L’Elysée. essayerait-il d’endormir la société civile et la diaspora Tchadienne après avoir adoubé les généraux putschistes, ou a-t-il pris conscience de l’impasse diplomatique et politique dans laquelle son soutien à un successeur anticonstitutionnel place la France sur le continent et la scène internationale???
L’avenir proche nous fixera sur l’intention réelle des initiateurs de cette audience accordée aux activistes Tchadiens de la diaspora par le chef de la « cellule africaine de l’Élysée
La France et ses hauts gradés séditieux ouvertement d’extrême droite
Tribune de militaires : dix-huit signataires en activité vont passer devant un conseil militaire
La tribune, signée par «une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires», appelle le président Emmanuel Macron à défendre le patriotisme, contre un «délitement» de la nation.
Les militaires signataires d’une tribune controversée dénonçant le «délitement» de la France et appelant à «soutenir les politiques» oeuvrant contre encourent la radiation ou des sanctions disciplinaires, a annoncé mercredi 28 avril le chef d’état-major des Armées. La vingtaine de généraux en «deuxième section» signataires – proches de la retraite mais qui peuvent toujours être rappelés – risquent «la radiation, donc la mise à la retraite d’office», a déclaré le général François Lecointre au quotidien dans un entretien publié par Le Parisien , ce mercredi 28 avril.
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«Ces officiers généraux vont passer chacun devant un conseil supérieur militaire. Au terme de cette procédure, c’est le président de la République qui signe un décret de radiation», a précisé le général Lecointre. «Je souhaite que leur mise à la retraite d’office soit décidée», a-t-il relevé en évoquant «une procédure exceptionnelle», lancée à la demande de la ministre des Armées.
Les 18 soldats d’active identifiés – dont quatre officiers – parmi les centaines de signataires recevront pour leur part «des sanctions disciplinaires militaires», a précisé le général François Lecointre, en évoquant des sanctions «plus fortes pour les plus gradés». «Je considère que plus les responsabilités sont élevées, plus l’obligation de neutralité et d’exemplarité est forte», a-t-il martelé. Florence Parly a demandé lundi des sanctions à l’encontre des signataires, jugeant leurs «actions inacceptables» et «irresponsables».
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Un général déjà radié
Parmi les signataires, le général Christian Piquemal, ancien patron de la Légion étrangère, a déjà été radié en 2016 des cadres de l’armée pour avoir participé à une manifestation interdite contre les migrants à Calais. «Je vais lui envoyer une lettre pour lui dire qu’il est indigne, salit l’armée, la fragilise en en faisant un objet de polémique nationale», a indiqué le général Lecointre. «Je leur conteste à tous (…) le droit de prendre des engagements politiciens en mettant en avant leur grade», a-t-il ajouté.
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Il a réfuté toutefois toute radicalisation d’extrême droite au sein des armées. «L’armée est républicaine, elle n’est pas politisée (…) Elle est à l’image de la société française», a-t-il assuré, en dénonçant «une tentative de manipulation inacceptable» de l’institution militaire par les généraux signataires.
La tribune, publiée par Valeurs Actuelles le 21 avril, appelle le président Emmanuel Macron à défendre le patriotisme. Les signataires dénoncent le «délitement» qui frappe selon eux le pays et se disent «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation». «Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre (…), provoquant au final (…) l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles (…)», promettent-ils dans ce texte mis en ligne 60 ans après le putsch des généraux d’Alger. «Le fantasme du putsch me paraît hors de propos. Il n’y a pas la moindre tentation de ce genre», a répliqué le général Lecointre, interrogé sur le lien avec la guerre d’Algérie.
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À peine croyable mais vraie dans une aussi vieille démocratie: une tribune, signée par une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires, appelle le président Emmanuel Macron à défendre le patriotisme, contre un «délitement» de la nation.” ….Comme si nous sommes dans un vulgaire pays institutionnellement instable, pour ne pas dire une “république bananière”.
Cela dénote une mentalité réactionnaire, fasciste et suprémaciste très prégnante chez des personnalités encore nostalgiques d’un empire colonial passé, et qui ne savent ou ne peuvent plus contenir leur frustration devant la perte inexorable de son influence internationale dont elles rendent le multiculturalisme et la diversité sociologique principalement responsables.
Comment ne pas faire le rapprochement entre ces généraux séditieux Français et les généraux putschistes Tchadiens adoubés récemment par Emmanuel Macron? Car cela renvoie sans le vouloir l’image d’un vieux pays avec un système politique obsolète dit civilisationnel, qui a en réalité particulièrement mal avec la démocratie moderne et mondialisée.
En effet cette France semble autant malade en interne que les démocratures qu’elle prétend “stabiliser” (au nom voulu de la lutte contre le terrorisme) et pérenniser à travers des successions dynastiques en Afrique noire francophone.
JDE
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Soutien militaire au Tchad: l’anomalie démocratique
En soutenant de fait le coup d’État du fils du président Déby, Emmanuel Macron a engagé la France sur un chemin dangereux. Une décision prise dans le huis clos de l’Élysée, dont députés et sénateurs semblent tout ignorer, jusqu’à la légalité.
Ce qui s’est passé en ce mois d’avril 2021 au Tchad restera dans les livres d’histoire. Un président en exercice tué au lendemain de sa réélection ; une attaque rebelle venue de Libye ; la prise de pouvoir par une junte menée par son fils au mépris de tout ordre constitutionnel.
La France a, à sa manière, influencé le cours de l’histoire. En se refusant à intervenir directement contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), comme elle l’avait fait en 2019, elle a d’abord laissé – volontairement ou non – son allié Idriss Déby Itno à portée de mitrailleuses. En refusant ensuite de dénoncer la prise de pouvoir hors de tout cadre constitutionnel par son fils, Mahamat Idriss Déby, et en s’affichant aux côtés de ce dernier lors des obsèques de son père, elle a, de fait, avalisé le coup d’État qui a suivi la mort de Déby père.
Le sort de toute la région est désormais suspendu aux développements en cours dans ce pays d’Afrique centrale. Pourtant, à quelques exceptions près, la classe politique française est restée silencieuse. Les options prises par Emmanuel Macron, qui engageront la France et ses alliés européens dans les années voire les décennies qui viennent, n’ont été ni détaillées ni débattues.
Les députés et sénateurs de tous bords interrogés par Mediapart semblent largement ignorer ce que font (ou ne font pas) nos forces armées sur place. Y compris parmi les président.e.s des commissions de défense de l’Assemblée et du Sénat, aucun n’est capable de décrire avec précision les contours de l’intervention militaire française au Tchad ces derniers jours. En quoi consiste précisément le soutien logistique apporté aux forces armées tchadiennes ? Des équipements militaires ont-ils été livrés ? Des soldats des forces spéciales ont-ils été déployés ?
« La commission n’a pas d’informations pouvant laisser penser que la France se serait impliquée dans cet affrontement intra-tchadien » nous a fait savoir le sénateur (LR) et président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat Christian Cambon.
De nombreuses sources ont pourtant confirmé à Mediapart que les armées françaises soutenaient les forces armées tchadiennes qui combattaient le FACT grâce à ses moyens de surveillance et de renseignement (drones, avions, satellites…), du largage de matériel ou encore un appui médical. Tant les rebelles que les forces armées tchadiennes ont assuré à Mediapart que cet appui français avait été décisif dans certains combats.
Également interrogée sur la nature précise du soutien militaire français, la présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale Françoise Dumas (LREM) nous a répondu que la situation au Tchad serait « abordée lors de la prochaine audition de Florence Parly », le 4 mai prochain. Soit près d’un mois après le lancement de l’offensive du FACT, le 11 avril dernier.
« Les institutions de la Ve République et la pratique de l’exécutif macroniste sont si peu démocratiques que même des commissaires de la défense sont maintenus dans l’ignorance de ce que fait réellement l’armée française au Tchad », observe le député LFI Bastien Lachaud, également membre de la commission défense de l’Assemblée. « Nous sommes réduits aux conjectures : l’armée française fait-elle du renseignement, de la surveillance, du soutien logistique ou seulement de l’assistance médicale ? Nous ne le savons pas » concède l’élu insoumis.
Cadre légal inconnu
Peut-être plus préoccupant encore : aucun des parlementaires interrogés ne sait dans quel cadre légal s’inscrit ce soutien militaire français. En vertu de quel accord ou traité les Français ont-ils largué du matériel, fourni des images satellite, évacué des blessés tchadiens ? « C’est une excellente question » convient la secrétaire de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, la sénatrice (socialiste) Hélène Conway-Mouret – qui nous a dit « se renseigner ».
S’agit-il des accords encadrant l’opération Barkhane, dont le quartier général se trouve au Tchad ? Celle-ci a pourtant pour but la lutte contre le terrorisme – or, le groupe rebelle aujourd’hui combattu, le FACT, n’est pas un groupe djihadiste. Le ministère des armées lui-même le reconnaît.
Interrogé par Mediapart, le cabinet de la ministre assure n’avoir « rien fait d’illégal » et évoque des accords de coopération militaire « revus en 2008 ». Problème : personne, jusqu’à présent, n’avait connaissance de l’existence de tels accords « revus ». Ils ne figurent pas dans la base de données des traités et accords du ministère des affaires étrangères. L’association Survie, qui avait produit en 2019 une note d’analyse sur le cadre légal des interventions françaises au Tchad [sous format pdf], indique également ne pas en avoir connaissance.
Sollicité une seconde fois par Mediapart via son service de presse, le ministère évoque cette fois « l’accord de coopération militaire technique qui lie la France et le Tchad ». Soit un texte de 1976, qui porte sur la formation de soldats tchadiens et qui exclut explicitement la participation directe de soldats français à des opérations de guerre ou de maintien de l’ordre.
« Il y a différents accords de coopération entre la France et le Tchad mais aucun ne justifie une ingérence dans les affaires internes » relève Bastien Lachaud.
Malgré l’incongruité de la situation – en 2021, des soldats français s’activent au Tchad pour soutenir une junte arrivée au pouvoir par un coup d’État, sans que les parlementaires français ne connaissent ni la nature précise de leurs opérations ni le cadre légal de leur intervention –, la classe politique française ne semble pas s’émouvoir outre mesure.
Les quelques sorties de la France insoumise (Bastien Lachaud et Jean-Luc Mélenchon ont condamné le soutien de l’Élysée à la junte militaire), du Parti communiste et du député de Haute-Garonne (ex-LREM) Sébastien Nadot n’ont pas suffi à susciter un débat soutenu. Les écologistes ont été inaudibles, malgré les ambitions affichées de leur possible candidat à la présidentielle Yannick Jadot en matière de politique étrangère.
« C’est comme si certains parlementaires français avaient acté que lorsqu’on est parlementaire, en matière d’affaires étrangères, on était là pour relayer les informations du gouvernement – et surtout pas évaluer ou contrôler son action », analyse Sébastien Nadot, l’un des rares députés français incisifs sur les questions de politique étrangère, notamment sur le contrôle des exportations d’armes françaises.
Yannick Jadot partage le constat : « Le fait qu’il y ait de moins en moins de débats parlementaires sur ces sujets est une très forte anomalie politique et démocratique de la France. Ce n’est pas seulement un problème parce qu’on ne construit pas l’adhésion (ou l’opposition) des citoyens à ces opérations. C’est aussi une question d’efficacité : on se place dans situations très compliquées, où on n’arrive pas à articuler les enjeux, à donner une perspective autre que militaire. » L’eurodéputé écologiste en veut pour preuve l’intervention militaire de 2011 en Libye, « démonstration absolue qu’un président de la République qui décide seul des opérations peut conduire à des catastrophes ».
« Tétanisés »
Concernant le Tchad en particulier, le relatif silence des politiques français peut avoir d’autres explications. « Beaucoup d’élus sont tétanisés par la question du terrorisme », analyse un cadre d’EELV qui suit les dossiers internationaux. Face à un président Déby (père et désormais fils) présenté comme le dernier rempart contre les groupes djihadistes de la région, difficile de défendre une alternative sans être présenté comme partisan du chaos. « Les attentats commis en France créent une situation très particulière où l’on a pas envie d’apparaître comme la personne qui baisse la garde – quand bien même les mouvements rebelles tchadiens ne sont pas djihadistes », poursuit ce cadre.
Seconde singularité géopolitique susceptible d’expliquer le silence de certains politiques français : le contexte de remontée en puissance de la Russie et de la Turquie sur le continent africain. « La présence russe-turque et qatarie pousse beaucoup de gens à être prudents dans la critique, on entend un discours qui monte sur : ‘Mais quand même, pourquoi la France devrait laisser sa place ?’, qui peut même toucher une partie des partis dits de gauche », analyse encore ce cadre écolo.
À défaut d’avoir enflammé la discussion publique en France, les quelques élus critiques des positions françaises au Tchad espèrent désormais porter la question au Parlement européen, où ils espèrent passer une résolution d’urgence.
Médiapart 29 avril 2021 Par Justine Brabant