Ubuntu, Tradition et Dictature à Yaoundé
Par Pr. Olivier J. Tchouaffe, Membre de l’Institut du CL2P (ICL2P)
Alors que, l’archevêque Desmond Tutu vient d’être inhumé dans sa ville du CAP en Afrique du Sud, il est important de revisiter le concept d’« Ubuntu » qui était le fondement de sa philosophie politique et de celle de Nelson Mandela.
Ceci est important car les régimes autocratiques en Afrique prétendent généralement être « traditionalistes » et « nationalistes », comme le régime de Yaoundé dirigé par le « Nnôm Ngui » (chef des chefs autoproclamé Paul Biya). Mais nous devons analyser comment ces revendications « traditionalistes » et « nationalistes » sont, en fait, des numéros de grands illusionnistes. En effet ce sont de sordides dictateurs néo-libéraux qui dirigent des plantations biopolitiques se faisant passer pour des États-nations modernes. Comme l’ont notamment écrit des universitaires comme Hannah Arendt, les dictatures sont elles-mêmes le produit de la modernité et non de la tradition.
C’est en ce sens que le droit en tant que philosophie juridique portée par le despotisme juridique du régime de Yaoundé est légitimé par une volonté proclamée de moderniser la bureaucratie et l’économie nationale et de faire preuve de «bonne gouvernance» auprès des puissantes institutions supranationales que sont le FMI et la Banque Mondiale. Mais en réalité derrière cette opération mains propres à la Camerounais dite Opération épervier opère une véritable machine d’épuration politique sous le contrôle du dictateur et ses lieutenants, chargée de purger les éléments qu’il considère comme des menaces sérieuses à la pérennisation de son pouvoir; ce qui est tout le contraire de la politique d’Ubuntu qui a une vocation réparatrice et non punitive.
Plus terrible encore, il y a aujourd’hui l’équivalent tout un gouvernement en prison sous le prétexte de la lutte contre la corruption, auquel vient dorénavant se rajouter l’élite de l’opposition légitime. Et nous voyons finalement comment cette opération épervier transforme un problème systémique (la mauvaise gouvernance doublée d’illégitimité chronique d’un pouvoir autocratique) créé par le régime, en un trouble psychologique appelé kleptocratie. Ceci, par inadvertance, encourage que les Africains soient dépeints à travers les stéréotypes coloniaux comme des enfants éternellement irresponsables.
En effet, l’Ubuntu vient d’une philosophie africaine mieux décrite par le proverbe que l’on trouve notamment dans les langues bantoues à travers le continent, « umuntu ngumuntu ngabanye bantu » (une personne est une personne à travers d’autres personnes).
Il s’agit d’une philosophie d’humanité éclairée et de personnalité mutuelle qui prétend que “Je suis parce que nous sommes”. Ainsi, un être social toujours en devenir.
Le concept d’Ubuntu est important dans les logiques d’institutions qui promeuvent la coopération plutôt que la compétition, et la capacité de créer un collectif productif, c’est à dire être toujours éthique. En conséquence, une jurisprudence africaine plus réparatrice que punitive.
Dans ce cas, la réparation des dommages causés à autrui est indissociable du rétablissement des relations avec les personnes lésées. Ubuntu exige un pardon (moralement) coûteux – vous ne pouvez pas recevoir de pardon sans abandonner quelque chose en guise de contrition.
Ensemble, la philosophie d’Ubuntu signifie que nous n’avons pas besoin d’accepter toutes les injustices qui se produisent autour de nous, pas plus nous sommes impuissants à nous y opposer.
Pr. Olivier J. Tchouaffe, Membre de l’Institut du Comité de Libération des Prisonniers Politiques – ICL2P
Ubuntu, Tradition and Dictatorship in Yaoundé
By Olivier Tchouaffe, PhD, Fellow of The CL2P Institute (ICL2P)
As Archbishop Desmond Tutu is laid to rest, it is important to revisit the concept of “Ubuntu” which was the bedrock of his and Nelson Mandela’s political philosophy.
This is important because autocratic regimes in Africa usually pretend to be “traditionalist” and “nationalist”, as with the regime of Yaoundé led by the Nnom Ngui and how these “traditionalist” and “nationalist” claims are, in fact, bullshit. They are modern dictators who run a biopolitical plantation masquerading as modern nation states. As academics like Hannah Arendt have written, dictatorships are themselves the product of modernity and not tradition.
In this sense that the lawfare as a legal judicial philosophy driven by the legal despotism of the regime of Yaoundé is legitimized by a desire to modernize the bureaucracy and to demonstrate “good governance” to the nation’s powerful lenders. That operation sparrow hawk became an important tool, however, for the regime to purge elements that they see as threats to the regime which is contrary to the Ubuntu policy which is restorative rather than punitive.
Even more terrible, there is an entire government in prison, as well as, the elite of the legitimate opposition and how this operation sparrow hawk turns a systemic problem, created by the regime, into a psychological disorder called kleptocracy. This, inadvertently, portrays Africans into colonial stereotypes as eternal irresponsible children.
Indeed, the Ubuntu comes from the African philosophy best understood through the proverb found in Bantu languages across the continent, “umuntu ngumuntu ngabanye bantu” (a person is a person through other people).
This is a philosophy of enlightened humanity and mutual personhood which claims that “I am because we are.” Thus, a social being that is always becoming.
The concept of Ubuntu is important within the logics of institution that promotes cooperation over competition and the capacity to create a productive collective, therefore, the humanity of the others must be upheld since injury to others is injury to the community which means that social relations must always be ethical.
As a consequence, an African jurisprudence that is restorative rather than retributive. In this case, paying reparations for injuries caused to others, is indivisible from the restoration of injured relations. Ubuntu demands costly forgiveness – you cannot receive forgiveness without giving something up as an act of your contrition.
Taken together, the philosophy of Ubuntu means that we do not need to accept all of the injustices that happen around us, nor that we are powerless in opposing them.
Olivier Tchouaffe, PhD, Fellow of The Committee For The Release of Political Prisoners Institute T– ICL2P