La mort d’au moins 36 réfugiés burundais dans l’est de la République démocratique du Congo, tués par l’armée congolaise alors qu’ils manifestaient vendredi soir, a suscité samedi l’émoi des Nations unies, de son Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) et de Bujumbura, qui demandent une enquête et des explications aux autorités de la RDC.
124 personnes ont également été blessées lorsque les Forces armées de la RDC (FARDC) ont tenté de disperser une manifestation de réfugiés burundais vendredi soir à Kamanyola, selon la version des faits rapportée par les autorités de la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC en proie à des violences depuis 20 ans. Un militaire congolais a aussi été tué.
Selon Josué Boji, les réfugiés burundais – dont des demandeurs d’asile – exigeaient la libération de quatre des leurs, « expulsés vers leur pays d’origine » après avoir été arrêtés.
Selon les premiers éléments de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco), la mort d’un officier congolais « a entraîné une escalade de la violence. En réponse, les forces de défense et de sécurité congolaises auraient ouvert le feu sur les manifestants de façon disproportionnée ».
Le chef de la Monusco, Maman Sidikou, a avancé un bilan de 36 morts – contre 34 auparavant selon les autorités congolaises – en condamnant dans un communiqué « toute forme de violence entre communautés ».
Maman Sidikou « rappelle l’obligation pour les forces de défense et de sécurité de ne recourir à la force qu’en dernier recours, en respect des principes de nécessité, proportionnalité et légalité, conformément aux standards internationaux » et « appelle les autorités à ouvrir promptement des enquêtes judiciaires ».
‘Chassés comme des animaux’
Les réfugiés burundais ont trouvé refuge dans une base de la Monusco car ils « ont été chassés comme des animaux par des Congolais toute la nuit », a témoigné un réfugié, disant craindre pour ses compatriotes encore hébergés dans des familles congolaises.
« Des éclaircissements sont nécessaires » sur les circonstances de cette « fusillade », a réagi le ministre burundais des Relations extérieures, Alain-Aimé Nyamitwe, sur son compte Twitter. Cet incident « nous rappelle que la gestion des camps de réfugiés doit se conformer pleinement aux conventions (de) Genève ».
Le HCR a aussi demandé dans un communiqué « une enquête sur ce tragique incident » se déclarant « sous le choc et attristé ».
Le HCR précise qu’il a envoyé avec ses partenaires « des équipes à Kamanyola, dont du personnel médical, pour soigner les blessés ».
« J’ai vu des gens tomber, des hommes, des femmes et des enfants qui n’avaient aucune arme », a témoigné auprès de l’AFP un réfugié burundais.
D’après d’autres témoignages recueillis par l’AFP, ces réfugiés affirment pour la plupart être victimes de « persécution religieuse » du gouvernement burundais.
La majorité d’entre eux sont des adeptes de la prophétesse Zebiya, qui assure avoir eu des visions de la Vierge dans le nord du Burundi.
Ils se sont réfugiés dans la ville congolaise de Kamanyola, frontalière du Burundi, en 2015, avec leur prophétesse après que la police burundaise eut tiré sur eux à Businde (nord du Burundi).
En 2013, près de 200 adeptes de ce groupe religieux avaient été condamnés par la justice burundaise à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour « désobéissance civile ».
Le Burundi traverse une grave crise politique émaillée de violences depuis la candidature en avril 2015 du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé et sa réélection en juillet de la même année.
Ces violences ont déjà fait de 500 à 2.000 morts, selon les sources (ONU et ONG), des centaines de cas de disparition forcée et de torture et ont poussé à l’exil plus de 400.000 Burundais.
La RDC accueille 44.000 réfugiés burundais sur son territoire dont 2.005 à Kamanyola, selon le HCR.
Par AFP