"ON N' A PAS BESOIN DE CHANGER DE CONSTITUTION POUR SIMPLEMENT MAINTENIR UN INDIVIDU A LA TETE D' UN PAYS" [ot-video type="youtube" url="https://www.youtube.com/watch?v=UCwiuXtLCIY"]
Congo: revirement de la position française sur le référendum
Par RFI
Dans ce contexte de tension avant le référendum au Congo-Brazzaville, la présidence française fait un nouveau commentaire sur la situation dans le pays. Dans un petit communiqué de presse de l’Elysée, François Hollande dit « soutenir la liberté d’expression » au Congo-Brazzaville et rappelle qu’il avait souhaité, lors de son discours prononcé à Dakar en novembre 2014, que les « Constitutions soient respectées ». C’est donc un revirement.
François Hollande essaye de reprendre ses distances avec Denis Sassou-Nguesso. Lors du sommet francophone de Dakar, le 27 novembre 2014, il avait mis en garde sur l’antenne de RFI les chefs d’Etat qui veulent changer les règles du jeu pour briguer un troisième mandat. Et notamment, en parlant de la règle de la limite d’âge, il avait fait une claire allusion à Denis Sassou-Nguesso.
Le 7 juillet dernier, François Hollande avait reçu à l’Elysée le même Denis Sassou-Nguesso à la demande de ce dernier. Et à cette occasion, il s’était dit, par communiqué, attaché au fait que les référendums constitutionnels soient fondés sur « un consensus ». Ce qui à l’évidence n’est pas le cas aujourd’hui à Brazzaville.
Avant-hier mercredi, en disant que Denis Sassou-Nguesso pouvait consulter son peuple et qu’en même temps il devait veiller à rassembler et apaiser, François Hollande a donné l’impression à de nombreux observateurs qu’il se rapprochait de la position de Denis Sassou-Nguesso. Ce qui a provoqué une levée de boucliers dans l’opposition congolaise et jusqu’en France.
Une position commentée
Ce vendredi matin, le Front national, par la voix de Louis Aliot, a demandé au gouvernement français de s’expliquer sur le soutien qu’il apporte aux autorités du Congo-Brazzaville. Louis Aliot a aussi dénoncé les risques d’un changement non consensuel de Constitution dans ce pays. Une leçon de démocratie donnée par le Front national au socialiste François Hollande, ce n’est pas très courant.
Ce vendredi midi, la présidence publie finalement un communiqué dans lequel le chef de l’Etat « condamne toute violence, soutient la liberté d’expression et rappelle qu’il a souhaité, lors de son discours prononcé à Dakar le 29 novembre 2014, que les Constitutions soient respectées ». Deux jours après sa conférence de presse de l’Elysée, François Hollande tente de reprendre ses distances avec le président congolais. En clair, il essaye de redresser le tir.
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« C’est vraiment être très aveugle de croire qu’un dictateur peut consulter un peuple qu’il maltraite et être apte de rassembler pour apaiser un pays qui ne lui sert que d’imposer sa dictature. Il y a ce qu’il ne faut jamais oublier que Sassou Nguesso, sa famille, ses ministres, ses généraux fondés et la plupart de ses partisans iront à la CPI, car ils doivent répondre aux crimes contre l’humanité commis au Congo. C’est la force organisée du peuple qui fait tomber une dictature car on a vu en France, lors de l’occupation, que si De Gaulle avait compter sur les autorités françaises à l’époque qui avient signé un pacte de coopération avec les Nazis, la France ne serait jamais libre et le Congo comme beaucoup de pays d’Afrique ont été de beaucoup dans cette libération. Ne pas soutenir les Congolais ou les Africains en général qui luttent contre les dictatures qui pour la plupart dans les pays francophones, la France est à l’origine, c’est manquer notre place d’honneur dans l’histoire ».
Le boucher de Brazzaville en dix dates
Par RFI
Denis Sassou-Nguesso, 71 ans, fait face à des mouvements de fronde à Brazzaville avant le référendum constitutionnel du 25 octobre. Le nouveau texte lui permettrait de briguer un troisième mandat. Ce référendum est contesté par une partie de l’opposition et de la société civile. Retour sur le parcours d’un chef d’Etat qui a passé 31 ans au pouvoir.
1968, commandant du Groupement aéroporté
A 22 ans, en 1965, le lieutenant Denis Sassou-Nguesso intègre le premier bataillon de parachutistes de l’armée congolaise, qui mène une fronde d’officiers « progressistes » contre Alphonse Massamba-Débat, président depuis 1963 et instaurateur du parti unique en 1964. Marien Ngouabi, commandant des parachutistes, est arrêté en juillet 1968. Ses hommes le libèrent pour en faire le chef d’un Comité national de la révolution (CNR). Denis Sassou-Nguesso en est membre, comme du nouveau parti unique marxiste-léniniste, le Parti congolais du travail (PCT), fondé en 1969.
1975, ministre de la Défense
Le PCT fait face à de fortes dissensions internes, menant à la dissolution du bureau politique, remplacé par un état-major spécial révolutionnaire (EMSR) de cinq membres, parmi lesquels Denis Sassou-Nguesso. Il prend du grade rapidement et devient en décembre 1975, à 32 ans, ministre de la Défense et de la sécurité.
1979, accession au pouvoir
Marien Ngouabi est tué en 1977 chez lui, et un Comité militaire du parti (CMP) institué, qui abroge la Constitution de 1973 et les institutions. Joachim Yhombi-Opango devient président du CMP et de la République, Denis Sassou-Nguesso premier vice-président et toujours ministre de la Défense. Des luttes de palais éclatent au bout d’un an. Denis Sassou-Nguesso pousse à la tenue d’une session extraordinaire du comité central du PCT, le 5 février 1979, qui met en minorité Yhombi-Opango et dissout le CMP. En mars 1979, il est élu par le PCT président du comité central et président de la République pour cinq ans.
1989, un président reconduit par son parti
Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum en 1979. L’exploitation de gisements pétroliers, à partir de 1980, ouvre une ère de relative prospérité. Un plan quinquennal de développement est lancé en 1982 et le président reconduit en 1984 et 1989 par son parti, sur fond d’ajustement structurel et de crispation politique. Des procès sont intentés pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » à l’ex-président Yhombi-Opango et d’autres personnalités.
1992, l’alternance
Le comité central du PCT sépare le parti de l’Etat en juillet 1990, dans la foulée du discours de La Baule de François Mitterrand sur la démocratisation de l’Afrique. Il faudra un bras de fer avec les syndicats et une grève générale en septembre 1990 pour que le multipartisme soit autorisé. Une conférence nationale se tient en 1991, débouchant sur une nouvelle Constitution, en 1992, et des élections. Denis Sassou-Nguesso les perd, arrivant en troisième position avec 16,9% des voix. Pascal Lissouba, de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPDS), est élu président en août 1992.
1995, exil en France
L’accord de gouvernement, conclu entre le PCT et l’UPDS, ne satisfait pas l’ex-parti unique. Des législatives anticipées se soldent par un conflit armé entre le pouvoir et l’opposition, qui en conteste les résultats. Un climat de guerre civile s’instaure, avec création de milices à la solde des partis politiques. Denis Sassou-Nguesso s’exile en 1995 en France, pour deux ans de traversée du désert.
1997, reprise du pouvoir par les armes
Il revient en janvier 1997 au Congo, accueilli triomphalement par la population, pour faire campagne. Le 5 juin 1997, sa résidence privée est encerclée par des militaires à Brazzaville. Les « Cobras », sa milice, encadrée par d’anciens officiers, réplique. Les combats s’enlisent. Le soutien angolais aux Cobras contraint Pascal Lissouba à l’exil, en octobre 1997, au terme d’une guerre civile qui a fait 400 000 morts. Denis Sassou-Nguesso se proclame président à 53 ans et lance une transition.
2002, une nouvelle Constitution
Un régime présidentiel est instauré, avec un mandat de sept ans renouvelable une seule fois, et un âge limite fixé à 70 ans pour les candidats à la présidentielle. Denis Sassou-Nguesso est élu en mars 2002 à l’issue d’un scrutin contesté, auquel les opposants de poids n’ont pas concouru.
2009, réélection
Les inégalités se creusent au Congo, où le salaire minimum passe en 2007 à 40 000 francs CFA (61 euros), et où 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les dépenses ostentatoires des dirigeants font couler de l’encre. Le parquet de Paris ouvre en 2007 une enquête sur les « biens mal acquis » à l’encontre de Denis Sassou-Nguesso, Omar Bongo et leurs entourages. Le président sortant est réélu avec 78 % des voix au premier tour, en juillet 2009, avec un taux de participation officiel de 66 % qui contraste avec celui de 5 % observé lors des élections locales de juin.
2015, référendum constitutionnel
Le climat politique se tend, en raison des consultations lancées par le chef de l’Etat en vue d’une modification de la Constitution, afin de pouvoir briguer un troisième mandat. Le camp présidentiel assure vouloir retourner à un régime semi-parlementaire, mais la fronde, à l’approche du référendum constitutionnel prévu pour le 25 octobre, débouche sur des manifestations le 17 octobre à Pointe-Noire et le 20 octobre à Brazzaville. La police tire à balles réelles sur les manifestants, faisant plusieurs morts.
Quand le Cameroun censure pour le compte du Congo
Par RSF
Le journaliste camerounais Elie Smith a été empêché par la police camerounaise de participer à une émission de débat portant sur la démocratie en Afrique, et particulièrement sur le Congo. Une mesure de censure supplémentaire qui succède à son expulsion du pays l’année dernière, et dont les autorités camerounaises se rendent complices.
Le 22 octobre vers 20h00, le journaliste camerounais Elie Smith a été empêché de participer à l’émission Le Débat de la chaîne privée camerounaise Equinox TV, basée à Douala. Alors qu’il s’apprêtait à entrer dans les studios, il a été arrêté par le responsable de la Sûreté régionale et emmené au poste de police. Là, le chef de la Sûreté régionale lui a dit avoir reçu des instructions de la Présidence pour l’empêcher de participer au débat prévu ce soir là et qui portait sur les démocraties en Afrique et le rôle de l’opposition.
Selon le journaliste, pendant son arrestation, il a été questionné sur ses activités au Congo et les raisons de son expulsion. Les policiers lui ont également demandé de ne pas parler de la situation au Congo à l’approche du référendum constitutionnel prévu le dimanche 25 octobre.
« Non content d’avoir neutralisé ou expulsé l’essentiel des journalistes indépendants de son pays, le Congo va maintenant au delà de ses frontières empêcher les journalistes de travailler, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.Cette arrestation représente un acte de censure de la chaîne de télévision Equinox TV et une persécution supplémentaire du journaliste Elie Smith qui a déjà payé un lourd tribut personnel à son engagement journalistique. Il est déplorable que les autorités camerounaises se fassent l’homme de main de leur voisin congolais. »
Elie Smith a été expulsé manu militari du Congo-Brazzaville le 26 septembre 2014, sur décision du ministre de l’Intérieur. Il y travaillait alors depuis plusieurs années et était employé par la télévision MNTV. Cette mesure est intervenue seulement deux semaines après le braquage de sa maison et le viol collectif de sa sœur par des hommes qui, selon les confrères du journaliste, agissaient sur les ordres des autorités congolaises. Selon eux, la liberté de ton du journaliste dans son émission phare, La Grande interview, dérangeait régulièrement le pouvoir en place.
Une journaliste congolaise d’origine malienne, qui avait été la première à dénoncer cette attaque, Sadio Kanté, avait, elle, été expulsée quelques jours plus tôt et forcée de s’exiler au Mali, un pays où elle n’avait jamais vécu.
L’émission de débat a finalement été déplacée sur une autre chaine de télévision, Canal 2 Infos et le journaliste a pu y participer. L’émission a porté essentiellement sur le référendum au Congo Brazzaville. Elle est disponible ici.
En septembre 2015, Elie Smith nous informait que les personnes arrêtées au Congo dans le cas du viol de sa sœur avaient toutes été relâchées sans procès. L’avocat engagé pour contester l’expulsion du journaliste et porter plainte pour les violences endurées par Elie Smith et sa sœur a subi des intimidations qui l’ont contraint d’abandonner le dossier.
Pour rappel, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le signal en FM de RFI est toujours coupé au Congo Brazzaville, et ce depuis le début des manifestations le 20 octobre dernier.
La liberté de l’information dans les pays d’Afrique centrale, tels que le Cameroun ou le Congo, est régulièrement menacée. Suspensions à long terme de journaux causant leur asphyxie économique, expulsions de journalistes ou interpellations abusives : les moyens ne manquent pas pour faire taire une presse trop critique.
A titre d’exemple récent, le 15 septembre dernier à Yaoundé, François Fogno Fotso, directeur de publication du journal Génération Libre, a été arrêté par la police et détenu pendant 10 jours pour avoir simplement pris des photos de la police en train d’arrêter des représentants de la société civile. Il doit comparaître le 28 octobre 2015 pour « rébellion simple et non respect aux injonctions de l’autorité. »
Le Congo-Brazzaville et le Cameroun occupent respectivement les 107ème et 133ème places sur 180 pays au Classement 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)