Tradition institutionnelle, Gouvernance, Necropolitique et Politique de statut à Yaoundé
Le journal Mutation a révélé, le vendredi 3 mai 2019, dans sa page de couverture, que 1850 morts au cours ces 20 derniers mois ont été documentées dans les régions anglophones du Cameroun. La question centrale est de savoir pourquoi nous consentons à ce que Achille Mbembe appelle «la nécropolitique », selon laquelle nous ne sommes gouvernables que sous le pouvoir absolu d’un souverain qui peut décider qui doit vivre et qui doit mourir.
Il s’agit d’une gestion dictatoriale fondée sur le pouvoir de l’État et sur une surveillance permanente assise sur l’idéologie selon laquelle aucune alternative à la « Nécropolitique » n’est envisageable. Ainsi, un espace où la praxis radicale et les transformations radicales sont exclues. Une reconnaissance du fait que tout est «foutu» et la triste réalité que nous sommes devenus des complices consentants d’un régime meurtrier, car nous n’avons pas réussi à démanteler l’architecture de l’oppression mise en place depuis 37 ans, voire plus. Alors inévitablement, les choses empirent.
Fort de ce grave constat, le CL2P refuse de banaliser les crimes de masse commis par la dictature au Cameroun anglophone…
En effet, il règne aujourd’hui dans ce pays comme une bien triste répétition de l’histoire, avec cette impression diffuse mais tenace d’un autre génocide commis sous nos yeux par les mêmes camerounais sur d’autres camerounais, parce qu’ils sont ou seraient « anglophones » cette fois-ci…
Tout ceci avec une certaine bienveillance active de la France. Comme exactement la dernière fois.
De grâce, Plus jamais ça!
Pour cela nous devons en urgence reconnaître les valeurs de l’opposition, sinon la situation ne fera qu’empirer. Dans ce sens nous pouvons commencer par démanteler les institutions qui produisent la vulnérabilité et la mort.
Mais comment différentes institutions ont-elles à ce point pu produire des mentalités différentes dans un même pays, expliquant en partie la passivité, la négligence ou la lâcheté des francophones? Les traditions institutionnelles informent assez sur nos pratiques politiques, intellectuelles et sociales. En effet là où les francophones comprennent que l’opposition politique n’est pas tolérée ou est « antipatriote » ; les camerounais britanniques eux, issus d’une tradition politique où le rôle de l’opposition est institutionnalisé et reconnu, l’inscrivent dans une logique de contribution.
Cette reconnaissance pourrait nous libérer enfin et nous aider à imaginer autre chose afin de ne pas être éternellement les esclaves d’un déterminisme historique. Cela signifie dans la pratique, comprendre l’autodétermination en termes de type de socialité et de pratiques reposant sur la conviction que nul ne peut prétendre à un statut spécial au Cameroun et que, par conséquent, nous n’avons d’autre choix que de disposer d’une démocratie fondée sur l’égalité, la justice sociale et l’éthique des comportements à même de transformer notre pays en maison commune.
Cette transformation est nécessaire pour percevoir toutes les options qui s’offrent à nous, et qui ne nous ont pas accessibles dans notre société autoritairement disciplinaire.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
English version
Institutional Tradition, Governability, Death and the Politics of Status in Yaoundé
The Newspaper Mutation printed, on Friday, May 3, 2019 in its cover page, that 1850 Deaths in the past 20 Months have been documented in the Anglophone regions of Cameroon. The central question is that why do we consent to what Achille Mbembe calls “Necropolitics” where we become governable only under the sovereign’s power to decide who should live and should die.
This is a dictatorial management through state power and surveillance under the ideology that no alternative to “Necropolitics” is even thinkable. Thus, a space where radical praxis and transformation are foreclosed. A recognition that everything is “fucked up” and the sad reality that we have become willing accomplices of a murderous regime as we failed to dismantle the architecture of oppression and therefore get coopted into the murderous machine and the recognition that our voluntary servitude will only make things worse.
The CL2P refuses to trivialize the mass crimes committed by the dictatorship in English-speaking Cameroon…
Indeed, it reigns as a very sad repetition of history in this country, with this diffuse but tenacious impression of another genocide committed before our eyes by the same Cameroonians on other Cameroonians, because they are or would be » English speakers « this time …
All this with some active benevolence from France. Like exactly the last time.
Never again!
Thus, we need to recognize the values of the opposition because things will only get worse. We can begin by dismantling the institutions that produce vulnerability and death. How different institutions produce different mentalities in the country and explain the passivity, negligence or cowardice of the Francophones. Thus, how institutional tradition informs our political, intellectual and social practices and where the Francophones understand that political opposition is not tolerated while the British Cameroonians come from a political tradition where the role of the opposition is institutionalized and recognized in a logic of contribution.
This recognition might free us to imagine something else and not be the slave of some kind of historical determinism. In practice, to understand self-determination in term of the kind of sociality and practice that is predicated on the knowledge that nobody can claim special status in Cameroon and therefore we have no choice but to have democracy based on equality, social justice and healing practices based on these common grounds and coalition ethics turning our country into our home. This transformation is necessary to see options that are not currently available to us in a society that so far has been purely disciplinary.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P