L’Europe, la France, RFI et la Fédération camerounaise des éditeurs de presse en soutien à Ahmed Abba lors de l’audience du mercredi 5 octobre
Des représentants de la Commission européenne, de l’ambassade de France, ainsi que le vice-président de la Fédération camerounaise des éditeurs de presse, son vice-président Michel Michaud Moussala, la directrice de RFI, Cécile Mégie, son adjoint chargé de l’Afrique, Yves Rocle, et de nombreux confrères ont assisté à l’audience de ce 5 octobre, au tribunal militaire de Yaoundé devant lequel Ahmed Abba est accusé de « complicité d’actes de terrorisme » et de « non-dénonciation ».
Tout en comprenant « l’impérieuse nécessité que peuvent avoir les autorités camerounaises à lutter contre le terrorisme », la directrice de RFI, Cécile Mégie, a déclaré : « Nous sommes convaincus de l’innocence d’Ahmed Abba. L’audience d’aujourd’hui nous a montré qu’encore une fois, aucune preuve de sa culpabilité n’est apportée ». « Professionnellement, […] irréprochable, [la] production qu’Ahmed Abba a diffusée sur les antennes de RFI (en langue haoussa) a été entièrement traduite. Dans l’ensemble de sa production, il n’y a pas une virgule qui montre la moindre empathie pour des actes de terrorisme » (L’Expansion, 5 oct. et La Minute, 6 oct.).
Accusation vide de preuves et irrégularités de forme : la défense demande la relaxe
Du fait de l’absence de preuves contre Ahmed Abba, ses avocats appellent à sa relaxe − décision judiciaire par laquelle l’action contre un prévenu est abandonnée − et à sa libération sans délai (RFI, 6 oct.). Un débat houleux a porté sur un rapport présenté par l’accusation.
RSF témoigne que « les avocats du journaliste, Me Charles Tchoungang et Me Clément Nakong, ont soulevé de nombreuses irrégularités de forme et dénoncé le non-respect du principe de contradiction avec l’apparition dans ce procès d’un nouveau témoin présenté par le commissaire du gouvernement et “expert en cybercriminalité” Ben Bidjocka » (RSF, 7 oct.). Désigné en février dernier par le commissaire du gouvernement, il était pour la première fois présent à une audience. « Partant du fait que lors de l’arrestation […] les enquêteurs avaient trouvé sur lui des accessoires informatiques tels qu’un port USB, une unité centrale, un GPS, des téléphones portables. M. Bell Bitjocka, l’expert désigné, avait donc eu la charge d’inspecter les accessoires suscités pour “voir” leur contenu. C’est donc en date du 5 octobre 2016 que ce rapport avait été rendu public au Tribunal. L’expert ayant même été par la suite cité comme témoin de l’accusation dans cette affaire » (Cameroon-Info.Net, 7 oct.)…
La commission de cet expert est illégale car, comme l’a déclaré Me Clément Nakong, « seul le tribunal peut ordonner une poursuite de l’instruction » (Journal du Cameroun, 5 oct.). Autrement dit, le commissaire du gouvernement n’avait pas le droit de commissionner un expert sans en avoir demandé l’accord au président du Tribunal (Cameroon-Info.Net, 7 oct.). De plus, le matériel informatique saisi le jour de son arrestation n’a pas été mis sous scellés, ce qui ne garantit pas l’authenticité du contenu présenté dans le rapport. Le rapport est irrecevable et le commissaire du gouvernement a fini par demander au tribunal la nomination d’un autre expert.
Huitième renvoi du procès au bout duquel Ahmed Abba risque la peine de mort
Correspondant en langue haoussa de RFI au Cameroun, Ahmed Abba est en prison depuis son arrestation à Maroua le 30 juillet 2015, dans l’extrême nord du pays. Accusé en novembre 2015 de ‘complicité d’actes de terrorisme’ et de ‘non-dénonciation d’actes de terrorisme’ en lien avec le groupe islamiste Boko Haram, Ahmed Abba a toujours clamé son innocence. « Le Cameroun est en guerre et Ahmed Abba, après avoir subi des tortures et avoir été enchaîné lors de son premier mois de détention, risque la peine de mort, accusé par les autorités d’intelligence avec l’ennemi » (Le Monde, 7 oct.).
Depuis l’ouverture de la procédure en novembre 2015, le procès en est encore à l’examen des preuves (Journal du Cameroun, 5 oct.). Les juges ont, pour la huitième fois, renvoyé le procès. De même, ses trois collègues journalistes − Baba Wame, Rodrigue Ndeutchoua Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola − sont toujours en procès. Ils avaient été inculpés en octobre 2014 pour exactement les mêmes chefs d’accusation. Contrairement à Ahmed Abba, ils comparaissant libres.
Depuis la première audience pour Ahmed Abba le 29 février 2016, le tribunal militaire avait pris l’habitude de reporter l’audience à un mois. Cette fois-ci, l’audience est reportée dans le même mois, à la date du 19 octobre, signe que la pression exercée accélère le déroulement du procès. Une chose est sûre, ce sera « un moment décisif qui pourrait déboucher soit sur l’examen de fond du dossier, soit en l’absence de preuve à [sa] relaxe sans charge » (RSF, 7 oct.).
Pétition d’Amnesty International « Protégez nos droits dans la lutte contre le terrorisme »
Si vous souhaitez la libération d’Ahmed Abba et autres détenus abusivement au Cameroun au prétexte de lutter contre le terrorisme, vous pouvez signer la pétition d’Amnesty International aux autorités camerounaises « Protégez nos droits dans la lutte contre le terrorisme » : https://www.amnesty.org/fr/ get-involved/take-action/ cameroon-protect-our-rights/