Après avoir perdu son fils en 2011, l’ex-maire de Njombé-Penja perd son frère. 3 jours avant le verdict décisif de la Cour suprême
Par Edouard Kingue, Le Messager
Avant de prendre la route de la Cour suprême jeudi 16 juillet matin à 2 heures pour une 3è audience des recours introduits il y a 5 ans, Paul Eric Kingue a eu le temps de mettre le corps de son aîné à la morgue et de lui murmurer : «attend moi j’arrive». Reviendra-t-il libre ou toujours prisonnier pour enterrer, comme il l’a fait pour son fils en 2011, son frère Ekamby Njoh René, mort de temps d’espoirs déçus, de temps d’émotions contenues, après avoir fait un Avc au lendemain du renvoi le 18 juin 2015 par la Cour suprême, du cas Paul Eric Kingue ?
Jeudi 16 juillet 2015, la Cour suprême mettra son honneur en jeu dans le cadre du verdict attendu sur l’affaire Paul Eric Kingue. Sera-t-il acquitté en toute bonne Justice ou l’auguste institution continuera-t-elle à voler la liberté d’un homme à qui on a tout pris, même son fils décédé le 8 mars 2011 dans des circonstances mystérieuses alors qu’il croupit en prison, prisonnier sans crime ainsi que l’a reconnu le ministère public dans son audience de mai dernier ?
Violations
Le 21 mai en effet, l’avocat général et le conseiller rapporteur de la Cour suprême ont requis l’annulation de tous les actes de procédures (Pv d’enquête préliminaire, information judiciaire, décision du Tgi du Moungo, arrêt de la Cour d’appel du Littoral, mandat de détention) décerné contre l’accusé, motif pris de 14 violations de la loi dans des points de droit qui avaient conduit PEK à saisir la Cour suprême en recours depuis cinq ans pour l’affaire qualifiée de ‘détournements de deniers publics’ et trois ans pour la deuxième affaire qualifiée ‘d’émeutes de février 2008’. Renvoyé au 18 juin, on se serait attendu, dans le sillage des réquisitoires de l’avocat général et du rapport du conseiller, à l’acquittement pur et simple de l’ex-maire de Njombe-Penja.
Mais quand il s’agit de l’ancien maire Rdpc de Njombe Penja, rien n’est simple. Contre toute attente, la Cour suprême botte en touche et l’affaire est de nouveau renvoyée au jeudi prochain, 16 juillet 2015. Ce dernier renvoi s’étant appuyé curieusement sur le défaut d’originaux du dossier d’instruction du tribunal de grande instance du Moungo. Jadis condamné en instance, puis à la Cour d’appel, sur quelle base donc le ministère public et le rapporteur général de la Cour suprême ont-il travaillé pour arriver aux conclusions du 21 mai sur l’annulation de tous les actes de procédures et la levée de tous les mandats de détention décernés contre PEK dans les deux affaires ?
Selon nos informations, 14 violations de la loi ont été énumérées pour annuler les verdicts en instance et en appel. Un des points querellés concerne le défaut d’un acte substantiel qui n’a pu être produit à la Cour suprême. Cet acte d’audience dans le cadre des procédures engagées étant indispensable au jugement et à la condamnation de PEK. Introuvable le long des 160 audiences sur 8 longues années de prison, sur la base de quoi l’ex-maire a-t-il comparu, de tribunal en condamnation? N’empêche, à la diligence du Tgi de Nkongsamba et de la Cour d’appel du Littoral, les originaux de l’affaire PEK auraient été, dit-on, enfin acheminés à la Cour suprême depuis fin juin.
C’est donc pour obtenir les originaux d’instruction que la Cour suprême a rabattu le délibéré et a demandé au ministère public de produire ces pièces à l’audience du 16 juillet, c’est à dire dans quelques jours. En quoi cela concerne t-il l’accusé PEK toujours en détention? On se met à rêver de la libération de Paul Eric Kingue dans quelques jours, surtout si l’on se souvient d’une jurisprudence de la Cour suprême il y a quelques années, qui avait acquitté un prévenu pour défaut d’originaux d’audience que les parquets d’instance n’avaient pu mettre à la disposition de l’auguste cour.
Jurisprudence
L’histoire se répéterait-elle heureusement et en toute justice? La Cour suprême se permettrait-elle de mettre à mal sa propre jurisprudence? Le célèbre pensionnaire de New-Bell, déclaré prisonnier politique par les organisations des droits de l’Homme des Nations-Unies retournera-t-il dans sa cellule où il vit cloitré depuis 8 ans ?
La décennie qui s’écoule n’aura pas été facile pour Paul Eric Kingue. 2008, le ciel lui tombe sur la tête. Membre important du parti au pouvoir, élu du peuple, maire Rdpc de Njombe-Penja, PEK qui croupit toujours en prison avait perdu en 2011 son fils mort dans des circonstances mystérieuses.
Aujourd’hui c’est autour de son frère aîné, 65 ans, qui vient de rendre l’âme 3 jours avant l’arrêt attendu de la Cour suprême.
Son cœur n’a pas supporté un si long suspens et il a craqué au lendemain du renvoi du 18 juin dernier, lorsqu’il a appris que contre toute attente, PEK retournait en prison.
Alors victime d’un Avc, Ekamby Njoh René est décédé le matin du 13 juillet. Il n’accompagnera plus l’ex-maire dans son chemin de croix. Il a craqué de tant d’espoirs déçus, de tant d’émotions contenues.
© Le Messager : Edouard Kingue