Mariam Sankara: «de Blaise Compaoré, j’attends la vérité »
RFI : Mariam Sankara, la justice militaire du Burkina lance un mandat d’arrêt international contre Blaise Compaoré. Votre première réaction ?
Mariam Sankara : Ça me fait plaisir. Je suis contente parce que c’est quelque chose que j’ai souhaité et que beaucoup de personnes comme moi ont souhaité depuis. Et j’attendrai le jour où je le verrai comparaître devant les tribunaux burkinabè. J’attends donc un rapatriement et qu’il soit entendu par la justice militaire. Il nous dira enfin pourquoi et il nous dira la vérité.
Oui, c’est ça. En fait vous voulez savoir ce qui s’est passé ce 15 octobre 1987 ?
Oui. Et pourquoi il a fait ça et qu’il nous explique.
Vous ne doutez pas de la culpabilité de Blaise Compaoré ?
L’assassinat lui a profité ! C’est lui qui a profité ! On attend qu’il nous dise. On écoutera ce qu’il va nous dire.
Vous voulez l’entendre en fait ?
Oui.
A partir du 30 octobre 2014, à partir du jour de la chute de Blaise Compaoré, est-ce que vous y avez cru à ce jour ?
Oui. J’avoue que beaucoup de choses ont changé. Depuis l’insurrection, avec la transition qui a été mise en place, les autorités ont montré une volonté de faire avancer ce dossier. Et le dossier a avancé parce que j’ai attendu pendant longtemps, rien ne se faisait, mais il a fallu que Blaise parte pour que tout bouge.
Au mois de mars dernier, en effet, la justice burkinabè a ouvert une enquête sur la mort de votre mari. A ce moment-là vous vous êtes dit : ça va dans le bon sens ?
Oui. Un juge a été nommé et à ce moment je me suis dit que moi-même j’ai été écoutée. Puis le juge a commencé à écouter d’autres personnes aussi, beaucoup de personnes. Donc j’ai commencé à avoir espoir.
Vous avez été auditionnée par le juge burkinabè ?
Oui, par le juge d’Ouagadougou. C’était au mois de mai.
Ça a duré longtemps ?
Oui, ça a duré parce que c’était la première fois qu’un juge m’écoutait sur cette affaire. Donc il a essayé de faire le point, m’a posé beaucoup de questions… ça a été long, mais je crois que c’était nécessaire.
Donc ça, c’était au mois de mai et évidemment, votre souhait c’était qu’un mandat d’arrêt soit lancé contre Blaise Compaoré. C’est ça ?
Oui, oui… Parce que même quand le juge m’a écoutée, j’ai dit : mais pourquoi des personnes qu’on croyait responsables, pourquoi ces personnes ne sont pas convoquées ? Et il disait: c’est une question de procédure, ça viendra. Donc ça démontre le professionnalisme du juge militaire qui travaille sur le dossier.
Cette annonce d’un mandat d’arrêt international arrive juste avant la fin de la transition et l’arrivée au pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré. Vous pensez que c’est le bon moment pour cela ?
Je pense que le nouveau gouvernement qui va se mettre en place va continuer. Parce que le dossier est suffisamment avancé. Et Roch Kaboré… J’ai écouté ses interventions où il disait que si Blaise était inculpé dans cette affaire, il n’hésiterait pas, parce qu’il n’est pas au-dessus de la loi, donc je pense qu’il va continuer. Il encouragera en tout cas la poursuite de la procédure.
Donc ce mandat d’arrêt c’est peut-être le dernier acte fort des autorités de la transition ?
Oui. Les autorités de la transition ont beaucoup travaillé. Ça, vraiment, je le reconnais! Ils ont fait beaucoup avancer le dossier! Que ce soit le président de la transition, que ce soit le Premier ministre, ce sont eux qui ont commencé, de toute façon. Ce sont eux qui ont permis l’ouverture de ce dossier et donc la justice indépendante aussi, ce sont eux aussi. Et je les félicite. Et la population burkinabè qui a beaucoup travaillé aussi pour ça. Parce que toute la population insurgée s’est mobilisée.
Et cet acte de la justice militaire n’est-ce pas une façon pour le président de la transition Michel Kafando de transmettre le témoin à son successeur le président élu Roch Marc Christian Kabouré ?
De toute façon depuis qu’il y a eu l’insurrection, le peuple burkinabè a émis certains souhaits : plus d’impunité dans ce pays. Et donc ce que Kafando a commencé, je pense qu’il va être difficile pour Roch Kaboré de ne pas continuer dans ce sens.
Blaise Compaoré est aujourd’hui réfugié en Côte d’Ivoire. Qu’attendez-vous des autorités ivoiriennes ?
Qu’il revienne au Burkina. Je voudrais que les autorités ivoiriennes le laissent rentrer au Burkina pour répondre à la justice burkinabè.
Justement, est-ce que vous faites confiance aux autorités ivoiriennes pour cela ?
Le peuple burkinabè veut la justice ! Et le peuple ivoirien et le peuple burkinabè sont des peuples frères. Je pense que les autorités ivoiriennes ne cautionnent pas l’impunité ! Ils ne vont pas continuer à le garder !
C’est un appel que vous lancez au président Ouattara ?
Oui. Je pense que le président Ouattara devrait faire ça pour le peuple burkinabè, pour les bonnes relations entre les deux pays.
Mais vous savez les liens d’amitié entre Alassane Ouattara et Blaise Compaoré !
Oui ! Mais il y a les intérêts aussi des peuples ! Il y a l’amitié et la justice ! Je pense que même en amitié, la justice aussi doit exister ! La justice fait une bonne amitié.
Et vous ne craignez pas que Blaise Compaoré ne cherche à se soustraire à ce mandat d’arrêt ?
Je sais qu’il fera tout ! Bien sûr ! Mais je souhaite que les autorités ivoiriennes répondent positivement. Je pense que ce serait bien qu’elles le fassent pour l’amitié entre les deux peuples. Parce que le peuple burkinabè et le peuple ivoirien sont des peuples frères.
Donc pour vous c’est un grand jour?
Oui. Je peux dire que ce jour je l’ai attendu ! C’est un grand jour.
Par Christophe Boisbouvier – RFI