Souveraineté, État tribal et Désir de catastrophe
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
La dernière interview de Patrice Nganang dans cameroon-info.net 1/5/2018 où il dépeint la présidence de Biya comme dominé par un énorme effort pour protéger les intérêts étroits d’un groupe démographique spécifiquement: le “G Bulu”. Mais aussi comment les marges se construisent toujours au centre du pouvoir dans les sociétés totalitaires comme le Cameroun.
Après, l’intervention de Joël Didier Engo, président du CL2P, en réaction à la conversion récente de Dieudonné Enoh Meyomesse à la politique réactionnaire en vigueur au Cameroun, posent le problème de la souveraineté de ce pays. Comment cette forme de «démo-gouvernementalité» intégrale produit des séries d’événements malheureux, dont l’accumulation ces dernières années, amplifient l’état d’exception du régime qui est devenu la norme avec une banalisation des situations de dégradation humaine. Cette dégradation humaine pose des défis singuliers aux théories politiques et juridiques de la souveraineté, de la légitimité, de l’autonomie individuelle et l’auto-détermination, puis de la démocratie.
En effet, au lieu d’accepter prima facie la banalité de l’exception et les moyens arbitraires que le régime a déployés pour dépouiller les Camerounais ordinaires de leurs droits inaliénables, l’attention doit porter sur la façon dont le régime de Biya utilise son pouvoir souverain comme une technologie à grande échelle pour diviser les Camerounais ordinaires entre tribus, ce que Michel Foucault décrit comme l’émergence du biopouvoir exercé comme droit de vie et de mort du souverain sur ses sujets. Et comment ce pouvoir conduit toujours directement à un désir de catastrophe avec la tentation hérétique du tyran de se prendre pour Dieu le père, ce qu’il n’est pas. Surtout dans cette forme de fatalité humaine où le pouvoir absolu a toujours corrompu absolument ses sujets.
Cela montre que le concept de souveraineté est encore très imprécis au Cameroun.
Car dans un pays normal, la souveraineté est divisée entre le parlement, le pouvoir judiciaire et la souveraineté populaire à travers le vote. Ainsi les positions de Nganang et Engo visent à démontrer que la souveraineté n’est pas le produit de la domination divine, comme le veut le régime de Biya. En pratique cela signifie que Biya ne peut pas convaincre les Camerounais ordinaires que la terre est plate. Aussi, les gens qui croient que Biya peut rendre la terre plate sont fous parce qu’ils ne comprennent pas le rôle que la fiction et l’idéologie jouent dans la citoyenneté.
Il faut dire et redire qu’une dictature prospère lorsque les gens ne comprennent pas leurs droits ou sont forcés de les abandonner, ce qu’ils ne devraient pas faire s’ils comprennent vraiment ce qu’est l’autonomie et l’autodétermination.
De plus, comment «la souveraineté est une notion spirituelle qui signifie: le lien ancestral avec la terre et comment nous y restons attachés, et nous y retournerons un jour pour être unis à nos ancêtres. Ce lien est la base fondé sur la propriété du sol, ou mieux, de la souveraineté. Il n’a jamais été cédé ou éteint, et coexiste avec la souveraineté de la république ce qui signifie que nous sommes tous camerounais, que Biya soit ou non président, donc nous avons le devoir d’aimer notre pays. À son tour, la souveraineté est auto-explicative: vous faites vos propres lois et vivez les vies que vous avez choisi en toute liberté
Il est entendu que les Camerounais ordinaires ont été désavantagés à plusieurs reprises, notamment par la dictature actuelle. Maintenant, la tribu est l’une des dimensions les plus insidieuses de la vie camerounaise. Être camerounais vous donne à la fois la citoyenneté et la sujétion. Cependant, plutôt que de se concentrer sur un concept particulier comme la souveraineté, l’État ou la gouvernementalité, nous devons penser d’une manière toujours ouverte à ce qui est en train d’émerger et à ce qui est en cours de transformation. En particulier, les transformations dans les configurations contemporaines de souveraineté, citoyenneté, et droits où le corps est devenu un lieu crucial pour revendiquer des droits, donnant naissance à ce que le penseur français Didier Fassin appelle la «biolégitimité» où l’existence et la vie se mélangent à la biologie avec le mantra «Je suis quelqu’un» et «Je sais que je suis vivant» qui sont l’expression du soi souverain.
En ce sens, nous pouvons généralement considérer, en ce qui concerne la dynamique individuelle de l’État, que le corps est la dernière frontière matérielle entre le public et le privé. En effet, son histoire est celle forcément non linéaire de l’incidence des pouvoirs régulateurs en elle. C’est donc le dernier champ de bataille entre l’autonomie privée et, actuellement, la régulation étatique.
Comment «la biolégitimité» introduit le concept important de l’économie morale.
Dans «Compassion et répression: l’économie morale des politiques d’immigration», Didier Fassin étudie les transformations de l’asile politique au cours desquelles les «revendications humanitaires» – éclairées par les besoins de santé – sont privilégiées par rapport aux revendications politiques. Ainsi, une pratique pour mettre en avant la dimension morale de la vie humaine et de l’action sociale. Et des ressources altruistes qui éclipsent les économies politiques pour une expression ouverte d’empathie et de souci de réguler la vie sociale. Par conséquent, face aux désordres du monde, les préoccupations morales ont fourni une base solide pour le développement de politiques internationales et locales; mais aussi “une force puissante de notre monde” qui est globale et pourtant inégale. Cette nouvelle économie morale humanitaire, dans laquelle l’attention est «concentrée sur la souffrance et le malheur», suscite la réponse du «gouvernement humanitaire» qui donne à la souffrance une voix et la compassion une pratique. Ainsi, comment la force productive de la vie elle-même est exploitée pour devenir un puissant indicateur de significations et de valeurs.
Cependant les Camerounais ordinaires doivent comprendre que le régime est limité par des traités et des accords qu’il a volontairement signés. Cela explique pourquoi Nganang a été libéré parce que la liberté de parole reflète le développement impressionnant du droit international et des droits humains universels qui ont placé des contraintes politiques importantes sur la souveraineté de l’État.
En tant que tel, l’ethno-fascisme ne peut être une motivation appropriée ou une politique démocratique.
En effet, compte tenu de nos origines diverses dans ce pays qu’est le Cameroun, suggérer qu’il y a une sorte d’identité camerounaise authentique, en excluant les deux régions anglophones, est simplement une forme choquante de mystification. Car la race et la fausse conscience sont à la racine de tout le populisme actuel, de manière profonde, constante, et assez complexe. Et si vous ne pouvez pas déconstruire cela, vous devenez un idiot utile et facilement un partenaire mineur de la coalition qui sombre actuellement dans une dérive génocidaire au Cameroun.
Celui qui n’est pas prêt à discuter de la dictature de Biya devrait également garder le silence sur l’ethno-fascisme
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Sovereignty, the Tribal state and the Desire for Catastrophe
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Patrice Nganang latest interview in cameroon-info.net 1/5/2018 where he depicts the Biya’s presidency has dominated by a huge effort to protect the narrow interests of one particular demographic group: the “G Bulu.” and, how margins are always built at the center of power in disciplinary societies like Cameroon.
More, Joel Didier Engo’s, president of the CL2P, to complicate that with his latest response to Dieudonne Enoh’s recent turn into reactionary politics pose the problem of sovereignty in Cameroon. How this form of integral “demo-governmentality” produces a series of unfortunate events, whose accumulation in recent years in Cameroon, amplify the regime’s state of exception which has now become the norm with a trivialization of situations of human degradation. Human degradation which poses unique challenges for political and legal theories of sovereignty, personal autonomy and self-determination, legitimacy, and democracy. Instead of accepting prima facie the banality of the exception and the arbitrary ways the regime stripped, ordinary Cameroonians of their inalienable rights, carrying attention to ways in which the Biya’s regime uses its sovereign power as a large scale of technology to divide ordinary Cameroonians between valuable and invaluable lives which Michel Foucault describes as the emergence of biopower in contrast with sovereign power, exercised with a basis on the right to life and death of the sovereign over his subjects. And how that power always leads straight into a desire for catastrophe with the heretic temptation of the tyrant seduced into playing God that he is not. Especially, with this human fatality where absolute power has always corrupted his subjects absolutely.
It shows that the concept of sovereignty is still very imprecise in Cameroon.
In a normal country, sovereignty is divided between the parliament, the judicial court and popular sovereignty through the vote. Thus, what Nganang and Engo aim to achieve is to demonstrate that sovereignty is not the product of divine rule as the Biyas’s regime wants us to believe. In practice, it means that Biya cannot convince ordinary Cameroonians that the earth is flat. Hence, folks who believe that Biya can make the earth flat are crazy because they do not understand the role that fiction and ideology play in citizenship right. Hence, a dictatorship thrives when people do not understand their rights or are forced to give them up which they should not do if they really understand what autonomy and self-determination are all about.
More, how “sovereignty is a spiritual notion which means: the ancestral tie with the land and how we remain attached thereto, and must one day return thither to be united with our ancestors. This link is the basis of the ownership of the soil, or better, of sovereignty. It has never been ceded or extinguished, and co-exists with the sovereignty of the republic which means that we are all Cameroonians whether or not Biya is the president, therefore, we have the duty to love our country. In turn, sovereignty is self-explanatory: you make your own laws and live the lives they choose.
It is understood that ordinary Cameroonians have been disadvantaged many times over, not least by the current dictatorship. Now, tribalism is one of the most insidious dimensions of Cameroonian’s life. Being Cameroonian give you both citizenship and subjection, however, rather than fix on a particular concept like sovereignty, the state, or governmentality, we need to think in ways that are always open to what is emerging and what is under transformation. Particularly, transformations in contemporary configurations of sovereignty, citizenship and rights where the body has become a crucial site for claiming rights, giving rise to what the French thinker Didier Fassin aptly calls “biolegitimacy” where existence and living comes together mixing biology with biography with the mantra “I am somebody,” and “I know that I am Alive” which are expression of the sovereign self.
As so, we can generally consider, regarding the State – individual dynamics, that the body is the ultimate material frontier between public and private. In effect, its history is the non-linear history of the incidence of the regulating powers into it. It is thus the last battlefield between private autonomy and, currently, State´s regulation. How “biolegitimacy” introduces the important concept of the moral economy. In “Compassion and Repression: The Moral Economy of Immigration Policies”, Didier Fassin investigates the ways in which political asylum has undergone a transformation in which “humanitarian claims”—informed by health needs—are being privileged over political claims. Thus, a practice to foreground the moral dimension of human life and social action. And altruistic resources that eclipse political economies for an open expression of empathy and concern to regulate social life. Therefore, in the face of the world’s disorders, moral concerns have provided a powerful ground for developing international as well as local policies. Thus, “a potent force of our world” that is global and yet uneven. This new humanitarian moral economy, in which attention is “focused on suffering and misfortune,” elicits the response of “humanitarian government” that gives suffering a voice and compassion a practice. Thus, how the productive force of life itself are harnessed to become powerful indicator of meaning and values.
More, ordinary Cameroonians, however, have to understand that the regime is bounded by treaties and agreements it voluntarily signed. This explains why Nganang was released because freedom of speech which reflect the impressive development of international law and international human rights that have placed significant political constraints on state sovereignty.
As such, Ethno-fascism cannot be a proper motivation or democratic politics.
Therefore, in view of our diverse background in this country that is Cameroon, to suggest that there is a kind of an authentic Cameroonian identity, in including the two English-speaking regions, is simply the stuff of mystification and shocking. Race and false consciousness is at the root of all present populism in a deep and quite complex way. If you cannot deconstruct that, you become a useful idiot and easily a minor partner in coalition with genocidal mania is it here or in Cameroon.
Whoever is not prepared to discuss Biya’s dictatorship should also remain silent about ethno-fascism
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P