrait l’exiger sans état d’âme. Malheureusement, les pratiques du régime ont réalisé l’exploit de concentrer tous les pouvoirs d’Etat sur la seule tête du Président de la République, Chef de l’Exécutif, rendant impensable le contrôle parlementaire. Les absences autant que les silences d’un Chef d’Etat sont inquiétantes à plus d’un titre. Outre qu’elles ont une teinte de mépris à l’égard du peuple souverain et poussent à des commentaires tendancieux qui n’honorent pas l’institution, elles donnent à penser que ce haut dignitaire de la Nation n’a de compte à rendre à personne, que le pays lui appartient et qu’il peut en faire ce qu’il veut. Il n’en est rien, surtout dans le cas qui est le nôtre, où le pays étant une république démocratique, tout pouvoir vient du peuple souverain qui l’exerce par voie de représentation. C’est ainsi que le peuple souverain a donné mandat à celui qu’on nomme le Président de la République, Chef de l’Etat, entre autres de représenter l’Etat dans tous les actes de la vie publique, de définir la politique de la Nation, en cas de péril grave de prendre des mesures qu’il juge nécessaires et de lui en rendre compte.
Il n’est pas superflu de préciser que dans ces cas de crises graves, l’exercice de ce pouvoir ne peut l’être que par le Président de la République lui-même, en chair et en os, élu du peuple qu’il est, et non par délégation, ni par le Premier Ministre qui n’a de compte à rendre qu’au Président de la République, ni par toute autre personnalité qui en tout état de cause ne dépendra que de lui, sachant surtout qu’il tient son mandat directement du peuple souverain auquel il a l’obligation de rendre compte. Ailleurs, le peuple souverain aurait repris en main son destin par tous les moyens, jugeant qu’il a été trahi par celui à qui il avait confié sa gestion et qui l’a abandonné. Et au moment où il avait le plus besoin de lui par sa présence effective, il s’est rendu introuvable, il a disparu, une disparition qui s’apparente à la désertion. Comment, dans ces conditions, reprocher au Professeur Maurice KAMTO d’avoir initié la création de Survie Cameroon Survival Initiative qui n’est rien d’autre qu’un appel à l’aide humanitaire en situation de nécessité sanitaire. L’état de nécessitéa trait à des situations où les pouvoirs publics doivent momentanément s’affranchir de la légalité ordinaire. Il découle d’un principe général de droit « necessitas non habem legem », nécessité fait loi. C’est ce principe, qu’on peut dire relever du droit naturel, qui a poussé à justifier la résistance civile parce que le droit poussé à l’extrême peut consacrer l’injustice extrême. «Summum jus, summa juri » Il s’agit d’une Création prétorienne, qui a reconnu l’état de nécessité comme une cause autonome d’irresponsabilité pénale, la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt égal ou supérieur, n’a d’autres ressources que d’accomplir un acte défendu par la loi. En droit pénal « N’est pas pénalement responsable, la personne, qui, face à un danger actuel, imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien SAUF s’il y a disproportions entre les moyens employés et la gravité de la menace ». Mais il n’ya pas que le droit pénal, il y a aussi le droit humanitaire. L’agent dans l’état de nécessité est confronté à un conflit d’intérêts
L’acte accompli doit être nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien en péril. L’agent n’a d’autre solution que de commettre l’infraction pour éviter le danger. La commission de l’infraction doit être l’unique moyen d’éviter le dommage. En effet si d’autres solutions existent, alors l’acte n’est plus justifié Ainsi, si nous suivons le Ministre ATANGA Nji dans sa volonté de recourir à l’autorisation préalable délivrée par lui-même conformément à la loi régissant l’appel à la générosité du public, au cours des trente jours, durée légale minimum avant d’avoir cette éventuelle autorisation, beaucoup de camerounais seraient dans le monde des morts ou en passe de mourir. Abomination ! Le respect du droit aura de la sorte poussé à l’irréparable : la mort. Une mort tout simplement injuste Il va sans dire que la nécessité de la préservation de la vie Est au-dessus des lois et règlements. C’est pourquoi, s’il n’y avait pas d’arrière-pensée dans la démarche du Ministre de l’Administration territoriale, nous aurions osé croire que ce membre du gouvernement comprendrait sans explication que la loi sur la générosité publique de 1983 et son décret d’application de 1985 sont inapplicables en l’espèce, parce que, encore une fois, «nécessité fait loi ». Mais ce Monsieur que le Président Biya est allé chercher on ne sait où pour lui confier la charge d’un ministère de souveraineté, un ministère de souveraineté que les natifs de la sphère anglophone du pays, qui compte pourtant beaucoup d’hommes et de femmes de grande valeur, n’avaient pas jusque-là occupé, ne sait pas faire la différence entre imposer l’autorité de l’Etat et en faire fi pour privilégier un intérêt supérieur pour raison d’Etat. Il fonctionne selon son humeur qui très souvent cadre mal avec l’impérieux devoir du gouvernement d’assurer la paix sociale et le bien-être du peuple, et offre aisément et trop souvent un spectacle digne de la mafia qu’en privé, nombre de ses collègues du gouvernement disent mal supporter. A croire qu’à sa nomination à la tête de ce grand ministère, il aurait signé un pacte avec celui qui l’a nommé, le Président Biya, le soumettant à une obligation de résultat consistant à mettre Maurice KAMTO hors d’état de nuire, soit en dissolvant son parti, le MRC, (toutes manœuvres en ce sens se soldant plutôt par le ridicule des hommes liges du RDPC), et en le remettant en prison pour y purger une lourde peine, soit en l’arrachant à l’affection des siens, de ses partisans et du peuple qui le suit. Chargé de l’administration territoriale et, partant, des problèmes de sécurité, il n’a dans ce domaine pour arme que la brutalité.
Pour exemple, quelques jeunes d’un quartier de Douala sont dans la rue, pancartes à la main, pour simplement demander au Président Paul Biya, leur Président, de se montrer aux fins de les rassurer face à la pandémie que chacun redoute de voir s’étendre, au grand dam des populations. S’il fallait les en empêcher, sous le sempiternel prétexte de garantir l’ordre public, il suffisait de les dissuader et de les disperser (comme c’est malheureusement d’usage !), mais on les a plutôt jetés à New-Bell, faisant d’eux des victimes potentielles de la maladie tant redoutée. Cette même raison qui a poussé, (par souci humanitaire), à sortir les uns de prison, y jette les autres pour une peccadille. Maurice KAMTO a toujours cristallisé l’échec du RDPC, et, le sachant, Paul Atanga Nji semble se donner pour mission de passer en dérision tout ce qui mettrait en valeur cet illustre universitaire. Je n’en veux pour preuve que cet appel de Survie Cameroon dont le succès témoigne de la popularité de l’homme, une popularité que Paul Biya a depuis longtemps perdue.
Il commence d’abord par en appeler à l’inobservation de la loi sur l’appel à la générosité publique, puis par sommer la banque de clôturer le compte et de geler les fonds de l’organisation, pour enfin saisir l’ANIF du chef d’escroquerie et du blanchiment d’argent, non sans évoquer au passage la loi sur la création des associations. Un véritable acharnement. O la honte, quand tu nous tiens ! Ce ne serait pas présomptueux de dire qu’il a fallu que Maurice KAMTO, Président du MRC, en appelle à la solidarité du peuple pour sa survie pour que le gouvernement bouge, percevant enfin réellement la gravité de la situation. A César ce qui est à César. Fallait-il que l’on dise à un Ministre de la République, afin qu’il l’intègre dans son subconscient, que la nécessité de la préservation de la vie est au-dessus des lois et règlements, que la protection de la vie est si importante que, même en droit international, on en est arrivé à apporter des limites au sacro-saint principe de la souveraineté des États en remettant en cause le «principe de la non-ingérence»
Non, Maurice KAMTO n’est pas un ennemi de la Nation. Il vient encore d’apporter la preuve de sa disponibilité à la servir. Qui aujourd’hui oserait sérieusement soutenir que sa mise en demeure à l’adresse du Président de l’Assemblée Nationale de saisir le Conseil constitutionnel pour faire constater la vacance du Pouvoir n’a pas porté ! Non seulement elle a poussé le Pouvoir à la faute par une mise en scène précipitée qui, loin de l’honorer, est digne d’un film de fiction, pour l’organisation d’une rencontre au Palais d’Etoudi entre le Président Paul BIYA et l’Ambassadeur de France au Cameroun. Une rencontre qui a conduit ses hommes liges à pavoiser. D’aucuns diront qu’on croirait qu’ils ont gagné contre ceux qui donnaient leur gourou pour mort. C’était pourtant une bonne occasion pour tout patriote, mieux, pour tout le peuple, de se révolter, face à une rencontre toute d’humiliation pour lui, que lui servait comme un plat tourné, celui à qui il avait confié la gestion de son destin et qui l’a abandonné, trahi pour se mettre ostensiblement au service d’une puissance étrangère, faisant passer au second plan les intérêts vitaux de la Nation. Les militants du RDPC devraient en avoir honte, car les hommes passent mais le pays demeure. Comme une manœuvre politicienne, cette rencontre, qui s’est révélée un « fake news », n’était qu’une maladroite adresse à la Communauté internationale et l’établissement en preuve que le Président BIYA vit et se trouve bel et bien aux commandes, de manière à neutraliser la procédure initiée par le Professeur Maurice KAMTO sur la vacance du Pouvoir. Elle a aussi mis à nu le rôle trouble de la France dans nos problèmes. Qui ne dit rien, consent. Que le gouvernement français, officiellement, ne se prononce pas sur le fait, alors que des informations fusent du service chargé de la communication à son Ambassade au Cameroun, quoique celui-ci s’en défende, et même de la cellule du Quai d’Orsay chargé de l’Afrique qu’ils ne sont pas au courant de l’événement, pousse naturellement à accréditer la thèse fortement répandue que la France, en parrain du Président BIYA qu’elle a installé à la tête du Cameroun, s’emploie actuellement à organiser sa succession de gré à gré avec ses affidés, celui-ci s’étant révélé désormais incapable de continuer à assumer cette haute fonction. C’est du déjà-vu. La France l’a fait dans certaines de ses anciennes colonies. Au Cameroun, réussira-elle face à la détermination des Camerounais à reprendre en main leur destin?
Wait and see.
(²) Avocat au Barreau du Cameroun Ancien Bâtonnier de l’ordre