« Le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible », selon la mission conjointe d’observation de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) et du Centre Carter, ONG agissant pour la promotion de la démocratie, des droits humains et pour la résolution pacifique des conflits. « Le processus électoral a exclu un grand nombre de forces politiques ivoiriennes et a été boycotté par une partie de la population dans un environnement sécuritaire volatil », selon le rapport.
Sur le terrain, des obstacles au déroulement normal du scrutin
Quarante des quarante-quatre candidats à la présidentielle avaient été invalidés par le Conseil constitutionnel, et l’opposition avait appelé à la « désobéissance civile » et au boycott, dénonçant la candidature du président Ouattara à un troisième mandat controversé. « Le scrutin a été marqué par un grand nombre d’incidents et un environnement sécuritaire volatil. Ainsi, dans 6 des 17 régions observées (sur 31 régions en Côte d’Ivoire, NDLR), l’organisation du vote a été fortement impactée avec, a minima, 1 052 bureaux de vote comptabilisés par nos observateurs qui n’ont jamais pu ouvrir dans ces régions », selon le rapport. Un peu plus de 22 000 bureaux de vote avaient été installés sur l’ensemble du territoire, selon la commission électorale. Au moins cinq morts ont été dénombrés samedi dans de nombreux incidents et affrontements qui ont affecté essentiellement la moitié sud du pays, selon un décompte de l’AFP, un bilan risquant de s’alourdir.
Participation disparate
Analysant le scrutin, les observateurs notent que « le taux de participation observé est mitigé et présente de fortes disparités sur le territoire national avec un taux élevé dans le Nord, faible dans le centre et à l’ouest et très variable dans le sud du pays ». En définitive, « ces problèmes menacent l’acceptation des résultats par la population et la cohésion du pays », avertit la mission d’observation. Avant le scrutin, une trentaine de personnes étaient mortes dans des violences depuis l’annonce, en août, de la candidature du président Ouattara.
Des violences ont entraîné des morts
Quatre personnes d’une même famille sont mortes dans l’incendie de leur maison lors de troubles dimanche à Toumodi, à une quarantaine de kilomètres de Yamoussoukro, la capitale politique (centre), au lendemain de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, a-t-on appris lundi auprès de plusieurs habitants. « Lors des affrontements, plusieurs maisons ont été incendiées. Quatre personnes de la même famille, un jeune couple, une femme et une dame âgée, sont mortes », a affirmé un proche de la famille qui habite Toumodi, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. « Une dizaine de maisons ont été brûlées. Deux camions aussi. Des restaurants, boutiques maquis (restaurants-bars à ciel ouvert) ont été cassés. Il y a d’importants dégâts », a-t-il poursuivi. « Les quatre personnes calcinées sont en train d’être enterrées », a précisé un autre habitant alors qu’il se trouvait au cimetière.
D’après des témoignages concordants, des heurts ont eu lieu samedi, le jour du vote entre les jeunes de l’ethnie locale baoulé (réputée pro-opposition) et des jeunes de l’ethnie dioula (du Nord, traditionnellement favorable au président Ouattara). Après une accalmie, les affrontements ont repris dimanche de manière plus violente. « Notre crainte maintenant, c’est que les jeunes d’ici (baoulés) ne veuillent pas laisser ce crime impuni et s’attaquent à eux (les Dioulas) », a précisé un habitant.
Au moins cinq autres personnes sont mortes dans des violences depuis le jour du vote : trois à Tehiri (centre-ouest), près de Gagnoa, le fief de l’ex-président Laurent Gbagbo, une à Oumé, également près de Gagnoa, et au moins un à Tiebissou, près de Yamoussoukro, où le maire fait état de quatre morts. Une trentaine de personnes sont mortes dans des violences avant le scrutin qui a été marqué par de nombreux troubles dans la moitié sud du pays.
Quel lendemain ?
Le pays attend le résultat de l’élection, qui doit être annoncé prochainement et qui devrait voir l’élection du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat controversé, l’opposition ayant boycotté le scrutin et appelé à la désobéissance civile. La Côte d’Ivoire craint une nouvelle crise électorale, 10 ans après celle qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3 000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000, de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.
Par Le Point Afrique (avec AFP)