Sur les négociations de paix anglophone au Cameroun: trop peu, trop tard?
Alors que le président Biya s’est finalement résigné à tendre la branche d’olivier aux supposés rebelles anglophones, après trois ans d’une escalade guerrière particulièrement meurtrière et d’une impasse dans le processus de dialogue au Cameroun anglophone, on pourrait affirmer que le problème du régime de Yaoundé n’est pas tant qu’il est un régime mystérieux mais un livre ouvert. C’est en effet un régime qui mène une guerre sauvage asymétrique contre d’autres Camerounais, au motif que la « forme de l’État » du Cameroun n’était pas négociable.
Combien de fois, comme modestes acteurs de la société civile, avons-nous tiré la sonnette d’alarme face à la multiplication des victimes et des exactions des deux côtés; puis prévenu ce régime qu’il faisait fausse route sous l’influence de ses faucons, dont son actuel ministre de l’administration territoriale Paul Atanga Nji, de ses idéologues ethno-fascistes habitués des plateaux de sa télévision des milles collines (VISION 4, pour ne pas la nommer)?
Nous a-t-il une seule fois écouté et pris au sérieux? À l’évidence non.
Où en sommes-nous aujourd’hui??? Au seuil d’une réunion redoutée sur la crise anglophone au Conseil de Sécurité des Nations Unies, réunion que le régime de Yaoundé veut éviter par tous les moyens; parce qu’elle pourrait le dessaisir de tout rôle dans le règlement négocié et pacifique de cette crise anglophone, avec éventuellement une mise en place de sanctions ciblées contre certains de ses principaux dignitaires, puis de possibles inculpations devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
Cette mission d’apaisement hélas tardive du premier Ministre Joseph Dion Ngute sur le terrain vient tristement nous rappeler combien une petite visite de Paul Biya au tout début de cette crise aurait vraisemblablement permis d’éviter l’escalade guerrière et l’impasse dans le processus de dialogue auquel nous assistons profondément meurtrie.
Et c’est le gros problème, qui vient nous rappeler à quel point le régime de Yaoundé est prévisible. Il n’y a en cela pas vraiment de mystère ici.
Les défauts du président ne sont pas cachés comme il le pense. Il les étale publiquement depuis 37 ans. Pour quelqu’un qui se soucie tellement de son image et qui la fabrique avec tant d’assiduité à coup de publi-reportages, il est un livre relativement ouvert. Son portrait est terminé depuis longtemps. C’est également pour cette raison que l’idée que la mission du Premier ministre dans les régions Anglophones va fonctionner – ou même faire une différence – nous semble relativement incertaine.
Cela démontre à suffisance combien être au pouvoir pour le pouvoir n’est pas productif, mais surtout devient embarrassant après 37 ans d’absence de bilan positif.
C’est dire si nous récoltons avec cette impasse meurtrière l’entêtement d’un homme qui ne s’intéresse qu’au pouvoir et ne gouverne en réalité pas. Pour cela, il est à la fois une quantité extravagamment connue et une réelle tragédie, et même devenue une farce qui s’emballe sous les pressions de la communauté internationale, notamment des Nations Unies et des États-unis d’Amérique, tout en encourageant en sous-main la rhétorique souverainiste et complotisme dans les rangs de ses partisans et principaux alliés alimentaires.
Ainsi, vouloir prétendre comme le font ces derniers que le président Paul Biya n’a pas creusé le fossé linguistique et ethnique, c’est ne pas croire ce que vous pouvez entendre de vos propres oreilles ni voir clairement de vos propres yeux. Évidemment personne n’aime voir ce genre de fracture flagrante s’aggraver au Cameroun et nulle part ailleurs.
La réalité est pourtant qu’il peut être difficile de relier des normes bafouées, des cœurs brisés, et que les anglophones et toutes les autres victimes du régime sanguinaire de Biya ont tant de nombreux griefs précédents niés et non résolus, dont ces prisonniers politiques croupissant dans ses mouroirs concentrationnaires sous les fallacieuses accusations de détournements de deniers publics ou d’incitation à l’insurrection, voire au terrorisme.
La dernière chose que le président Biya puisse raisonnablement faire aujourd’hui pour sauver son héritage (si tenté que des camerounais lucides puissent s’en revendiquer un jour) c’est de mettre enfin en place les conditions d’une construction d’un véritable Cameroun démocratique. Mais désormais sans lui!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
Vidéos: CRISE ANGLOPHONE: CONFÉRENCE DE PARIS
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English version
On the Anglophone’s Peace negotiation: Too Little too Late?
It is a regime that wages an asymmetrical savage war against other Cameroonians, on the grounds that the « form of the State » of Cameroon was non-negotiable.
How many times, as modest actors of the civil society, the CL2P has sounded the alarm of the multiplication of victims and abuses on both sides; and then warned the regime that it was wrong under the influence of its hawks including his current minister of territorial administration Paul Atanga Nji, his ethno-fascist ideologues accustomed to the trays of his television thousand hills (VISION 4, for not to name it)?
Did he listen to us once and take it seriously? Obviously no.
Where are we today??? On the threshold of a dreaded meeting on the Anglophone crisis at the United Nations Security Council, a meeting that the Yaoundé regime wants to avoid by all means; because it could deprive it of any role in the negotiated and peaceful settlement of this Anglophone crisis, possibly with the implementation of targeted sanctions against some of its leading dignitaries, and possible indictments before the International Criminal Court (ICC).
This late mission of alleviation of lthe Prime Minister Joseph Dion Ngute on the ground sadly reminds us how a visit by Paul Biya at the beginning of this crisis would probably have prevented the escalation war and impasse of the process of dialogue that we witness deeply bruised.
And that is the big problem which is how predictable the regime of Yaoundé is. There really are no mysteries here.
The president’s flaws aren’t hidden away as he thinks they are. He often attests to them himself, or demonstrates them publicly. For someone who cares so much about his image, and so assiduously crafts it, he’s a relative open book. The president’s portrait has been completed a long time ago. This is also why the hope that the prime minister’s mission in the Anglophone’s area will work — or even make a difference — is almost certainly forlorn.
Obviously, being in power for power sake is non-productive and embarrassing after 37 years of no records to speak of. This is to say that this is a man that is only interested in power and not governing and for that he’s an extravagantly known quantity and that is a tragedy and now even a farce that comes packaged with the pressures of the international community and, precisely, the United Nations.
Hence, trying to pretend that President Paul Biya has not caused a widening linguistic and ethnic divide means not believing what you can hear with your own ears and see — clearly — with your own eyes. Nobody likes to see this kind of glaring race divide in Cameroon and nowhere else for that matter.
The reality is that shattered norms can prove difficult to glue back together and the Anglophones and other victims of the Biya’s regime have plenty of precedent to cite. The last thing the president can do to save his legacy is the building of a real democratic Cameroon without him.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P