L’erreur fondamentale des théoriciens du complot et de leurs adeptes est la croyance atavique qu’il existe une force obscure gouvernant le monde qui n’est pas nous-mêmes, le peuple. C’est une erreur fondamentale, basée sur de simples projections psychologiques et paranoïaques, par les théoriciens du complot. Ce genre d’attitude est paresseuse et autodestructrice parce qu’elle donne aux institutions plus de pouvoirs qu’elles n’en ont réellement, et au peuple souverain moins de pouvoirs qu’il devrait en avoir. Par conséquent les théories du complot (se) sont enracinées dans un sentiment d’impuissance qui ne comprend pas que c’est le peuple qui est souverain et détenteur du pouvoir républicain, et non les institutions.
En effet chez les théoriciens du complot il y a l’idée que la réalité ne peut s’expliquer à cause d’une «pensée magique», qui prétend notamment que certaines forces sombres voire invisibles contrôlent et manipulent le monde. Le problème avec cette idiotie est qu’elle concourt à naturaliser les relations entre les bourreaux et les victimes, donc à rationaliser le statu quo, les rituels vides, et l’échec politique permanent en prétendant qu’il n’y a pas d’alternatives.
Ainsi ancrées dans la logique du statu quo, les théories du complot naturalisent le règne (à vie) d’un tyran et ses machines de guerre (pour ne pas dire de terreur). En toute vérité, le tyran et les crétins sous son emprise ne se soucient guère du peuple. S’ils le faisaient, ils seraient d’office désavantagés sur le plan strictement politique dans un pays où l’équivalent de tout un gouvernement séjourne en prison. Certains individus dans leur for intérieur pourraient en effet s’en soucier et même en être interpellés, mais l’organisation du système politique et institutionnel en elle-même ne peut pas se le permettre. C’est pourquoi vous avez des psychopathes au pouvoir, des acteurs qui peuvent être très bons et même excellents pour faire semblant de se soucier du peuple. Alors que ceux qui se soucient vraiment ou ont pu se soucier du peuple quand ils faisaient partie du sérail politique sont précisément en prison, et le CL2P les répertorie fréquemment en tenant une liste actualisée.
Nous en arrivons ainsi dans un monde où les Camerounais ordinaires ont moins ou pas de sécurité d’emploi, où les inégalités sont plus que galopantes, et qui transforment le pays dans un précariat permanent. Encore plus, une véritable industrie de la surveillance et la répression massive est mise en place pour continuer à influencer et à manipuler le peuple.
La crise multiple que connaît désormais le Cameroun peut être analysée et comprise dans les limites de ces logiques induites par le modèle voulu de la démocratie libérale, de l’économie néolibérale, et du vide moral appliqué à une tyrannie. Il en résulte une profonde fracture de l’ordre social. Ensuite il y a une privatisation de la politique et la montée des machines de guerre que le libéralisme était pourtant censé rendre impossible à travers la démocratie et les formes efficaces de gouvernance, souvent présentés comme la meilleure manière pour gérer les différences et les conflits politiques. Le résultat dans le contexte camerounais penche hélas beaucoup plus dans un idéalisme mal place et grossièrement calqué sur le modèle néolibéral – ainsi qu’une démonisation déplacée.
Car les nouvelles logiques libérales mettant l’accent sur la technocratie et la bonne gouvernance ont mis au premier plan les questions de nécessité et rendu la division traditionnelle gauche-droite et la guerre de classe très difficiles à pratiquer sous l’idéologie de fin d’histoire de Fukuyama. Le problème est que la « fin de l’histoire » était une idéologie contradictoire. Le grand vide dans la fin de l’idéologie de l’histoire est que l’État était essentiellement d’abord nécessaire pour faire appliquer les lois et rendre leur pays sûr et attrayant pour les grandes entreprises, les investissements directs, et les institutions financières mondiales.
Le problème majeur est que les gouvernements d’aujourd’hui n’ont pas de nouvelles idées, et c’est pourquoi ils sont si inefficaces: parce qu’ils sont de moins en moins en charge. Nos «démocraties» ne donnent ainsi plus que l’illusion du pouvoir dans une économie qui échappe aux politiciens et qui se heurte constamment à des cycles douloureux d’expansion et de crash.
En conséquence, la question de la justice sociale s’est déplacée dans le domaine ou champ des libertés civiles et politiques. Les conflits politiques et économiques balayés par l’idéologie de la bonne gouvernance reviennent sous la forme de l’ethno-fascisme, du radicalisme religieux, du complotisme et d’une plus grande privatisation du pouvoir. Maintenant la gouvernance se réduit à expliquer qu’il n’y a pas d’alternatives à la guerre civile, à la terreur policière, et à l’état d’urgence permanent.
La réalité est qu’il existe toujours des alternatives et que les organisations de la société civile, comme le CL2P, vont être aussi là pour rappeler aux théoriciens du complot et à leurs adeptes que l’arc de l’univers moral est long mais il pointe inéluctablement vers la justice.
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Conspiracy Theory, Executioners and Victims. The Limits of Liberal Governance
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
The basic mistake of conspiracy theorists and their goons is the atavistic belief that there is some dark force ruling the world that is not ourselves, the people. That is the basic mistake, based on simple psychological projection, of conspiracy theorists. That kind of attitude is lazy and self-defeating because It gives institutions more power than they have, and ourselves, the sovereign people, less. Hence, conspiracy theories are rooted in a feeling of powerlessness that do not understand that people have the power not institutions.
As with conspiracy theorists is the idea that reality cannot be explained because of a “magical thinking” that claims that some darker forces are in control. The problem with that idiocy is to naturalize the relationships between executioners and victims, therefore, rationalizing failure, the void and the status quo by claiming that there are no alternatives.
So, as with the status quo, the country is run by the tyrant and his war machines. The tyrant and his goons do not care about people. If they did, they would be at a competitive disadvantage. The individuals within them may care, but the organization itself cannot afford to. That is why you get psychopaths in charge, who can be very good at appearing to care. While people who really care are sitting in prison and the CL2P has a list of those people.
Thus, a world, in which people have less or no job security, is here to stay. The rising inequality is here to stay. And the greater ability to keep an eye on people and influence them, through mass surveillance and data collection, is just beginning.
The multiple crisis facing Cameroon, however, can be understood within the limits of the logics of the liberal democratic procedural model, neoliberal economy and the resulting moral vacuum fracturing the social order. Then, a privatization of politics and the rise of war machines that liberalism was supposed to have made impossible through democracy and efficient forms of governance as the best form to manage differences and political conflict. The result is a lot of misplaced idealism about the neoliberal model – as well as misplaced demonization. The new liberal logics with emphasis on technocracy and good governance has foregrounded issues of necessity and rendered traditional left-right divide and class warfare very difficult to practice under Fukuyama’s end of history ideology. The problem is that the “end of history” was a contradictory ideology. The big gap in the end of history ideology is that the state was still needed to enforce laws and make their countries safe and an appealing place for big business, corporation and global financial institutions.
The major problem is that governments today have no new ideas, and why they are so ineffective: it is because they are increasingly no longer in charge. Our democracies merely give an illusion of control in an economy which is out reach of politicians and running on constant bubbles and crashes.
As a result, question of social justice has moved into area of civil liberties. Political and economic conflicts that were swept under the carpet of the good governance ideology are coming back in the forms of ethno-fascism, religious radicalism and more privatization of power. Now, the governance explaining that there is no alternatives to civil war and a permanent state of emergency.
The reality is that there are alternatives and Civil Right organizations, such as the CL2P, are going to be out there to remind conspiracy theorists and their goons that the arc of the moral universe is long but is bent towards justice.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P