Scenario politique néocoloniale, Prisonniers politiques et Confidences sur ce Cameroun
La séquestration récente de Maître Ndoki fait d’elle l’icône Camerounaise de l’absorption sans fin de la violence d’État du régime de Biya. Il devient donc important de mettre en contexte pourquoi même l’opposition légitime est pourchassée, emprisonnée et même tuée au Cameroun.
Comme le soutient le CL2P, le Cameroun n’est pas un pays indépendant. L’indépendance était en réalité un changement de mode de domination où le maître colonial avait été remplacé par Ahmadou Ahidjo, puis Paul Biya. Cette plantation biopolitique qui se fait passer pour un État-nation moderne travaille toujours sur un scénario néo-colonialiste, dans lequel les possibilités de reconnaissance mutuelle et la capacité de conscience de soi des autochtones sont refusées. C’est un état que Frantz Fanon définit comme lieu de «non-être». Dans cet état de « non-être », le subalterne ne peut pas s’exprimer et la politique de violence atavique de l’État néocoloniale frappe sans merci s’il OSE le faire. Ainsi, le standard normatif est l’obéissance et l’absence de responsabilité collective contrôlées par un puissant appareil répressif institutionnalisé, dominé par le patriarche néocolonial et ses «créatures».
Dans ce contexte, l’indigène est par nature un suspect, en particulier s’il a la prétention de dépasser sa position assignée et son destin : un destin contrôlé par la violence et la menace de la violence. Justement, ceux qui refusent de suivre ce scénario néocolonial sont soumis à la violence parce qu’ils font partie d’une communauté politique qui ne sera jamais reconnue comme légitime par le maître néocolonial qui considère toutes leurs aspirations démocratiques comme une forme personnelle de provocation. Cela explique pourquoi le ministre délègue à la justice, M. Jean de Dieu Momo, a conseillé à l’opposition réelle camerounaise incarnée par le Pr. Le Kamto et son Mouvement Pour La Renaissance du Cameroun (MRC) de se montrer moins « arrogant» et «gourmand», sinon ils subiront le sort des Juifs sous l’Allemagne de Hitler.
La violence des prisonniers politiques dans les cachots privés du maître néocolonial est l’expression d’un régime qui, 70 ans après l’indépendance du pays, lutte toujours pour conceptualiser et reconnaître la pleine citoyenneté du Camerounais ordinaire.
Cela explique pourquoi toute tentative de revendiquer ces droits à la citoyenneté suscite des réactions négatives et une escalade de la violence de la part du régime. Régis par cette condition, tous les Camerounais ordinaires vivent dans un état précaire et sont perçus comme des suspects de l’État, donc des prisonniers potentiels. C’est là que le rôle des organisations de défense des droits de l’Homme, telles que le CL2P, est très important pour remettre en question la définition des notions de citoyenneté de seconde classe dans cette plantation biopolitique, en ouvrant notamment des espaces de discussion civile, d’expression civique, d’engagement citoyen et de protection solide des droits individuels.
De plus, les organisations de défense des droits de l’Homme, telles que le CL2P, insistent sans relâche sur le fait qu’il est extrêmement inefficace et coûteux de diriger un régime par la peur et le chaos.
En effet la mobilisation de l’armée coûte de l’argent; les balles et les gaz lacrymogènes ne sont pas gratuits. De plus, il y a le coût de l’émigration: l’exode des cerveaux des jeunes Camerounais à grande échelle. Le coût des pertes en vies humaines avec toutes les personnes tuées par le régime de Biya. Malgré l’endurance des Camerounais ordinaires, les personnes vivant dans la peur sont inévitablement moins productives, moins confiantes et ne savent pas s’il faut prendre des risques créatifs.
C’est là que nous devons faire attention et gagner la bataille des idées avant d’atteindre le point de non-retour. Nous devons contrer leurs messages et leurs pratiques avant qu’ils ne nous entraînent tous dans le vide. Nous devons le faire en luttant pour les valeurs libérales et les institutions libérales que nous avons considérées un peu trop rapidement comme acquises jusqu’à présent. Il n’en est rien.
Après 36 ans, Ça suffit!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
English version
Neocolonial Political Script, Political Prisoners and Witnessing in Cameroon
As the recent illegal arrest of Maître Ndoki as the poster woman of the unending absorption of the Biya’s regime state violence deep inside her flesh, it is important to put into context why even the legitimate opposition is hunted, imprisoned and even killed in Cameroon.
As the CL2P argues, Cameroon is not an independent country. The independence was actually a change in modes of domination where the colonial master was replaced by Ahmadou Ahidjo and then Paul Biya. That biopolitical plantation masquerading as a modern nation-state is still working on a neocolonial script where possibilities of mutual recognition and the natives’ capacity for self-consciousness is denied. This is a state of what Fanon calls “Non-being.” In that state of non-being, the subaltern cannot speak and backlash politics operates if he pretends to do so. Thus, the normative standard is obedience and lack of collective responsibility controlled by a powerful wall dominated by the neocolonial patriarch and his “creatures.”
Within that context, the native is by nature a suspect, particularly, if he has the pretension to go beyond his assigned position and destiny. A destiny controlled by violence and the threat of violence. Precisely, those who refuse to follow that script are subjected to violence because they are part of a constituency that will never be recognized as legitimate by the neocolonial master who regards all of their democratic aspiration as personal form of provocation. That explains why the junior minister of justice, Mr. Jean de Dieu Momo, advised the Cameroonian opposition led by Pr. Kamto to be less “arrogant” and “greedy” or they will suffer the fate of the Jews under Hitler’s Germany.
The violence that the political prisoners in the private dungeons of the neocolonial master is an expression of a regime that, 70 years after the independence of the country, is still struggling to conceptualize and recognize ordinary Cameroonians’ full-citizenship.
This explain why any attempt to claim those citizenship rights is met with a backlash and an escalation of violence from the state. Within that knowledge, all ordinary Cameroonians live under a state of precarious condition and are perceived as suspects of the state and potential prisoners. This is where the role of human right organizations, such as the CL2P, are very important to challenge how notions of second class citizenships are defined in this biopolitical plantation by opening spaces for civil discussion, community engagement and strong protections for individual rights.
More, human right organizations, such as the CL2P, is relentless in pointing out that running a regime on fear and chaos is formidably inefficient and expensive. Mobilizing the army costs money; bullets and tear gas do not come free. Moreover, there is the emigration cost: the brain drain of young Cameroonians on a wide scale. There’s the cost of the loss of life with all the people killed by the Biya’s regime. Despite the endurance of ordinary Cameroonians, people living in fear are, inescapably, less productive, less confident, not sure whether to take creative risks. This is where we have to pay attention and win the battle of ideas before we hit the point of no return. We need to counter their messages and practices before they drag us all down to the void. We need to do so by fighting for the liberal values and the liberal institutions we have taken for granted so far.
After 36 years, enough is enough indeed!
The Committee For The Released of Political Prisoners – CL2P