Régime autoritaire et Trauma au Cameroun
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Alors que Paul Biya se prépare à un nouveau couronnement spectaculaire en 2018, utilisant une soi-disant onction populaire pour valider son régime répressif, les problèmes des prisonniers politiques et de la crise anglophone constituent une vraie épine dans le pied du régime. La révolte anglophone et les prisonniers politiques rappellent l’impunité épistémique du régime. Ils contredisent l’idéologie d’une «démocratie apaisée» que le régime prétend promouvoir depuis 35 ans en vain. Le but de cette démocratie apaisée est clairement de zombifier le peuple camerounais dans un processus de contamination sociale où le régime est à la fois la maladie et le remède.
Le problème est que le régime peut à loisir choisir ce qu’il faut retenir pour faire sa propagande habituelle, de même que la minorité anglophone et les prisonniers politiques ont aussi leur avantage épistémique, ce qui amène à la notion de handicap cognitif. Plus encore la promotion de pratiques institutionnelles où l’individu est tenu responsable de problèmes structurels. En termes très clairs, comment les problèmes qui sont en fait politiques sont transformés en problèmes individuels, créant une mentalité contaminée par un niveau élevé d’incertitude, d’anxiété, d’insécurité et de dépression. Comment ces formes de dépolitisation trivializent des problèmes structurels et empêchent-elles les gens ordinaires de résister aux politiques auxquelles ils devraient normalement s’opposer, les incitant davantage à s’attaquer à des organisations et à des personnes engagées, qui comme le CL2P, essayent précisément de créer ou recréer des institutions plus humaines.
La question cruciale devient qu’est ce qui est, et peut encore être, considéré normal dans ce contexte délétère et totalitaire?
En premier, cette division épistémique est claire, mais elle offre surtout différentes formes d’avantages aux oppresseurs et aux opprimés en termes de propagande officielle et d’expérience personnelle. Ainsi, alors que Biya et ses acolytes ont le monopole des ressources et de la violence de l’État, la réalité est qu’ils ne comprennent pas ce que signifie être anglophone au Cameroun. De plus, ils ne comprennent pas le véritable pouvoir qui devrait impartir à une véritable opposition dans un pays.
Ces processus sont le résultat du pouvoir absolu et de l’aveuglement moral. Une vision corrompue et moralement aveugle du monde, qui a commencé par l’échec fondamental de comprendre que les anglophones et les prisonniers politiques sont, en premier lieu, des Camerounais. En essayant de faire semblant, qu’ils ne le sont pas, ou en essayant de faire d’eux des camerounais radicalement différents ou le produit d’une «altérité» ou d’une «maladie» indéfinissable à éradiquer, les hierarques du régime en place ont semé les germes des problèmes.
La réalité est que ces gens sont camerounais et ne peuvent pas être exclus de la république. Ainsi, les personnes intègres doivent analyser ce qui se cache derrière cette construction de la différence radicale au Cameroun? Qu’y a-t-il derrière les caprices du régime de Yaoundé? C’est une tactique bien connue de ne pas avoir à faire face à ses responsabilités. En pratique, le résultat de 35 ans de manque de démocratie et d’opportunités et d’un nombre croissant de Camerounais privés de leurs droits qui expriment leur voix et exigent que le gouvernement réponde de manière adéquate à leurs situations difficiles depuis 35 ans. De plus, ces Camerounais ordinaires ne vont nulle part, sont irremplaçables et ne peuvent plus être mis sous le tapis. Ainsi, un manque fondamental qui ne peut plus être ignoré, une politique du néant et des rituels vides qui ne peuvent plus être soutenus.
Fondamentalement, le régime n’a plus de – «bullshit» de «tas de merde» à faire valoir.
La définition de ces « tas de merde» est ici l’ensemble des lois oppressives et des comportements qui ont été normalisés au cours des 35 dernières années au Cameroun. Maintenant, le régime marche sur un fil de rasoir et seule une ouverture réelle au changement et un recadrage des conneries peuvent ouvrir la voie du salut camerounais. Cette situation commence par la reconnaissance que le pouvoir oppressif n’est pas un problème individuel. La plupart des Camerounais ordinaires se considèrent comme décents. Pourtant, en participant activement ou en soutenant des institutions oppressives, ils contribuent de facto au système oppressif pour tous ceux qui ne font pas partie du cercle restreint du régime. Avouons que ce n’est pas la meilleure des manières pour une démocratie voulue productive et apaisée de fonctionner. Bien au contraire!
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Authoritarian regime and Trauma in Cameroon
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
As Paul Biya prepares himself for another spectacular coronation in 2018, in the process, using a so-called people unction to validate its repressive regime, the problem of the political prisoners and the Anglophone crisis is really a thorn in the foot of the regime. The Anglophone’s revolt and the political prisoners are a reminder of the regime epistemic impunity. They contradict the ideology of a “pacified democracy” the regime has been trying to promote for the past 35 years to no avail. The goal of this pacified democracy clearly is to zombify the Cameroonian people turning the regime into both the disease and the medicine.
The problem is that the regime can choose what to remember and what to propagandize so do the Anglophone minority and the political prisoners which brings to the forth notion of cognitive handicaps. Even more so, institutional practices where the individual is held responsible for problems that are structural. In very plain term, how problems that are, in fact, political are turned into individual problems creating mindset contaminated by high level of uncertainty, anxieties, insecurities and depression. How these forms of DE politicization actually trivialize structural problems and prevent ordinary people for resisting policies they should be objecting to. Even worse, attacking organizations and people, such as the CL2P, trying to bring about more humane institutions.
The question becomes what is consider normal in this context?
First, this epistemic divide is clear but it gives different forms of advantages to the oppressors and the oppressed in terms of official propaganda and cognitive handicap versus personal experience and self-narrative. Thus, while Biya and his goons have the monopoly of state resource and violence, the reality is that they do not understand what it means to be an Anglophone in Cameroon. More, they do not understand the true power of the real opposition in the country. These processes are the result of absolute power and moral blindness. A corrupt and morally blind view of the world, which began by the basic failure to understand that Anglophones and political prisoners are, first, Cameroonians. By trying to pretend that, they are not or trying to pretend that, they are radically different and some kinds of indefinable “otherness” to be eradicated is the beginning of problems.
The reality is that these people are Cameroonians and cannot be excluded from the republic. Thus, people with integrity have to analyze what behind this construction of radical difference in Cameroon? What is behind the swagger of the regime’s cronies? This is a well-known tactic not to have to deal with what is really in front of them. And what is front of them is the result of 35 years of lack of democracy and opportunities and a growing large number of disenfranchised Cameroonians who are elevating their voices and demanding that the government respond adequately to their plights something it has not done in 35 years. Furthermore, these ordinary Cameroonians are going nowhere, are irreplaceable and can no longer be swept under the carpet. Thus, a foundational lack that can no longer be ignored, a void and empty rituals that can no longer be sustained.
Basically, the regime is out of “bullshit.”
The definition of “bullshit” is all the oppressive laws and behaviors that were normalized in the past 35 years in Cameroon. Now the regime is walking on a razor wire and only an openness to change and a reframing of bullshit can open the road of Cameroonian’s salvation. This situation starts with the recognition that oppressive power is not an individual issue. Most ordinary Cameroonians see themselves as decent. However, by participating in oppressive institutions, one da facto supports a system that is oppressive for all of those who are not part of the regime’s inner circle. That is not the way for a productive democracy to function.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P