Prisonnier politique, brutalité et transition politique à Yaoundé
La vie d’un couple et d’une famille broyée littéralement par la cruauté irrationnelle et despotique d’un tyran sanguinaire, Paul Biya (91 ans, dont 41 au pouvoir)….
Il faut dire que sa dictature quarantenaire carbure littéralement aux souffrances infligées à ses adversaires et ennemis désignés, généralement parmi ses collaborateurs les plus compétents et crédibles. L’ancien ministre d’État, Secrétaire général à présidence du Cameroun, Marafa Hamidou Yaya fut incontestablement de ceux-là.
Toutes les raisons objectives militent en faveur d’une profonde remise en cause de la campagne d’« intelligence » contre «un ennemi de l’intérieur» entreprise depuis 12 ans contre le ministre d’État Marafa Hamidou Yaya. Nous avons prouvé depuis le début qu’elle était politiquement motivée. Nous avons des preuves indéniables que le régime Biya a ainsi fabriqué une accusation totalement fallacieuse (« complicité intellectuelle de détournement de deniers publics ») pour inculper le ministre d’État, devenu ainsi une victime emblématique de poursuites sélectives et arbitraires sous la dictature quarantenaire de Paul Biya.
Marafa est malgré lui la preuve que le «Nnôm Ngui» ,(Chef des chef autoproclamé), Paul Biya (91 ans) maladivement fourbe, rancunier et cruel, sera indéfiniment incapable d’articuler des « réformes » innovantes et démocratiques pour son pays, d’où le manque de confiance des Camerounais ordinaires dans son système réactionnaire et régressif.
La vérité est que la lutte entre les anciens rivaux Marafa et le Nnôm Ngui a façonné la politique camerounaise pendant des décennies, mais ni l’âge très avancé du dictateur ni ses capacités générales déclinantes n’ont diminué son machiavélisme politique. L’homme a toujours perçu son ancien protégé comme une réelle menace pour son pouvoir.
Le plus amer, pour le Nnôm Ngui, c’est qu’il a rejeté les appels de Marafa à prendre sa retraite et à devenir un «Elder statesman » (un Sage d’État).
Mais le ministre d’état et tous les observateurs lucides de la politique camerounaise comprennent que la retraite politique du Nnôm Ngui doit impérativement être actée pour que le pays puisse enfin avancer à nouveau, car ce despote ne peut simplement pas maintenir tout un pays et un peuple en otage s’il est ce vrai patriote dont il aime prétendre être.
C’est là que le ministre Marafa apporte une grande contribution historique à la libération du Cameroun. Parce qu’il nous montre courageusement dans l’épreuve le chemin que nous devons suivre pour sortir définitivement d’un obscurantisme politique moyenâgeux, à travers la différence qu’il établit entre ce qui est et ce qu’il faut faire pour en finir avec la sauvagerie d’un système répressif, sa brutalité règlementaire mêlée à de la confusion ethno-fasciste soigneusement entretenue dans les esprits des Camerounais par la propagande politique d’une dictature agonisante en permanence aux abois.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas et ne devons pas, indifféremment de nos positions partisanes (du pouvoir en place et de l’opposition confondus) utiliser le même langage que celui prisé par la dictature et espérer des résultats démocratiques.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques –CL2P
English version
Political Prisoner and Political Transition in Yaoundé
The life of a couple and a family literally blurred by the irrational and despotic cruelty of a bloodthirsty tyrant.
It must be said that his forty-year dictatorship literally fuels the suffering inflicted on his adversaries and designated enemies, generally among his most competent and credible collaborators.The senior minister, Secretary General at the Presidency of Cameroon, Marafa Hamidou Yaya was undoubtedly one of them.
Indeed, there is more reason to question the basis of the ongoing “intelligence” campaign against the top minister, which we have proven to be politically motivated.
we have evidence that the Biya regime fabricated evidence to implicate the senior minister who is a legitimate victim of selective prosecution.
Marafa is emblematic of the knowledge that until Nnom Ngui can specify exactly what type of “reforms” his government is pursuing, ordinary Cameroonians’ lack of trust in the system will persist.
The reality is that the struggle between former rivals Marafa and the Nnom Ngui has shaped Cameroonian politics for decades but neither his age nor his decreasing abilities diminished his political maneuvering.
The man has always perceived his former protégé as a real threat to his power. The bitterest part for NNom Ngui is that he rejected Marafa’s calls to retire and become an elder statesman.
All lucid observers of Cameroonian politics understand that the political retirement of NNom Ngui must be resolved so that the country can move forward and that he cannot simply hold the country hostage if he is a true patriot as he claims to be.
This is where Minister Marafa makes a great contribution, because he shows us a path through the difference between what is and what must be done to escape from the regulatory brutality and the propagandist confusion of the Yaoundé regime.
Hence, we cannot use the same language that the regime uses and expect democratic outcomes.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P
Georges Dougueli
Marafa Hamidou Yaya : « Le peuple camerounais est le témoin inquiet de la dérive du régime Biya »
Longtemps silencieux afin de ne pas froisser les autorités, espérant obtenir une évacuation sanitaire, l’ancien secrétaire général de la présidence du Cameroun a décidé de prendre la parole en exclusivité pour Jeune Afrique. Il estime avoir encore un rôle à jouer pour l’avenir de son pays.
Pendant plusieurs années, Marafa Hamidou Yaya a gardé le silence, notamment pour ne pas gêner les démarches entreprises par sa famille et ses amis afin d’obtenir son évacuation sanitaire. En effet, l’ancien secrétaire général de la présidence du Cameroun, âgé de 71 ans, a été atteint d’un glaucome qui lui a déjà fait perdre l’usage de l’œil droit, tandis que la détérioration de sa vision de l’œil droit.
Jeune Afrique : Pourquoi accepter de prendre la parole aujourd’hui ?
Marafa Hamidou Yaya : La situation de mon pays, le Cameroun, est trop grave pour que je reste silencieux. Il est de mon devoir de m’exprimer, quitte à ce que mon régime d’incarcération, déjà extrêmement strict, soit durci après la publication de cette interview. Il est probable que ce durcissement affectera mes codétenus. J’espère qu’ils me le pardonneront.
Quelles sont vos conditions de détention ?
Marafa Hamidou Yaya : Je perds la vue. Tous les spécialistes recommandent une «opération de la dernière chance» pour m’éviter de devenir totalement aveugle. Comme cette opération n’est possible qu’à l’étranger, j’ai adressé au président de la République plusieurs demandes d’autorisation d’évacuation médicale. Elles sont restées sans réponse. Il en va de même des appels humanitaires qui lui ont été adressés par des personnalités nationales et étrangères de premier rang, auxquelles je veux dire ici toute ma gratitude. Le silence du président Biya a fait dire à une ancienne ambassadrice des États-Unis au Cameroun : « Je suppose que Paul Biya attend que Marafa devienne aveugle ! C’est franchement une punition digne du Moyen Âge. Pas de l’Afrique moderne.»
Si cette évacuation n’a pas lieu rapidement, le seul remède sera inévitablement à terme de me retirer les globes oculaires. En effet, je souffre de violents maux de tête de plus en plus fréquents à cause de la pression oculaire. Ce handicap rend mes conditions d’incarcération au Secrétariat d’État à la Défense [SED] encore plus difficiles qu’auparavant. Je ne bénéficie ni d’assistance ni d’aménagements. Dans mes demandes d’évacuation sanitaire, j’ai sollicité un placement en résidence surveillée, ce qui me permettrait de recevoir une aide pour les gestes du quotidien. Comme je l’ai indiqué, tout cela est resté sans réponse.
Avez-vous le sentiment d’être retenu en prison parce que vous représentez une force politique que certains souhaitent neutraliser ?
Marafa Hamidou Yaya : Sur les six condamnés dans ce dossier, combien sont aujourd’hui encore en prison ? Un seul, moi. Le dernier à avoir été libéré l’a été il y a quatre ans. Ceci alors que, contrairement à d’autres, j’ai été condamné pour une prétendue «complicité intellectuelle», sans le moindre signe de détournement ou d’enrichissement personnel. Mon maintien en détention et la torture que je subis, en particulier à travers le refus de soins, car il s’agit bien de torture en termes juridiques, ne peuvent donc avoir qu’un caractère politique. C’est pour cela que l’ONU demande ma libération immédiate depuis 2016, et que les États-Unis, avec d’autres pays, me placent sur leur liste de prisonniers politiques depuis de nombreuses années.
Mon cas n’est pas isolé. L’opération Épervier a donné lieu à des condamnations extrêmement lourdes, qui apparaissent aujourd’hui comme aléatoires, arbitraires, politiquement biaisées ou infondées. Sous ce régime, le recours à la torture est devenu systémique. Il en a fait une pratique d’État, dont a été victime en janvier 2014 Christiane Soppo, mon ancienne collaboratrice, assassinée à coups de machette. Dans une lettre ouverte de mars 2014, j’écrivais que « le martyre de Madame Soppo représent[ait] […] l’émergence d’une justice parallèle, extrajudiciaire, aux mains de groupes d’individus qui, en fonction de leurs intérêts, prononcent des sentences de mort secrètes exécutées par des hommes de sac et de corde ».
Si le pouvoir vous perçoit comme une menace, vous le paierez de votre liberté ou de votre vie.
Marafa Hamidou Yaya : C’est une pratique d’État dont a été victime en janvier 2023 votre confrère, le courageux journaliste Martinez Zogo, mort sous les sévices atroces de membres des services de renseignement. Ces déchaînements de violence ne sont pas des épisodes isolés mais s’inscrivent dans un système stable et institutionnalisé. Cette violence extrême n’est pas que délibérée. Elle est mise en scène, transformée en spectacle. Il était très facile pour ses tortionnaires de faire disparaître le corps de Martinez Zogo. Ils ont fait en sorte qu’il soit retrouvé. C’est la même logique, bien sûr poussée beaucoup moins loin, qui explique le caractère public de l’acharnement que je subis. Le message à nos compatriotes est clair. Si le pouvoir vous perçoit comme une menace, vous le paierez de votre liberté ou de votre vie.
Lorsque j’étais enfant, notre hymne national, changé depuis, célébrait la sortie du Cameroun de la « barbarie » et de la « sauvagerie » passées. Bien sûr, dans le contexte colonial, c’était une référence à la prétendue arriération de notre peuple. Mais aujourd’hui, pour de bon, le régime nous plonge dans une barbarie et une sauvagerie véritables, maniées avec calcul comme des vecteurs d’oppression.
S’il vous était donné de revenir en arrière, auriez-vous accordé votre confiance en la justice camerounaise ?
Marafa Hamidou Yaya : Je m’attendais à mon arrestation. De hauts responsables du régime m’avaient suggéré de m’exiler. Mais j’ai suivi mon cœur. J’ai choisi de me présenter devant la justice de mon pays. Mes compatriotes n’auraient pas compris que je ne le fasse pas. On ne peut pas exercer des responsabilités publiques, en tout cas avec la conviction sincère et le sens du devoir qui m’ont toujours animés, et choisir la fuite. Ai-je eu tort ? Si les sacrifices ont été nombreux et pénibles, ma plus grande douleur est de n’avoir pas pu assister Jeannette, ma femme, dans les derniers temps de sa maladie, dont elle est morte en 2017 en France. J’en avais demandé l’autorisation. Elle m’a été refusée.
Avez-vous le sentiment d’avoir été trahi par le président Paul Biya ?
Marafa Hamidou Yaya : Non, pas personnellement, car nous n’avions aucun pacte. Il ne m’avait jamais assuré de son appui ou de son amitié, et je ne lui avais jamais demandé de le faire. Je reste honoré des importantes responsabilités qu’il m’a confiées, car elles m’ont permis d’œuvrer au bien du pays, à ma mesure et malgré les nombreuses résistances auxquelles j’ai fait face. Si trahison il y a, ce n’est pas vis-à-vis de moi, mais envers notre Constitution, qui fait du président de la République le garant de l’indépendance de la justice. Or, ainsi que l’illustrent mon cas personnel et de multiples scandales récents, la justice est instrumentalisée au vu et au su de tous. Le peuple camerounais est le témoin désabusé et inquiet de cette dérive. Je pense au philosophe Pascal : ne pouvant fortifier la justice, le président a justifié la force.
Avez-vous toujours foi en l’avenir du Cameroun ?
Marafa Hamidou Yaya : Comme tous mes compatriotes, je suis très inquiet du déclassement progressif du pays. Depuis des années, le pouvoir compromet notre avenir commun de deux manières : en ne faisant pas les bons choix, et en faisant les pires choix à leur place. Les bons choix, ce serait d’investir dans les infrastructures de transport et d’énergie efficaces, de construire des écoles et des hôpitaux, de diversifier l’économie. Les mauvais choix, ce sont ces infrastructures obsolètes avant d’être achevées, c’est de construire à prix d’or de nouveaux stades de football, des hôtels qui restent vides, jusqu’à importer du gazon pour la Coupe d’Afrique.
Entendons-nous : en bon Camerounais, je suis passionné de football et j’ai vu l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations comme une magnifique fête collective. Mais dépenser 1 500 milliards pour un événement de quelques semaines, le pays ne peut pas se le permettre. Dans un contexte où les professeurs sont en grève faute d’être payés et où les femmes accouchent à la porte des hôpitaux, c’est une décision catastrophique. La fête aurait pu avoir lieu pour un coût très inférieur si le « bon choix » avait été fait : organiser, comme je le proposais dans une lettre ouverte en 2015, la CAN en coopération avec nos voisins, le Nigeria et le Tchad.
Quelles sont les conséquences de ces « mauvais choix » ?
Marafa Hamidou Yaya : Le résultat, c’est que si l’on se compare avec la Côte d’Ivoire, nous sommes en chute libre. Entre 2011 et 2022, l’écart de PIB entre les deux pays s’est creusé de près de 20 milliards de dollars en défaveur du Cameroun. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat moyen des Ivoiriens est supérieur de 40 % à celui des Camerounais. Ce qui rend le marasme d’autant plus insupportable, c’est bien qu’il correspond à une chute, à une régression. Récemment, face à un auditoire de citoyens se plaignant légitimement de l’état des routes, une ministre demandait avec une arrogance extrême : «Il y avait quoi avant ?» Les Camerounais lui ont répondu par des dizaines de vidéos sur les réseaux sociaux, vues des centaines de milliers de fois…
Avant, il y avait une compagnie aérienne nationale desservant le pays, l’Afrique et l’Europe, il y avait une compagnie publique de transport maritime comptant de nombreux navires, une raffinerie, une société de transport urbain qui permettait de prendre le bus pour 25 francs CFA… Le Camerounais attend aujourd’hui trois choses de Paul Biya. Que son niveau de vie s’améliore. Que sa sécurité quotidienne soit assurée car, en ville comme au village, l’insécurité règne. Que soit mis un terme au conflit armé en région anglophone avec son solde sanglant en termes de vies humaines, y compris celles de nos valeureux soldats, et que cesse le chaos dans le nord du pays, où les morts et les déplacements de populations victimes de Boko Haram sont passés sous silence.
Paul Biya a-t-il encore les moyens de retourner cette situation ?
Marafa Hamidou Yaya : Oui et non. Non, parce que le marasme est trop général et que le système que le président a mis en place, et dont héritera son successeur, rend tout changement de fond impossible. Oui, car c’est toujours lui qui dirige notre pays et qui est responsable de ses destinées. Oui, encore une fois, car il est en capacité de prendre la seule mesure qui, dans les circonstances actuelles, serait salvatrice : redonner la parole au peuple ! Les prochaines élections, qu’il s’agisse des législatives ou de la présidentielle, ne suffiront pas à remettre le pays sur la bonne voie, et ce quels qu’en soient les vainqueurs.
Ce qu’il faut au pays, et ce à quoi j’appelle, c’est l’organisation d’une sorte de Commission Vérité, Réconciliation et Refondation. La dimension « Vérité et Réconciliation » évoque bien sûr ce qu’a fait l’Afrique du Sud pour exposer au grand jour les crimes du régime d’apartheid. La même démarche est nécessaire au Cameroun, où le caractère systémique des crimes et scandales d’État que j’évoquais plus haut est tel que certains n’ont même pas conscience de leur responsabilité. Je pense en particulier à certains juges et à certains policiers, instrumentalisés par le régime.
À quoi pourrait aboutir ce grand déballage ?
Marafa Hamidou Yaya : Cette honnêteté radicale sera une première étape permettant de réconcilier le pays avec lui-même, c’est-à-dire de recréer des liens de confiance entre les citoyens et nos institutions, mais aussi entre les citoyens eux-mêmes. C’est la société de confiance que j’appelle de mes vœux. C’est sur cette base, et seulement sur elle, que la commission pourra ensuite mener la « refondation » qui nous permettra de sortir du marasme. Car l’adhésion de tous sera nécessaire pour définir les paramètres essentiels de notre futur vivre-ensemble.
Dans le système actuel, le Chef de l’État au Cameroun a plus de pouvoir que du temps du parti unique.
Marafa Hamidou Yaya : Je pense notamment aux réformes qui devront porter sur la structuration de notre vie politique : dans le système actuel, le chef de l’État au Cameroun a plus de pouvoir que du temps du parti unique. Il faut que le Parlement ait un poids véritable, que la justice ait une indépendance réelle, qu’il y ait une égalité de représentation entre les populations et les territoires, au premier rang anglophones, et que la lutte contre la corruption soit menée de manière sincère et efficace.
Les coups d’États se multiplient et se banalisent en Afrique. Pensez-vous qu’il faille en craindre un au Cameroun ?
Marafa Hamidou Yaya : Il y a eu sept coups d’État ces trois dernières années en Afrique. L’adhésion au modèle démocratique recule de manière radicale. Aujourd’hui, selon une étude, 53 % des Africains pourraient soutenir un coup d’État dès lors qu’ils estiment leurs dirigeants incapables ou corrompus. Les raisons ? Une pauvreté et une insécurité persistantes ou grandissantes, la perception d’une corruption omniprésente, mais aussi le déferlement d’une vague mondiale de populisme à laquelle l’Afrique n’échappe pas. Ce populisme, en Europe ou aux États-Unis, se traduit par la stigmatisation de l’immigré comme profiteur, parasite et délinquant.
En Afrique, ce que l’on commence à appeler « l’afro-populisme » conduit au rejet massif de tout ce qui a une coloration occidentale, y compris le modèle démocratique. Même si je comprends et partage le désarroi, voire le désespoir, de nombre de mes compatriotes et de nombre d’Africains, je reste persuadé que cette voie du populisme est stérile. La seule solution offerte par les populistes, c’est le rejet de l’autre. On ne bâtit pas l’avenir sur ces sables mouvants. Le populisme est aussi irréaliste. On peut rejeter l’histoire commune de la France et de l’Afrique, rejeter son héritage inégalitaire, voire prédateur. On ne peut pas rejeter la géographie : l’Europe et l’Afrique seront pour toujours voisins.
Ma conviction est que ce n’est pas la démocratie qui est en cause. Ce qui l’est, c’est son efficacité dans la résolution de problèmes vitaux, une efficacité que la pression démographique rend d’une urgence absolue. En douze ans, depuis le début de mon emprisonnement, la population du Cameroun s’est accrue de l’équivalent des populations du Gabon et du Congo réunies. L’autre impératif, c’est l’adaptation du modèle démocratique à nos cultures. Nous avions des traditions démocratiques bien avant la colonisation.
Qu’en est-il de votre avenir à vous ?
Marafa Hamidou Yaya : Je crois pouvoir encore aider mon pays. J’ai pour cela la volonté, les idées et l’expérience. Toutefois, ma santé et ma survie sont entièrement soumises à l’arbitraire du président de la République, Paul Biya. Mais pour ce qui est de mon engagement futur au service de mon pays, il reste aux mains de la Providence. Ma génération semble avoir échoué dans son rêve de construire un Cameroun nouveau. Une mission plus impérieuse nous appelle. Elle consiste à empêcher que le Cameroun ne s’autodétruise irréversiblement.