« Cette procédure concerne tous les journalistes ». Si Eric Dupond-Moretti a lissé sa parole depuis qu’il a été nommé garde des Sceaux, l’ancien avocat du fondateur de WikiLeaks ne mâchait pas ses mots pour défendre son client en février dernier, lors d’une conférence de presse coorganisée par Reporters Sans Frontières en février dernier.
Aujourd’hui absent de l’audience londonienne au cours de laquelle la justice britannique doit se prononcer sur l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis, où il risque 175 ans de prison, Eric Dupond-Moretti dressait il y a quelques mois le portrait d’un homme « prostré, avec de difficultés à s’exprimer », victime de « torture psychologique prolongée » et dont l’extradition constituerait un dangereux précédent pour la liberté d’expression, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous :
« Torture psychologique »
« Julian Assange montre tous les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique. Cela inclut le stress extrême, l’anxiété chronique, et le traumatisme psychologique », avait-il rappelé, citant les conclusions du rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.
Relatant sa rencontre avec l’Australien actuellement emprisonné à la prison londonienne de haute sécurité de Belmarsh, il avait évoqué l’état de santé fragile de son client :
« parfois prostré, ayant des difficultés à s’exprimer ».
Une stratégie de défense que devraient poursuivre ses avocats pour convaincre la justice britannique lors de l’audience de ce lundi 7 septembre.
Il dénonçait une « procédure politique »
Dénonçant les atteintes aux droits de l’homme dont serait entaché le dossier, l’actuel garde des Sceaux avait accusé les Etats-Unis de souhaiter « une procédure politique ». Il avait expliqué :
« Les 175 ans de prison qu’on lui promet aux Etats-Unis, c’est une peine indigne, insupportable et contraire à l’idée que l’on peut tous se faire des droits de l’Homme. »
De concert avec de nombreuses organisations de défense des droits humains, comme Amnesty International, Eric Dupond-Moretti avait également rappelé que l’extradition de Julian Assange constituerait un dangereux précédent pour la liberté d’expression.
« Il a permis de révéler que les Etats-Unis ont espionné les présidents Chirac, Sarkozy et Hollande. Ce n’est pas rien. Il a aussi permis d’établir que deux ministres français de l’Economie avaient fait l’objet d’une opération d’espionnage économique », a-t-il retracé, évoquant l’affaire des écoutes de la NSA.
Demande d’asile en France
Lors de cette conférence de presse, Eric Dupond-Moretti avait annoncé qu’une seconde demande d’asile politique en France allait être déposée, après un premier échec.
« Nous allons demander à rencontrer le président de la république car nous estimons que la situation est suffisamment grave », avait-il précisé.
Depuis, plus de nouvelle. Au point que l’association Robin des Lois a sollicité une entrevue avec le garde des Sceaux pour qu’il demande à l’exécutif d’accorder l’asile au fondateur de WikiLeaks.
« On demande rendez-vous à Eric Dupond-Moretti pour qu’il relance la demande d’asile au président Emmanuel Macron, une demande qu’il avait formulée à cor et à cri en février lorsqu’il était devenu l’avocat de Julian Assange », a expliqué François Korber, délégué général de l’association Robin des Lois, à nos confrères du Parisien.
« Le garde des Sceaux ne peut pas interférer »
La chancellerie a fait savoir que « le garde des Sceaux ne peut pas interférer dans des procédures de demande d’asile qui relèvent de la responsabilité d’un organisme indépendant, l’Ofpra », l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
« Il y a une triple opportunité, diplomatique, politique et juridique, énumère Me Emmanuel Ludot, avocat de Robin des Lois. Donald Trump a envisagé mi-août d’abandonner les poursuites contre Edward Snowden, Assange fait lui aussi partie de ce passé pour les Etats-Unis. Je pense que c’est aussi l’opportunité pour Emmanuel Macron de réaffirmer la France comme pays des droits de l’Homme. »
Le temps presse. Avec le Brexit, le Royaume-Uni doit sortir du régime d’asile européen, ce qui rendrait impossible l’extradition vers la France si l’asile politique est accordé.
Par L’Obs