Accompagné de ses co-prévenus, Khalifa Sall a brièvement comparu, ce mardi 5 juin, dans la salle 4 du palais de justice de Dakar pour l’ouverture de son procès en appel. Fin mars, le maire de la capitale avait été condamné à cinq ans de prison et à une amende de 5 millions de FCFA (7 622 euros) pour « faux et usage de faux » et « escroquerie portant sur des fonds publics » dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie.
Au terme d’une brève audience, le procès a été reporté au 9 juillet. Les avocats de Khalifa Sall avaient demandé un report de six mois, dénonçant un empressement inédit dans la gestion du dossier et le non-respect de leurs droits à « préparer [sa] défense ». Selon eux, la course contre la montre du Parquet et de l’État du Sénégal – partie civile – vise uniquement à empêcher Khalifa Sall d’être candidat à l’élection présidentielle de 2019. Me Seydou Diagne, l’un des avocats de Khalifa Sall, s’explique à JA.
Jeune Afrique : Vous et vos confrères fustigez la date d’ouverture de ce procès en appel, qui intervient deux mois seulement après la condamnation de Khalifa Sall. Pourquoi ?
Me Seydou Diagne : Des milliers de Sénégalais sont actuellement incarcérés dans l’attente d’être jugés. Or la justice sénégalaise ne s’empresse pas d’examiner leur dossier, contrairement à celui de mon client. C’est le signe qu’il existe une pression pour que cette affaire soit pliée au plus vite.
Ce n’est pas le rôle de la justice sénégalaise de s’immiscer dans une compétition électorale
C’est inacceptable, et cela n’est pas conforme aux garanties minimales d’un procès équitable. La seule raison de cet empressement sans précédent est la candidature de Khalifa Sall à l’élection présidentielle de 2019, puisqu’il est un opposant du président Macky Sall. Ce n’est pas le rôle de la justice sénégalaise de s’immiscer dans une compétition électorale.
L’ouverture des débats a été renvoyée au 9 juillet, alors que vous demandiez un renvoi à novembre. Pourquoi avez-vous sollicité un report si lointain ?
Nous avons demandé un report de six mois afin d’être en mesure de préparer normalement notre défense, conformément aux conditions pour un procès équitable. Ce droit nous est garanti par les instruments juridiques internationaux. Je vous l’assure : si les conditions d’un procès équitable sont réunies, aucune condamnation ne pourra être prononcée contre Khalifa Sall. En revanche, si le droit est violé et si trop de pouvoir est donné à l’État du Sénégal ou au procureur, la décision sera évidemment défavorable à notre client.
C’est pourtant le tribunal qui a fixé ce délai : ni le Parquet ni la partie civile…
Qu’il s’agisse de la durée du report ou de la condamnation en première instance, ce sont des décisions fantoches ! L’argent qui aurait disparu [des caisses de la mairie, ndlr] et la supposée reddition des comptes ne sont que des prétextes. La justice est utilisée par le régime du président Macky Sall pour accélérer le procès. Pour que Khalifa Sall soit définitivement mis hors course, il leur faudrait que sa condamnation soit confirmée en cassation avant le mois de novembre – date du dépôt des candidatures à la présidentielle. Donc il leur faut évacuer l’appel avant la fin juillet.
S’il est condamné, nous nous pourvoirons en cassation et Khalifa Sall maintiendra sa candidature à l’élection de 2019
Après cette condamnation en première instance, quelle stratégie adoptera la défense en appel ?
À nos yeux, Khalifa Sall n’a commis aucun détournement. Aucune des accusations portées contre lui n’est fondée, comme en témoigne l’amende dérisoire décidée en première instance. L’État du Sénégal a été débouté de sa demande de versement de plus de 6 milliards de FCFA, preuve qu’il n’a rien à faire dans ce procès. C’était un premier pas. Il faut désormais faire contester la déclaration de culpabilité et la condamnation.
Quel serait l’effet d’une condamnation en appel sur les ambitions présidentielles de Khalifa Sall ?
Aucune. S’il est condamné, nous nous pourvoirons en cassation et Khalifa Sall maintiendra sa candidature à l’élection de 2019.
Jeune Afrique 05 juin 2018 à 19h56