Pourquoi avons-nous salué la libération de l’ancien «ministre du ciel et de la terre» du Sénégal, Karim Wade?
Essentiellement parce qu’elle confirmait l’exemplarité Sénégalaise en matière de respect de la légalité internationale.
En effet au-delà de la nature politique de la grâce accordée par le Président Macky Sall, son pays se range aussi aux conclusions contenues dans l’avis rendu par le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention Arbitraire, qui exigeaient la libération de son concurrent politique, sans pour autant annuler les sanctions financières et les procédures de recouvrement à son encontre.
Ailleurs sur le continent, et particulièrement au Cameroun, les autorités bricolent en permanence toutes les théories scabreuses et les parodies de procès pour occulter les mêmes recommandations internationales, y compris quand elles émanent de l’Union Africaine. Car Paul Biya (83 ans, 34 annnées de règne) et ses principaux lieutenants tiennent prioritairement à maintenir en séquestration des prisonniers politiques perçus comme de dangereux prétendants à sa succession.
C’est pourquoi nous exigeons de mettre fin à une épuration politique menée sous le couvert d’une imposture judiciaire dite «Opération Épervier»
Car contre ces anciens ministres et directeurs généraux issus principalement du parti au pouvoir au Cameroun et en délicatesse avec sa Justice aux ordres, est toujours brandi le détournement de deniers publics. Une notion volontairement évasive et floue au Cameroun, qui a le principale mérite d’éviter les poursuites pour enrichissement personnel illicite comme au Sénégal. Pire encore, en scrutant au plus près les dossiers sensibles, y sont essentiellement constatées des fautes de gestion, comme celles qui ont pu être reprochées à l’ancien Administrateur Directeur Général de la Camair Yves Michel Fotso, et qui lui ont valu un double emprisonnement à vie dans un même contentieux.
C’est comme si les principaux dignitaires du régime de Yaoundé n’ont en réalité aucun intérêt à voir l’enrichissement illicite devenir la raison première des poursuites judiciaires dans la lutte qu’ils prétendent mener contre la corruption au Cameroun. Il leur suffirait pourtant de mettre en application l’article 66 de la constitution camerounaise, et de pouvoir ainsi faire un état des biens déclarés lors de la prise des fonctions officielles et aux termes de celles-ci.
Que non!
Nous sommes ainsi arrivés à la conclusion qu’il s’agit ni plus ni moins d’une épuration politique menée sous le couvert d’une vaste imposture judiciaire, dans des cas que nous avons soigneusement répertoriés. Hormis ces derniers, la plupart des autres justiciables de l’opération dite Épervier sont davantage des fusibles faciles utilisées pour détourner l’attention d’une opinion publique en quête de justice sociale.
Faut dire qu’en l’état de délitement du tissus social et économique du Cameroun, la manœuvre de diversion a particulièrement réussi au régime en place. Et rien n’indique qu’il soit prêt à renoncer à une arme d’élimination politique aussi efficace.
Joël Didier Engo, Président
Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)