Un nouveau seuil a été franchi. La police rwandaise a annoncé dans un communiqué, publié sur son site dimanche 24 septembre, avoir arrêté la veille Diane Rwigara, opposante au président Paul Kagamé et candidate exclue à l’élection présidentielle du 4 août, pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et « faux et usage de faux ». Sa mère et sa sœur ont également été placées en détention provisoire pour « fraude fiscale ». « Ces arrestations ont été décidées suite au comportement des suspectes pendant l’enquête préliminaire, peut-on lire sur le site. En particulier leur refus permanent de coopérer avec la police et le fait d’avoir révélé publiquement des informations supposées, selon la loi, être confidentielles. »
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Cet épisode intervient après quasiment un mois de tensions et de nombreuses zones d’ombre entre l’opposante et les autorités. Le ton est monté lorsque, fin août, l’un des oncles de la jeune femme a affirmé que celle-ci et plusieurs membres de sa famille avaient été emmenés par les forces de l’ordre dans un lieu inconnu, ce qui pouvait laisser craindre le pire.
Des questions sans réponses
Après quelques jours sans nouvelles, la jeune femme était réapparue dans une vidéo publiée sur Internet, à son domicile, s’énervant devant un policier et plusieurs personnes : « Dites aux journalistes que vous nous aviez enfermés ici ! Vous êtes des voleurs… » Diane Shima Rwigara et les membres de sa famille avaient-ils été séquestrés précédemment au domicile de la jeune femme ? Pourquoi personne ne leur a rendu visite ? Plusieurs questions restent encore aujourd’hui sans réponses.
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Agée de 35 ans, Diane Shima Rwigara n’avait pas pu se présenter à l’élection, remportée avec 98,8 % des voix par Paul Kagamé. L’opposante avait été disqualifiée par la Commission électorale avant le scrutin pour avoir « falsifié des signatures ». Dans le prude Rwanda, la jeune femme avait aussi été malgré elle au cœur d’un scandale médiatique : deux jours après l’annonce de sa candidature, des photos de la jeune femme entièrement nue avaient circulé sur Internet.
Depuis l’élection présidentielle, les autorités de Kigali ne relâchent pas la pression sur les membres de l’opposition. « Il est inquiétant de voir que des figures sont ciblées », a déclaré, vendredi, dans un communiqué l’ambassadeur britannique à Kigali, William Gelling.
« Groupes armés opérant dans un pays voisin »
La semaine précédente, au moins sept responsables de deux partis rwandais non reconnus, dont le FDU-Inkingi de l’opposante emprisonnée Victoire Ingabiré, ont été arrêtés. La police les soupçonne d’être « liés à des groupes armés opérant dans un pays voisin », en lien avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) présentes en République démocratique du Congo.
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L’ambassadeur britannique a néanmoins reconnu que le résultat de l’élection du 4 août « reflétait la volonté de la majorité des Rwandais ». Paul Kagamé, qui a renversé le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché un génocide qui a fait 800 000 morts parmi la minorité tutsi entre avril et juillet 1994, est crédité du développement économique ultra rapide d’un pays qui était sorti totalement exsangue du génocide.