Le président de la Guinée équatoriale a tenu lundi et mardi des discours fermes lors de la rentrée judiciaire du pays. Il y a notamment évoqué la tentative de putsch déjoué, la corruption de la justice équato-guinéenne et les militants de l’opposition emprisonnés, qu’il chiffre à « une vingtaine ».
Ébranlé par la tentative de coup d’État menée en décembre dernier, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a lancé lundi 15 janvier une charge contre les présumés auteurs de la tentative de coup d’État, mais également contre la justice du pays, qu’il intime d’être « plus rigide et plus sévère ».
Dans ce discours retransmis par la télévision d’État, le président Obiang Nguema a indiqué que « [la Guinée ne pouvait] oublier le récent acte terroriste ayant eu pour but d’envahir notre pays, le 24 décembre 2017. Nous sommes sûrs qu’il s’agissait plutôt d’une action terroriste que d’un coup d’État dont le but était de renverser l’ordre constitutionnel de notre pays. Donc tout le poids de la loi doit s’imposer contre les personnes impliquées parce qu’elles ont porté atteinte à la forme de l’État ».
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S’attaquant à nouveau à la justice, le président a estimé que « les juges ne respectent pas le droit ni la loi. Ils utilisent le système de pillage, la saisie, la violation des biens d’autrui, ils appliquent des sanctions [non] prévues par la loi pour leur profit personnel et ils perçoivent les honoraires et taxes extraordinaires fabriqués pour extorquer les administrés ».
Afin de limiter la corruption, les procédures d’éligibilité au poste de magistrat, procureur, ou juge seront donc renforcées. Dès 2018, chaque candidat devra déclarer ses biens.
Une opposition muselée
Le président ne s’est pas arrêté là. Lors d’un entretien ce mardi avec les médias français RFI et France 24, il a évoqué le récent coup d’État, mais également le cas des opposants politiques de la Guinée équatoriale. Une première pour le chef d’État, qui s’exprime rarement officiellement sur ces questions.
Ce n’est pas à cause des mauvais traitements de la police [qu’un opposant est décédé]. C’était un monsieur qui était malade
Pourtant, depuis les élections de novembre dernier, l’opposition dénonce presque quotidiennement des arrestations et des mauvais traitements. Le pouvoir équato-guinéen est accusé par le parti Citoyens pour l’Innovation (CI), unique parti d’opposition à la Chambre des députés – un siège sur 100 –, de détenir dans ses prisons de nombreux adversaires politiques.
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Jesus Mitogo Mitogo Andeme, l’unique député du CI, serait ainsi retenu depuis le 28 décembre dernier, d’après Gabriel Nse Obiang Obono, président du CI. N’infirmant pas la rumeur, le président a indiqué lors de son entretien que cet opposant était « peut-être lié » à des troubles durant la campagne présidentielle, ce qui expliquerait son incarcération, tout en se disculpant de toute responsabilité : « Ce n’est pas moi. Ce n’est pas moi, c’est le procureur. »
Violations des droits de l’Homme
Le parti Citoyens pour l’Innovation a rapporté lundi que Santiago Ebee Ela, un opposant de 41 ans arrêté le 2 janvier, était décédé dans la nuit du samedi 13 janvier au dimanche 14 janvier, au commissariat central de Malabo, des suites de ses blessures. Interrogé, le président a spécifié « que ce n’est pas à cause des mauvais traitements de la police. C’était un monsieur qui était malade ».
On ne peut pas citer de chiffre [d’opposants détenus]. Ce n’est pas 200. Je pense [que c’est] une vingtaine de personnes
L’opposition a, elle, une autre version : elle accuse le pouvoir d’avoir torturé l’homme, provoquant ainsi son décès. « Vous savez que l’opposition profite du cas pour affirmer que c’est les tortures. Ce n’est pas les tortures ! », a répliqué le président, tout en annonçant que « la justice doit faire […] enquête. »
Sollicité sur le nombre d’opposants détenus dans le pays, le chef d’État équato-guinéen a insisté sur le fait qu’« on ne peut pas citer de chiffre. Ce n’est pas 200. Je pense [que c’est] une vingtaine de personnes. »
Un chiffre bien loin des estimations du CI, qui l’évalue à plus de 200 opposants dans le pays, incarcérés à Malabo ou à Bata.
Par Jeune Afrique avec AFP