L’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et ses collaborateurs sont notamment soupçonnés de détournements de deniers publics. Et ce lundi, il y a eu deux phases. Le juge a accepté dans un premier temps de donner la parole à Khalifa Sall. C’est la première fois qu’il s’exprimait depuis sa mise en détention en mars 2017. Il a évoqué un « procès politique » destiné à briser sa carrière. Dans la foulée, les premiers interrogatoires ont été menés, les débats ont porté sur l’existence ou non de fonds politiques au sein de la mairie de la capitale.
Chaque mois, entre 2011 et 2015, la mairie a eu le droit à 30 millions de francs CFA de l’État pour sa caisse d’avance. Pour les obtenir, en numéraires, des fausses factures d’achat de mil et de riz ont été produites. Car, explique Mbaye Touré, le gérant de la caisse d’avance, ce sont des fonds politiques.
Mais pour les avocats de l’État, maitre Félix Sow, les fonds politiques n’existent pas, l’argent devait être justifié : « Il n’existe nulle part de fonds politiques. Ce qui existe, ce sont les deniers publics. Donc il y a beaucoup de mise en scène pour simplement prendre de l’argent dans les caisses de la mairie, c’est tout. »
Devant le juge, Mbaye Touré et les quatre autres accusés entendus ce lundi, rappellent que ce système de décaissement existe depuis longtemps. Qu’ils ont hérité d’un système ancien, déjà en place à leur arrivée.
Pour l’un des avocats de la défense, maitre Jackson Niakanga, ces fonds décaissés sont bien des fonds politiques. « Les fonds politiques, d’après ce que j’entends, existent dans la ville de Dakar depuis 1920, et M. Khalifa Sall n’a donc rien inventé, ni l’eau chaude, ni l’eau tiède, ni l’eau froide. »
S’il a pris la parole et déclaré « c’est un procès politique, je n’ai jamais détourné un franc », Khalifa Sall n’a pas été interrogé sur le fonctionnement de la caisse d’avance. Il pourrait l’être ce mardi.
Les premiers mots de l’ex-édile et les explications des avocats
C’est à la demande de ses avocats et avec l’accord du juge que Khalifa Sall a pu s’exprimer. Une allocution sans notes, la loi l’interdit, mais bien préparée. « Ce procès est politique » attaque le maire de Dakar qui poursuit : « Je suis ici, M. le juge, car j’ai dit non à une proposition politique. Non en juin 2012, non en septembre 2012. On m’a proposé un marché, j’ai décliné. On a voulu me le faire payer. »
Maitre Bamba Cissé, l’un de ses avocats, estime que cette déclaration rappelle le contexte de ce procès. « Khalifa a expliqué qu’il s’agissait d’un procès politique et il a expliqué que ce procès vise sa personne. La seule vérité qui vaille, c’est que Khalifa n’a absolument rien pris dans le cadre de cette caisse d’avance-là. »
A la suspension de l’audience, maître Baboucar Cissé critique cette prise de parole. Notamment lorsque Khalifa Sall déclare : « Je ne suis pas quelqu’un qui prend, je n’ai jamais pris de ma vie, on y reviendra. » Pour l’avocat de l’Etat, cette déclaration politique n’a rien à faire dans ce procès. « Sa déclaration liminaire est une déclaration politique, parce qu’il considère qu’il s’agit d’un procès politique. Or, le tribunal a eu à le rappeler à l’ordre pour dire que le tribunal est saisi de faits précis. »
Cinq co-accusés, collaborateurs de Kalifa Sall, ont été interrogés ce lundi, notamment sur l’origine des fonds qui auraient été détournés.