A Oslo en Norvège, le gynécologue congolais, le docteur Denis Mukwege et l’activiste kurde Nadia Murad ont reçu officiellement en leur prix Nobel de la paix. Et à la tribune, les lauréats ont voulu faire passer un message fort.
Dix minutes avant, le début de la cérémonie, silence complet dans la salle majestueuse de l’hôtel de ville d’Oslo, signe du caractère solennel de l’événement. La présidente du comité le dit : c’est leur combat pour la justice qui lie les deux lauréats. Une Irakienne et un Congolais, c’est une première pour leurs pays respectifs. La veille, les deux activistes avaient dit qu’ils saisiraient cette occasion d’une diffusion mondiale pour faire passer des messages et ils ont tenu parole. Deux discours puissants, à la fois émouvants et cinglants.
Nadia Murad a été la première à adresser son discours de remerciement. Elle a dénoncé le « génocide » contre sa communauté les Yézidis, une minorité au sein de la minorité kurde et de cette communauté internationale « qui n’a rien fait ». Des massacres qui l’ont privé de sa mère, ses frères et ses neveux, mais aussi son innocence. Elle qui voulait ouvrir un salon de beauté, qui ne connaissait ni le prix Nobel ni le conflit devient esclave sexuelle de l’État islamique pendant trois mois.
« Nous étions désespérés »
A La tribune, le docteur Mukwege n’est pas moins éloquent. Il revient sur l’origine déjà sa colère, l’attaque contre son hôpital de Lemera en octobre 1996 et les patients tués dans son lit. C’est le premier crime contre l’humanité de la première guerre du Congo. Trois ans plus tard, il crée l’hôpital de Panzi qui depuis près de vingt ans soigne des victimes de viols. Il évoque les bébés violés de Kavumu par la terrible milice du député Batumike aujourd’hui condamné. « Quand la 48e victime est arrivée, nous étions désespérés », rappelle le gynécologue congolais. « C’est au nom du peuple congolais que je reçois ce prix Nobel », déclare avec émotion le docteur Mukwege. Les applaudissements et cris de joie fussent dans la salle.
« Je m’appelle Denis Mukwege et je viens d’un des pays les plus riches de la planète avec la population la plus pauvre ». Le désormais prix Nobel de la paix congolais rappelle que c’est grâce à « ce pillage organisé » des ressources du Congo « avec la complicité des dirigeants qui prétendent nous gouverner » que le monde peut aujourd’hui jouir « de belles voitures, de bijoux et de gadgets ».
Il appelle les sociétés qui utilisent ses minerais à produire « dans le respect de la dignité humaine », la communauté internationale à enfin mettre en application les recommandations du « mapping report » et de rendre publics les noms des auteurs des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au Congo.
« Comment construire la paix sur des fosses communes, sans justice ni réconciliation ? », lance encore le docteur Mukwege devant un public conquis qui l’accompagne par ses applaudissements. « L’homme qui répare les femmes » continue sur sa lancée : « Il faut tracer une ligne rouge et ne plus dérouler le tapis rouge » à tous les dirigeants responsables des crimes et notamment des viols de masse au Congo. « Trop, c’est trop », conclut le docteur Mukwege en appelant à la fois la communauté internationale à protéger les civils au Congo et à ne soutenir que des élections crédibles et transparentes dans son pays.