Ce procès est un symbole : il présente tous les stigmates de la dérive autoritaire de certains pouvoirs en Afrique. Il sera donc observé avec attention par tout le continent et aussi par la France. Au Cameroun, en Afrique de l’Ouest, le principal opposant du pays est traduit devant la justice militaire, à partir du vendredi 6 septembre.
Un opposant risque la peine de mort
Maurice Kamto, l’homme qui incarne l’opposition au président Paul Biya, au pouvoir depuis 37 ans, va comparaître dans le box. Maurice Kamto, avocat au barreau de Paris âgé de 65 ans, est un ancien ministre du régime qui a claqué la porte. En octobre dernier, lors de la dernière élection présidentielle, il s’est autoproclamé vainqueur, mais le pouvoir n’a évidemment pas vu les choses de la même manière puisqu’il a attribué seulement 14% des voix à Kamto, et 71% à Paul Biya qui a été réélu.
Depuis, l’opposition conteste ce résultat, y compris dans la rue. À la fin du mois de janvier, le pouvoir a arrêté Maurice Kamto avec plus de 200 de ses partisans, en prétextant qu’il avait incité au saccage de plusieurs ambassades du Cameroun à l’étranger, notamment à Paris et Berlin. Maurice Kamto s’en défend formellement. Reste qu’il a été inculpé pour “rébellion et incitation à l’insurrection” et renvoyé devant le tribunal militaire de Yaoundé, la capitale camerounaise. Il risque la peine de mort.
Un président au pouvoir depuis 37 ans
Son procès est révélateur de l’évolution au pouvoir de Paul Biya. Après 37 ans au pouvoir, Paul Biya est le chef d’État en place depuis le plus longtemps dans le monde. Un palmarès qu’il partage avec Teodoro Obiang en Guinée Équatoriale. Au Cameroun, Paul Biya est arrivé au pouvoir à peu près en même temps que François Mitterrand en France. Autant dire que la plupart des 25 millions de Camerounais n’ont connu que Paul Biya aux commandes de leur pays.
Aujourd’hui âgé de 86 ans, Paul Biya détient tous les leviers du pouvoir, et l’exerce de façon de plus en plus autoritaire. Plusieurs ONG estiment que la fraude est avérée lors du dernier scrutin présidentiel. Quant aux ressources du pays, comme le pétrole, les mines, l’agriculture, elles ne bénéficient que très peu à la population.
La justice militaire plutôt que la justice civile
Ce procès devant un tribunal militaire témoigne donc de la volonté du président d’écraser toute forme de contestation. Maurice Kamto a d’ailleurs fait appel en réclamant un tribunal civil. La Cour d’appel a répondu qu’il était trop tard et que le tribunal militaire avait déjà commencé à travailler. L’ouverture du procès vendredi s’annonce donc très tendue, d’autant que Maurice Kamto a réclamé dans un courrier que les débats soient publics, pas à huis clos.
Timide pression de la communauté internationale
La communauté internationale, la France en premier, a longtemps fermé les yeux, la France la première. Cela bouge un peu aujourd’hui. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, affirme faire pression sur Paul Biya pour qu’il relâche ces opposants.
L’Union européenne et les États-Unis tiennent le même discours, mais continuent d’employer des formules polies. Bruxelles parle d’une “procédure disproportionnée”, Washington estime qu’une relaxe serait une “décision sage”. Bref, personne ne veut vraiment se fâcher avec l’octogénaire Paul Biya. Et pendant ce temps, les opposants sont en prison.
Mis à jour le 05/09/2019