Sur le jeu de dupes de M. Alain Foka au Cameroun
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Un journaliste peut-il prétendre être trop intelligent pour son propre bien en cette période particulièrement sensible et dangereuse au Cameroun? De manière générale un journaliste qui estime suivre la déontologie de sa profession doit au moins être précis. C’est Albert Camus qui a dit un jour que nommer mal les choses c’est ajouter au malheur du monde.
M. Foka a prétendu que la déontologie journalistique expliquait son silence sur le Cameroun. Par conséquent, appeler « agitateurs» des Camerounais ordinaires et les lanceurs d’alertes qui se soucient de leur pays et luttent au prix de leurs vies respectives pour faire cesser les multiples violations des droits humains commises par le gouvernement, plutôt que les nommer (ce qu’ils sont) des activistes des droits humains est non seulement désobligeant mais choquant. Car M. Foka refuse délibérément de s’enquérir des informations et des réquisitoires politiques exposées par ceux-ci, préférant se limiter à leurs origines sociales et/ou leurs opinions politiques. Il est vrai que Mr. Foka se voit et voudrait qu’on le voit comme un journaliste ô combien intègre, même s’il en est autrement. Mais il faut reconnaître qu’il fait partie en réalité d’un système archaïque devenu littéralement fou. Un système qui n’est plus contrôlé par la profession comme il le voudrait. Notamment parce que les nouveaux médias qui émergent du numérique, dont l’entrée et l’utilisation nécessitent peu de moyens, viennent concurrencer les grands médias parfois sous la tutelle diplomatique donc politique, comme RFI pour lequel Mr. Foka travaille prioritairement à destination de l’Afrique francophone. Aussi devront-ils rapidement revoir leur logiciel paternaliste, au lieu de s’en prendre inutilement aux “agitateurs.”
En fait, les organisations médiatiques qui refusent aujourd’hui délibérément de faire la promotion des droits de l’Homme ne font pas leur travail correctement.
En plus, faire des commentaires stupides et exagérés avec des termes comme « agitateurs » ne fera pas de bien à M. Foka ou à sa cause. C’est certes son droit de ne pas souscrire à l’idée de se battre pour les droits de l’Homme au Cameroun, mais c’est proprement idiot de penser que comparer les activistes des droits de l’Homme à de simples « agitateurs » est le moyen le mieux indiqué pour les amener à écouter voire partager son point de vue. Indépendamment de ses intentions, tout ce que M. Foka a fait dans son entretien polémique consistait à semer la division – et à être absolument certain que les « agitateurs » (comme il les appele de manière méprisante) et même le public visé ne suivraient pas son opinion.
En effet, M. FOKA, il est important que vous compreniez personne ne vous demande d’avoir un parti pris sur votre pays d’origine (Le Cameroun), mais d’être aussi réactif et objectif sur la tyrannie qui y sévit depuis 37 ans, avec son lot de mal gouvernance chronique, de massacres des populations civiles, de privations des libertés, et surtout de répression systémique …Comme vous le faîtes sur tous les autres pays africains.
Sinon il s’agit effectivement d’un silence pour le moins complaisant voire complice de la part d’un professionnel des médias.
Car il faut rappeler à M. Foka qu’un média d’information publique est essentiel au fonctionnement des droits de l’Homme et de la démocratie.
La couverture médiatique rapporte et met en valeur les informations et les récits qui façonnent les attentes du public et motivent les décisions publiques, et elle identifie des voix faisant autorité et « dignes » pour témoigner. Les médias publics mènent des enquêtes et demandent des comptes à des acteurs puissants. Leur analyse fournit une grille d’analyse et un cadre cohérent pour l’interprétation des événements complexes. Les médias renforcent l’empathie sociale en parlant aux autres des autres. Ils fournissent un forum social de dialogue et mobilisent les gens à travers des campagnes et des programmes d’information. Les médias font également la promotion des droits de l’Homme en mettant en lumière les violations et en approuvant des politiques conformes aux Conventions internationales signées puis ratifiées par les États. Le travail des médias libres incarne à suffisance le droit humain à la liberté d’expression en action.
C’est en ce sens, pour une question de citoyenneté et de démocratie, que les institutions doivent se ressaisir dans une période où des hommes et femmes politiques ne souhaitent pas donner les clés pour se faire comprendre. Ils sentent que ça donnerait beaucoup de pouvoir à cette base “d’agitateurs” dont ils se sont éloignés. Au contraire, l’éducation aux médias recrée du lien, du débat, atténue et même soigne la grande coupure entre la culture des élites et la culture populaire.
Parce que la culture des médias, c’est la culture populaire. Ce que tout le monde consomme mais méprise. Et c’est un incroyable outil de socialisation, qui permet de comprendre la société, donc d’agir dessus.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
On Mr. Foka’s Chicken Games in Cameroon
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P
Can a journalist be too clever for his own good in dangerous time? A journalist who claims to follow his profession’s deontology ought to be precise. It was Albert Camus who once said that to name things the wrong way only adds to the misfortune of the world. Mr. Foka feigned concerns for Cameroon to explain his silence is ridiculous.
Hence, calling ordinary Cameroonians and whistleblowers who care about the country and are fighting to stop government’s multiple abuses and human right violations as “agitators” rather than human right activists is offensive because it does not examine information and the political indictments exposed but people origin or positions. It is true that Mr. Foka sees himself as an honest journalist. But we must recognize that it is part of a crazy system. A system that is no longer controlled by the profession. Especially because new media emerging from the digital world, since it requires little means, and compete with the major media like RFI for which Mr. Foka work. On the other hand, they will suddenly have to review their software instead of talking about « agitators. »
As a matter of fact, media organizations which fail to promote human rights are not doing their jobs properly.
What’s more, making stupid, overblown comments like “agitators” isn’t going to do Foka or his cause any favors. It is okay if he doesn’t like the idea of fighting for human rights in Cameroon. But you’d have to be an idiot to think that comparing human rights activists to mere “agitators” is a good way to get them to listen to your point of view is stupid. Regardless of his intentions, all Foka did in his interview was to further sow division — and make absolutely certain that the “agitators” and the audience involved will never come around and consider his opinion.
Indeed, Mr. FOKA, nobody asks you to be biased on your country of origin, but to be as responsive and objective about the tyranny that has raged there for 37 years, with its lot of chronic poor governance, massacres of civilians, deprivation of freedoms, and especially of systemic repression … As you do on all other African countries.
Otherwise it is indeed a silence to say the least complacent or complicit on the part of a media professional.
Indeed, one has to remind Mr. Foka that a free news media is crucial to the functioning of human rights and democracy. Media coverage reports and highlights information and narratives which shape public expectations and impel decisions, and it identifies authoritative and ‘worthy’ voices. The media conducts investigations and holds powerful actors to account. Its analysis provides a coherent framework for the interpretation of complex events. The media boosts social empathy by telling people about others. It provides a social forum for dialogue, and it mobilizes people when it conducts campaigns. The media also promotes human rights by highlighting violations, and endorsing human rights compliant policies.
The work of the free media epitomizes the human right of freedom of expression in action.
It is in this sense, for a question of citizenship and democracy, that the institutions must recover at a time when politicians do not want to give the keys to make themselves understood. They feel that it would give a lot of power to this base of « agitators » from which they have moved away. On the contrary, media education recreates the link, the debate, and the great divide between elite culture and popular culture. Because media culture is popular culture. What everyone consumes but despises. And it is an incredible tool of socialization, which makes it possible to understand the society, thus to act on it.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P