Le sénat américain a publié le 27 février 2020 sur son site officiel, une résolution appelant les autorités Camerounaises et les séparatistes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, au respect des droits de l’homme. Cette résolution, constitue une pression de plus sur Paul Biya car elle est assortie de sanctions.
27 février 2020 RAPPORT DE VUE INFORMATION SUR LES BILLETS
S. Res. 292 – Une résolution appelant le gouvernement du Cameroun et les groupes séparatistes armés à respecter les droits de l’homme de tous les citoyens camerounais, à mettre fin à toute violence et à poursuivre un dialogue inclusif pour résoudre le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
RAPPORT
RAPPORT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES AFRICAINES
Rés. 292
Le sénateur Cardin
CETTE RÉSOLUTION EST SOUTENUE
En 2016, le gouvernement du Cameroun a violemment réprimé les demandes des enseignants, des étudiants et des avocats des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun pour que le gouvernement entende leur voix et mette fin à la marginalisation et à la répression[1]. Les manifestations pacifiques se sont terminées dans le sang et, en 2017, ont dégénéré en un conflit armé à part entière[2].
Aujourd’hui, le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun a causé plus de 3 000 morts, 500 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays et 40 000 réfugiés au Nigeria, et a privé plus de 700 000 enfants d’école[3]. Le Conseil norvégien place le Cameroun en tête de sa liste des pays en crise les plus négligés[4].
Outre la crise humanitaire, les élections présidentielles de 2018, qui ont été “marquées par des irrégularités, notamment l’intimidation des électeurs et des représentants des candidats sur les lieux de vote, l’affichage tardif des lieux de vote et des listes de vote, le bourrage des urnes, les électeurs ayant des inscriptions multiples et les allégations de manipulation du scrutin”[5], ont souligné la nécessité d’une réforme systémique du processus électoral.
Suite aux résultats de l’élection présidentielle, le gouvernement du Cameroun a supprimé le droit de manifester et a arrêté toute personne qui l’a fait, y compris le principal chef de l’opposition, Maurice Kamto, qui s’est classé deuxième de l’élection selon les résultats officiels[6]. Plus d’un an après l’élection présidentielle, la situation politique est toujours instable, comme l’a reconnu le président Biya lui-même dans son traditionnel message du Nouvel An à la nation[7].
I. LE SÉNAT AMÉRICAIN DEVRAIT ADOPTER LA S. RES. 292 SUR LE CAMEROUN
Le Sénat américain devrait adopter la résolution 292 actuellement en instance au Sénat[8]. La résolution du Sénat épouse les mêmes principes que ceux adoptés par la Chambre des représentants des États-Unis et l’Union européenne, qui appellent tous deux à un dialogue inclusif pour résoudre le conflit armé dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun[9]. L’adoption de la résolution du Sénat est une étape importante pour souligner notre soutien à la paix, aux droits de l’homme et aux principes démocratiques dans la région et dans l’ensemble de la communauté internationale.
Le Cameroun est en pleine crise humanitaire et politique. La résolution 292 du Sénat, ainsi que la résolution de la Chambre et la résolution de l’Union européenne, peuvent ouvrir la voie à d’autres actions menées par les États-Unis, notamment l’utilisation des instruments de politique étrangère disponibles pour sanctionner le Cameroun pour les violations des droits de l’homme, l’appel aux Nations Unies pour qu’elles conduisent une commission d’enquête internationale sur le Cameroun et, avec le soutien de l’Union européenne et de l’Union africaine, l’appel au Cameroun pour qu’il réforme son processus électoral.
II. LES ÉTATS-UNIS. LE GOUVERNEMENT DEVRAIT UTILISER LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DISPONIBLES POUR SANCTIONNER LE CAMEROUN POUR LES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME
Le gouvernement américain, en collaboration avec le Congrès, peut utiliser des outils de politique étrangère pour sanctionner le gouvernement du Cameroun, les groupes armés non gouvernementaux et les auteurs de violations des droits de l’homme.
Le 31 octobre 2019, le président des États-Unis a notifié au Congrès son intention de mettre fin à la désignation du Cameroun comme bénéficiaire de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) en vertu de l’article 104 de la Loi en raison de “violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus”[10] et de préoccupations concernant “la persistance de violations flagrantes des droits de l’homme commises par le gouvernement camerounais à l’encontre de ses propres citoyens”[11].
Les États-Unis ont d’autres moyens de pression considérables qu’ils peuvent imposer aux nations et aux individus qui commettent des “violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus”.
Tout d’abord, le secrétaire d’État peut sanctionner les fonctionnaires étrangers responsables de corruption et de violations des droits de l’homme en vertu de la section 7031(c) de la loi de finances du Département d’État, des opérations étrangères et des programmes connexes de 2019. [13]
Sur la base d’informations crédibles concernant (a) “une implication dans une corruption importante, y compris la corruption liée à l’extraction de ressources naturelles”, ou (b) “une violation flagrante des droits de l’homme”, le secrétaire d’État peut refuser l’entrée aux États-Unis à des fonctionnaires étrangers et aux membres de leur famille immédiate[14]. La loi exige que le secrétaire d’État désigne publiquement ou en privé ces fonctionnaires étrangers et les membres de leur famille immédiate à qui l’entrée aux États-Unis a été refusée.
En vertu de la section 7031(c), le secrétaire d’État a publiquement désigné l’inspecteur général de la gendarmerie camerounaise comme inéligible à l’entrée aux États-Unis en raison de son implication dans une corruption importante liée au trafic d’animaux sauvages[15]. Le secrétaire d’État devrait procéder à la même désignation pour les fonctionnaires camerounais lorsqu’il existe des informations crédibles concernant l’implication dans la corruption et les violations des droits de l’homme dans le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et dans la lutte contre Boko Haram dans l’Extrême-Nord[16].
Ces dernières années, une série de crimes horribles ont été commis au Cameroun, mais le gouvernement n’a pas mené d’enquêtes crédibles, n’a pas mené de procès équitables et transparents et n’a pas traduit les auteurs en justice. Parmi ces crimes figurent les meurtres de Charles Wesco et de Florence Ayafor[17].
Bien que souvent confronté à des preuves évidentes d’implication militaire, le gouvernement du Cameroun n’a reconnu sa responsabilité dans des crimes tels que l’exécution extrajudiciaire de femmes et de leurs enfants[18] que sous le poids de la pression internationale.
Ainsi, le secrétaire d’État devrait désigner publiquement les hauts responsables militaires et gouvernementaux camerounais sur la base d’informations crédibles concernant des crimes contre des civils, des violations des droits de l’homme ou de la corruption, et les tenir pour responsables.
Deuxièmement, le Global Magnitsky Human Rights Accountability Act est un autre outil de politique étrangère dont dispose le gouvernement des États-Unis[19]. Le Global Magnitsky Act permet d’imposer des sanctions basées sur des “preuves crédibles” de violations des droits de l’homme ou de corruption.En ce qui concerne les violations des droits de l’homme, la loi exige des “violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus”, définies par référence à la loi sur l’aide à l’étranger de 1961[21]. Les violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus comprennent la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, la détention prolongée sans accusation ni procès, la disparition forcée de personnes ou le déni flagrant du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité[22].
La loi Global Magnitsky autorise le gouvernement américain à sanctionner les personnes étrangères responsables d’exécutions extrajudiciaires, de tortures ou d’autres violations flagrantes des droits de l’homme commises contre des individus dans tout pays étranger qui cherchent à exposer les activités illégales de fonctionnaires gouvernementaux ou à promouvoir les droits de l’homme ou les libertés reconnus au niveau international[23]. Les sanctions s’appliquent non seulement aux auteurs de ces actes mais aussi à leurs agents[24]. La loi Global Magnitsky autorise également des sanctions contre les fonctionnaires gouvernementaux et leurs associés de haut rang qui se livrent à la corruption[25].
Les sanctions comprennent le refus d’entrée aux États-Unis et le blocage des transactions portant sur tous les intérêts de propriété d’une personne étrangère en possession ou sous le contrôle des États-Unis, y compris le gel des avoirs pour les fonds détenus dans les banques américaines[26]. Ainsi, la loi peut effectivement bloquer l’accès d’un individu au système financier américain[27]. La mise en œuvre de la loi est confiée au secrétaire du Trésor en consultation avec le secrétaire d’État et le procureur général[28].
Les organisations des droits de l’homme ont depuis longtemps documenté les multiples violations commises par le régime du président Biya contre son propre peuple. Il s’agit notamment des ex
Les États-Unis devraient imposer de nouvelles sanctions ciblées contre l’armée camerounaise, les fonctionnaires, les autorités et les groupes armés en vertu de la loi Magnitsky mondiale pour les crimes commis dans les régions anglophones et dans la lutte contre Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, ainsi que pour d’autres violations des droits de l’homme au Cameroun.
III. LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT DEMANDER INSTAMMENT AUX NATIONS UNIES DE METTRE EN PLACE UNE COMMISSION D’ENQUÊTE INTERNATIONALE SUR LE CAMEROUN
Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est rendu au Cameroun en mai 2019[31]. Pendant son séjour au Cameroun, le Haut Commissaire aux droits de l’homme a rencontré le président Biya, des représentants du gouvernement et certains dirigeants de la société civile. Cependant, le Haut Commissaire aux droits de l’homme ne s’est pas rendu dans les zones de conflit, et le Haut Commissaire aux droits de l’homme n’a pas publié de rapport en décembre 2019[32].
Les États-Unis devraient exhorter le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à créer une commission d’enquête internationale sur le Cameroun, ayant pour mandat de mener une mission d’établissement des faits et d’enquêter sur les violations des droits de l’homme internationaux[33] afin de déterminer si des actes de génocide ou des violations des droits de l’homme internationalement reconnus ont eu lieu et d’identifier les auteurs de ces violations[34].
Depuis 2006, le Conseil des droits de l’homme a mandaté 31 commissions d’enquête, missions d’établissement des faits et autres organes[35]. Par exemple, en 2017, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, conformément à une résolution du Conseil des droits de l’homme, a envoyé une équipe d’experts internationaux dans la région du Kasaï en République démocratique du Congo (RDC) pour enquêter et faire rapport sur la violence, les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.Le Conseil a ensuite émis des recommandations au gouvernement de la RDC pour, entre autres, intensifier les efforts visant à protéger les droits de l’homme, à traduire en justice tous les responsables et à promouvoir la réconciliation en s’attaquant aux causes profondes du conflit[37]. En 2016, le Conseil des droits de l’homme a créé une commission d’enquête chargée d’enquêter et de faire rapport sur les violations des droits de l’homme au Burundi afin de tenir les parties responsables de ces violations[38].
Ainsi, les missions d’enquête au Cameroun pourraient servir à faire progresser la paix et à faire respecter la justice en tenant les parties responsables des violations des droits de l’homme et en favorisant la réconciliation.
IV. LES ÉTATS-UNIS DEVRAIENT EXHORTER LE CAMEROUN A REFORMER SON PROCESSUS ÉLECTORAL ET DEMANDER A L’UNION EUROPEENNE ET A L’UNION AFRICAINE DE SE JOINDRE A L’EFFORT
Les élections présidentielles d’octobre 2018 ont entraîné une crise post-électorale et une répression des leaders de l’opposition[39]. La communauté camerounaise, l’Union africaine, l’Union européenne et le gouvernement des États-Unis ont tous appelé à une modification consensuelle du processus électoral afin de mettre pleinement en œuvre une démocratie[40]. À la suite des élections, la mission d’observation électorale de l’Union africaine a conclu que le cadre juridique du Cameroun devait être renforcé “afin de sauvegarder les principes démocratiques de séparation des pouvoirs, d’équité, d’indépendance et d’impartialité”.”Le Département d’État américain, sans se prononcer sur la question de savoir si les irrégularités ont affecté ou non le résultat, a observé que ces irrégularités “ont donné l’impression que l’élection n’était pas crédible ou véritablement libre et équitable”[42] et a approuvé la recommandation de l’Union africaine de renforcer le cadre juridique du Cameroun.En conséquence, les États-Unis devraient exhorter le gouvernement camerounais à inviter tous les acteurs politiques à se joindre à une révision consensuelle du processus électoral, et devraient demander à l’Union européenne et à l’Union africaine de se joindre, avec les États-Unis, à l’assistance fournie au Cameroun pour renforcer ses processus électoraux et réformer les institutions électorales.
Commission des affaires africaines
Victoria Safran, présidente
Doris Toyou, présidente de la sous-commission Afrique francophone