Après-Biya : Ils se voient au palais de l’Unité
Atangana Mebara, Marafa Hamidou Yaya et Titus Edzoa semblent déterminés à briguer la magistrature suprême.
A la page 227 de son livre « Le secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités », Jean Marie Atangana Mebara (qui s’exprime sur un témoignage à charge de Marafa contre lui dans l’affaire de l’avion présidentiel) répondant à la question de savoir s’il veut préserver l’avenir au cas où l’ex-Minatd accéderait demain au pouvoir, déclare : « Je comprends que vous avez exclu d’office l’hypothèse inverse… ». Relance : « Voulez-vous dire l’hypothèse où c’est vous qui accéderiez au pouvoir ? ». Réponse de Mebara : « Evidemment c’est une boutade. J’espère que cet entretien ne vous a pas fait perdre le sens de l’humour. Sérieusement, ce que je veux dire, est que, sauf à lire dans les boules de cristal, on doit toujours parler de l’avenir avec circonspection, s’agissant surtout des charges publiques électives. Il ne faut ni brusquer les choses, ni tenter de briser ou détourner les destins. Dieu seul sait qui sera ou fera quoi demain ».
Dans la finesse et l’habileté qu’on lui attribue, au fil de la lecture de ses ouvrages, Atangana Mebara, a manifestement voulu, au-delà de la « boutade », passer un message : Dans la course à la succession de Paul Biya, il ne faut écarter personne ; surtout pas lui, qui use de littérature pour se purifier aux yeux du peuple, pour se refaire une virginité politique. L’ex-secrétaire général de la présidence (Sg/Pr) se sent visiblement un destin national et se construit patiemment l’image d’une victime d’un système qu’il a servi « loyalement », et dont il se démarque soigneusement aujourd’hui. Son acquittement devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi plaide lourdement en sa faveur.
Sachant que Paul Biya s’était dit prêt à se retirer de la présidence de la République pour recommander « la personne qui pourrait être le candidat du parti », Atangana Mebara (qui viserait à court terme la grâce présidentielle) présente donc, sans doute à dessein, le chef de l’Etat comme un gros travailleurs doublé d’un personnage généreux et patriote.
Moins cachottier, Marafa Hamidou Yaya, après avoir confié aux Américains qu’il était « prêt » à se porter candidat à l’élection présidentielle, une fois Paul Biya parti, a tombé définitivement le masque dans l’une de ses sorties épistolaires : « Je m’engage devant vous solennellement à poursuivre mon combat pour qu’advienne au Cameroun la société de confiance porteuse de la paix, de la sécurité de la justice et de la prospérité, à laquelle nous aspirons tous », écrivait-il à l’adresse du peuple camerounais.
Depuis la prison, l’ex-Minatd, qui avait opté pour le grand déballage dans ses premières lettres, a retrouvé la tunique d’ « homme d’Etat ». Il se contente désormais de dérouler un catalogue de propositions sur différentes problématiques de l’heure (sécurité, Can, fonction de Premier ministre, etc.) qu’il mettra à coup sûr en application s’il venait à accéder au pouvoir. La publication du livre « Le choix de l’action », dans lequel Marafa dresse un bilan élogieux de ses 10 ans au Minatd, « dans un pays victime d’immobilisme d’Etat », est venu conforter les ambitions du « bagnard du Sed ». En quatrième de couverture de cet ouvrage, on lit d’ailleurs que « Marafa se montre à la mesure de sa réputation d’homme d’action courageux et visionnaire, profond connaisseur de son pays et de son immense potentiel ». On dirait un manifeste de campagne électorale !
Casiers judiciaires
Pour sa part Titus Edzoa, un autre ex-Sg/Pr, a dévoilé son ambition présidentielle dès sa démission du gouvernement le 20 avril 1997. A l’époque, dans une interview à Mutations, l’ancien ministre de la Santé publique dégageait sa responsabilité sur la régression du Cameroun : «J’ai toujours été positif. Mais ce n’est pas à un ministre de dire que tout est immobile. Vous le voyez vous-même, rien ne marche. On lui dit : « Bougez ! Bougez ! », Il [Paul Biya, ndlr] ne bouge pas. Il ne travaille pas. Vous ne pouvez pas vous imaginer les efforts qu’on fait de l’intérieur pour que les choses évoluent. Pour faire aboutir la nouvelle constitution, ce fut très rude. Il ne voulait même pas qu’on limite les mandats. Et lorsque vous expliquez qu’on doit limiter les mandats pour obliger les hommes d’Etat à se donner un programme d’action établi dans le temps, on vous qualifie de rebelle. Les gens s’imaginent qu’ils vont gouverner sans calendrier. Ce n’est pas possible. Il faut des programmes étalés sur une période donnée. Là, on est obligé de produire des résultats».
En dépit des 17 années passées en prison et de la grâce présidentielle qui lui a été accordée, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas renoncé à son rêve. « Après 17 ans de prison politique, on ne jette pas l’éponge comme ça», déclare-t-il.
Un an après sa libération, soit le 24 février 2015, voici ce que Radio France internationale (Rfi) disait de lui : « Titus Edzoa vit en famille, près de Yaoundé. Il lit énormément et passe une bonne partie de ses journées à travailler dans son bureau. Un de ses proches le décrit comme un homme en bonne santé, qui sort rarement. Une sorte de retraite spirituelle qui lui a permis de prendre de recul et de s’engager progressivement de nouveau dans la vie politique ».
Au demeurant, bien que leurs casiers judiciaires rendent irrecevables leurs dossiers de candidature à la magistrature suprême, Mebara, Marafa et Edzoa, qui se présentent tous, à tort ou à raison, comme des prisonniers politiques, ont toujours l’œil rivé sur Etoudi, à l’instar d’un prédateur sur sa proie. Tous semblent avoir à l’esprit le fabuleux destin de Nelson Mandela, qui a passé 27 ans de prison, avant d’être élu président de l’Afrique du Sud, à 76 ans, en 1994. Quatre ans seulement après avoir recouvré la liberté.
Marafa, Mebara et Edzoa ont-il le coffre et l’aura de Mandela ? Une commission vérité et réconciliation va-t-elle les amnistier ? Le peuple camerounais est-il prêt à les porter à la magistrature suprême ? Des questions et d’autres qui ne peuvent pas trouver des réponses en l’état actuel de la conjoncture politique nationale.
Par Georges Alain Boyomo, Mutations
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Présidence du Cameroun: Laisser tous les candidats postuler librement à l’investiture suprême, et les Camerounais-e-s choisir en toute transparence le prochain locataire du Palais de l’Unité.
Telle est la revendication du Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun